Giant Sky – Giant Sky II

Giant Sky II
Giant Sky
Stickman Records / GlassVille Records
2023
Palabras De Oro

Giant Sky – Giant Sky II

Giant Sky - Giant Sky II

Giant Sky est le dernier séisme musical qui m’ait secoué depuis des lustres. Autant dire que quand Giant Sky II a pointé son nez, je me suis rué dessus comme un chien sur un os. Le projet de Erlend Aastad Viken a, certes, distillé quelques courts titres sur sa page bandcamp pendant ces deux dernières années, notamment des covers, mais rien ne m’a paru très transcendant. C’est lorsque le très court single instrumental « Origin Of Species » est sorti en novembre dernier que mes oreilles se sont dressées comme chez un chien de chasse à l’affût. Ainsi, ce sont deux minutes grandiloquentes de claviers religieux, semblant illustrer les sensibilités théologiennes du leader de Soup, qui fourniront l’intro du double album qu’est Giant Sky II.
De nouveau, Erlend a peaufiné ces 70 minutes de pur bonheur en mixant des vocaux d’une richesse infinie avec des parties de claviers tour à tour angéliques ou furibondes, dont les sonorités sont forcément inspirées de son prédécesseur, mais nous entraînent également vers d’autres contrées jusque-là inexplorées. Ainsi, « Imposter » prend très vite de court avec sa synthpop aguicheuse à la Alan Parsons Project.

Giant Sky - Giant Sky II band1
L’entrée de plain-pied dans ce Giant Sky II se précise avec un premier bijou qui brille de mille feux, le versatile « Speak Through Walls ». Prenez une ballade acoustique anodine avec un chant féminin magnifié quand les harmonies et nappes de claviers font surgir les premiers frissons de délices. Balayez-le avec un sirocco d’émotions en permettant à une batterie d’y impulser un groove implacable. Enfin, tourmentez une guitare pour créer une espèce de mélodie baroque finalement crucifiée par le chant d’un supplicié. Vous serez alors propulsé sur une chaussée des géants musicale. Impressionnant ! Erlend possède la maîtrise des alternances d’ambiances à l’intérieur d’un titre ou entre plages juxtaposées. Il n’a donc pas peur d’accoler à ce joyau progressif un « Space Farrier » opérant un retour vers une synthpop sautillante, reprenant avec bonheur certaines des recettes de séquences de clavier qui ont fait le bonheur de l’éponyme Giant Sky. Après une courte immersion dans l’ambient profond de « The Present », les ambitions de l’opus sont réaffirmées avec « To The Pensieve », démarrant tranquillement au piano, accompagné d’un double chant féminin et masculin. C’est l’occasion de remarquer une autre capacité du mentor de Soup : la montée en puissance des titres, qu’elle se fasse insidieusement ou en rupture totale. C’est la première de ces deux méthodes qui prévaut dans ce morceau avec un déluge d’effets electro et des vocaux de plus en plus pénétrés jusqu’à se mettre à genoux devant une flûte 70’s sortie de nulle part.
Les instrumentaux « Dispatch Of Species », une sorte de mélodie rappelant la B.O. d’E.T. puis « Curbing Lights », truffé de percussions, permettent de reprendre son souffle avant l’arrivée d’un autre phénomène. L’épique « I Am The Night » est certainement le morceau le plus perfusé par l’esprit du prédécesseur de Giant Sky II. On y retrouve les accents de gratte style bottleneck de « Broken Stone » ainsi qu’une flute alanguie. C’est alors la seconde méthode de montée en puissance qui est employée par Erlend Aastad Viken : la rupture brutale. Elle décapite les harmonies patiemment bâties en leur infligeant des effets de claviers qu’on croirait avoir été soumis à la géhenne. Une nouvelle rupture donne naissance à une partie incongrue de basse avant un passage très symphonique où cordes et touches du Trondheim Symphonic Orchestra sont tour à tour en symbiose ou en cacophonie pour un final effarant. Cette fois-ci, pas question de lâcher prise ; aussi « Birds With Borders » remet une couche de montée en puissance progressive en démarrant très délicatement sous les accents d’une guitare acoustique épurée et accompagnée par un chant masculin très délicat, préludes à un final beaucoup plus massif et ambitieux. À côté de tout ça, « Tables Turn » fait preuve d’un classicisme beaucoup plus sage. La fin de l’album abonde dans ce sens, un peu comme ci, à avoir trop déchainé les passions, Erlend avait souhaité revenir vers des rivages plus calmes pour conférer à son œuvre un aspect assagi et quitter l’auditeur en paix. « King In Yellow » est le prétexte à un très long double solo guitare et basse aux harmonies solidement charpentées alors que l’utime « Seeds » est totalement planant, nous emmenant comme dans un rêve jusqu’à l’apparition de ces si magnifiques slides de guitare dont il a le secret et qui résonnent encore longuement après les dernières notes de Giant Sky II.

Giant Sky - Giant Sky II band2
J’avais failli rater le premier opus de Giant Sky, ne l’ayant même pas intégré dans mon top ten de 2021, car découvert trop tard. C’est tout naturellement que son successeur mérite, sans conteste, cette place tout en haut de mon podium pour cette année 2023 peu prolixe en œuvres d’envergure. Les cinq cents exemplaires du double vinyle se sont arrachés en moins de temps qu’il ne me faut pour l’écrire. C’est dire toute la reconnaissance dont jouit Erlend Aastad Viken auprès des milieux initiés et pertinents de l’art rock. Il faut que cela se sache !

 

Coup-de-Coeur

https://giantskyband.bandcamp.com/releases
http://giantskyband.com/
https://www.facebook.com/giantskyband

 

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