Djabe & Steve Hackett – Live In Györ

Live In Györ
Djabe & Steve Hackett
Esoteric Antenna
2023
Thierry Folcher

Djabe & Steve Hackett – Live In Györ

Djabe & Steve Hackett Live In Györ

Je ne vais pas vous mentir, c’est bien grâce à Steve Hackett que j’ai connu Djabe. Sans lui, comment aurais-je pu aller fourrer mon nez (ou plutôt, mes oreilles) du côté de Budapest et remarquer ces talentueux musiciens hongrois ? Pour moi, sans ce brillant éclairage, la découverte de Djabe était presque perdue d’avance. Bon, peu importe la façon, le plus important est de prendre un maximum de plaisir en écoutant cet étonnant ethno jazz avec lequel notre ami Steve s’offre une belle alternative à ses occupations habituelles. Pour cette chronique, c’est l’actualité qui a guidé mon choix parmi l’imposante discographie du groupe. Live In Györ vient de sortir et tombe à pic pour faire connaissance avec ce surprenant combo. Ici et comme sur pas mal de leurs publications, le nom de Steve Hackett est même associé au nom du groupe. D’un point de vue marketing c’est bien vu, mais pas seulement, on verra pourquoi. C’est en 2003 que l’ancien guitariste de Genesis est apparu pour la première fois aux côtés de Djabe sur un titre de Táncolnak A Kazlak. Mais sa véritable intégration aura lieu en 2012 avec l’album Down And Up où il sera crédité d’une participation beaucoup plus étoffée. La magie était en marche et depuis, l’heureuse union s’est répétée à plusieurs reprises. Djabe a vu le jour en 1996 et s’est rapidement fait un nom en Hongrie et dans toute l’Europe Centrale. Sa musique, issue d’un savant mélange de jazz et world fusion (Djabe signifiant Liberté en Ashanti africain) a rapidement remporté un franc succès bien au-delà des frontières hongroises et même d’Europe. Les deux membres fondateurs, toujours présents et principaux compositeurs, sont le bassiste Tamás Barabás et le guitariste Attila Égerházy. Par ailleurs, d’excellents musiciens hongrois (et même étrangers) ont souvent prêté main forte à l’effectif comme aujourd’hui le trompettiste Áron Koós-Hutás, devenu une pièce maîtresse du groupe capable de tenir tête à un monument de la taille de Steve Hackett.

Live In Györ, comme son nom l’indique, a été enregistré en août 2022 dans cette grande ville du nord-ouest de la Hongrie traversée par le Danube. Et si j’ai souligné plus haut que l’affichage du nom de Steve Hackett n’était pas qu’une simple manœuvre commerciale, c’est parce que la liste des titres du concert est assez édifiante pour justifier cette indication. En effet, face aux compositions de Djabe, c’est à une relecture du patrimoine de Steve Hackett et même de Genesis qu’on a le privilège d’assister. Alors là, je vois les yeux s’écarquiller et l’attention redoubler d’intensité. « In That Quiet Earth » ou « Firth Of Fifth » (entre autres), ça vous dit quelque-chose, non ? Pareil pour « The Steppes » et « Ace Of Wands » ? Mais attention, la véritable attraction, c’est que tout ce répertoire classique est passé à la moulinette Djabe et là, ça vaut le détour. Avec sa trompette, Áron Koós-Hutás s’accapare toutes les lignes mélodiques pour les travestir en une sorte de bluffante « jazzerie folklorique ». Cela peut choquer c’est certain, mais les connaisseurs savent que le plus dangereux est de laisser les choses se figer. Ces morceaux éternels doivent vivre et rien n’est plus beau qu’un métissage réussi. Après une première écoute (ou un premier visionnage) l’impression d’ensemble est assez bizarre. C’est comme si on connaissait les morceaux sans vraiment les connaître. Pour moi, je dirais qu’il s’agit d’une très belle musique à tendance jazz world dans laquelle viennent s’incruster de magnifiques mélodies connues depuis la nuit des temps. Ici, tout est au service de la beauté du son et du plaisir que transmettent les musiciens au public et à eux-mêmes. La qualité de la captation est d’un excellent niveau pour un confort d’écoute digne des meilleurs exemples en la matière.

Djabe & Steve Hackett Live In Györ Band 1

L’introduction intitulée « Searching For The Stag » permet de découvrir le groupe et de basculer en douceur sur « Power Of Wings », un titre récent tiré de l’album The Magic Stag (2020). Ce morceau a la faculté de nous plonger directement dans l’univers de Djabe et pas ailleurs. La trompette d’Áron Koós-Hutás s’accorde une première prestation de premier plan dans une ambiance où se mêlent des images progressives et des passages folk à tendance orientale. C’est très bien joué et presque touchant d’avoir laissé Djabe s’exprimer en priorité avec sa propre musique. Ensuite, c’est un « Mister Steve Hackett » qui annonce l’arrivée du maître pour envoyer l’inusable « The Steppe », revu et corrigé à la sauce Djabe. Comme souvent, Áron et Steve se partagent la ligne mélodique quasiment en parallèle et de façon très tonique. Le spectacle est lancé et le public, très attentif, semble apprécier. Maintenant, 130 minutes de concert c’est énorme et il y a beaucoup de choses à dire. Je vais donc sauter « Buzzy Island » (et pourtant !) et aller directement au très atmosphérique « Lake By The Sea » tiré de Back To Sardinia (2019), un album sur lequel Steve Hackett a collaboré avant de sortir son propre Under A Mediterranean Sky (2021). « Lake By The Sea », c’est le genre de morceau qui convient à toute l’équipe. La sensibilité est partagée et les horizons ensoleillés de la Méditerranée sont de véritables sources d’inspiration pour tout le monde. Côté musique, il faut retenir les merveilleux arpèges d’Attila Égerházy, la dentelle rythmique de Gábor Oláh avec ses fûts et les magnifiques parties de claviers d’Ábel Márton Nagy (à ne pas louper, son solo de piano jazz très inspiré). À tout cela, s’ajoutent la rondeur et la souplesse de la basse de Tamás Barabás et bien sûr les interventions de nos deux solistes qu’on ne présente plus. Ensuite, c’est presque un choc de recevoir « Ace Of Wand » en pleine figure. Non seulement on ne s’y attend pas et le changement de style et d’époque est troublant. C’est un retour aux sources vers le grandiose Voyage Of The Acolyte (1975) que l’on entreprend grâce à une splendide version qui navigue entre respect, truculence cuivrée et empreinte jazzy. À écouter à tout prix, chers fans de Steve.

Le fait d’avoir ce grand guitariste sous la main et de partager l’affiche avec lui, a logiquement incité Djabe à piocher dans leur répertoire commun. Life Is A Journey – The Sardinia Tapes (2017) est ainsi un des albums les plus représentés avec les superbes « Castelsardo At Night » et « Golden Sand » qui évoquent une Sardaigne plus jazzy que folklorique. Par contre, j’aime moins « Last Train To Istanbul », un titre « Hackettien » de Out Of The Tunnel’s Mouth (2009) qui se démarque un peu trop de l’ensemble, surtout pour la partie chantée pas tellement à sa place dans un show quasi instrumental. Et puis, on ne le dira jamais assez, ce n’est vraiment pas le fort de Steve Hackett. Bon, c’était histoire de faire un peu la fine bouche et de ne pas tomber dans l’excès d’éloges même si mon enthousiasme est bien réel et difficilement maîtrisable. Et ce sera encore le cas avec « In That Quiet Earth », « Hearless Heart », « Firth Of Fifth » ou « Los Endos », ces reprises de Genesis brillamment réarrangées par toute l’équipe. Le côté diabolique dans tout ça est de voir comment deux mondes à priori éloignés peuvent aussi bien fusionner. On passe du solo de Steve (« Firth Of Fifth ») à celui de Tamás Barabás à la basse (« Around The Circle ») sans aucun problème et avec le même regard admiratif. On approche du terme et le traditionnel rendez-vous nommé « Distant Dance » permet de ne pas oublier qu’Attila Égerházy est, lui aussi, un excellent technicien de la six cordes. À ne pas louper non plus, cette situation cocasse où le maire de la ville fait une brève apparition sur scène, guitare en main, pour un bœuf fort sympathique. « Los Endos » annonce effectivement la fin dans un contexte de folie propre à ce titre dont la qualité n’est plus à démontrer. Je vous assure que j’en avais les larmes aux yeux en écoutant cette transcription pour le moins grandiose, Áron Koós-Hutás en tête. Le tout dernier épisode intitulé « Györ Blues » sera même un coup de chapeau pour sa magnifique trompette en parfaite communion avec le public.

Djabe & Steve Hackett Live In Györ Band 2

Live In Györ fait partie de ces témoignages dans lesquels il ne faut pas hésiter à investir, tellement ils sont rares. Le packaging est très beau même si j’avoue qu’avec ce genre de coffret CD/Blu Ray je laisse souvent de côté les pistes audio proprement dites pour privilégier le support filmé. Par contre, je peux vous assurer que pour ce concert, il m’arrive de n’écouter que la musique, preuve que l’essentiel réside là et que les yeux peuvent se fermer sans regrets. Pour conclure et sans faire injure à Attila Égerházy, je dirais que Steve Hackett aurait très bien pu être le guitariste attitré de Djabe. Cette musique et ces musiciens hongrois lui conviennent parfaitement et je le soupçonne même de prendre encore plus de plaisir ici qu’avec sa propre troupe. Pour terminer et comme si tout cela n’était pas suffisant, vous devez savoir que la case bonus est pleine à craquer de documentaires, de passages sur scène et de vidéos. Investissez, que je vous dis !

https://djabe.hu/

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