DID – DID
auto production
2017
DID – DID
Mon premier pourrait être le nom du groupe. Mon second pourrait être également le titre de l’album. Mon troisième combine habillement les deux. Mon tout se compose de vingt pistes parcourues en 67 minutes et je ne parle pas d’une prouesse sportive. « Mais alors, qu’est-ce que c’est ? » se demandait Jacques Dutronc dans son album C’Est Pas Du Bronze (à découvrir ou redécouvrir au plus vite). Dans le cas qui nous occupe, il s’agit de DID, une œuvre hybride entre concept album et rock opera, conçue, écrite et composée par Christophe Houssin (Il fait aussi une très bonne salade paraît-il).
DID est un acronyme qui signifie (D)issociative (I)dentity (D)isorder (aux USA, toutes les maladies mentales finissent pas Disorder). Comme souvent en prog, le sujet ? C’est du lourd ! « Une journée passée dans la tête d’une personne souffrant de dissociation de la personnalité ». Ah bin oui mon gars, ce n’est pas le moment de rigoler.
Je ne compte pas moins de cinq chanteurs différents, special guests venus de groupe prestigieux que tu vas sans doute connaître mieux que moi : Saga, Sylvan, Ayreon, Nightmare, Everon, Opium Baby. Tu vas avoir besoin de bien retenir le timbre des différentes voix si tu veux avoir une idée de qui est qui, qui fait quoi et où est qui. (Et si tu te demandes: « mais où est donc Ornicar » ? Il est sorti.)
En gros : « l’un » est lui ; « l’autre » est son lui alternatif et « elle » soigne « l’un » pour que « l’autre » fuit « lui ». En gros hein! Je schématise. Le tout dans la langue de Shakespeare, écrit par un adepte de la langue de Molière. En dehors de la représentante d’un laboratoire pharmaceutique qui est à la tête un délicieux petit accent quand elle vante les mérites de ses pilules, l’ensemble s’en sort avec des honneurs anglo-saxonnes. J’aurais eu grand plaisir à parler davantage des musiciens mais je n’ai pas pu obtenir de renseignements avant de boucler cette chronique, alors nous allons faire sans, mon cher lecteur et nous intéresser immédiatement à la musique, si tu veux bien.
« Hello- Dawn » chanté par Michael Sadler (Saga) donne la parole à la mauvaise conscience du héros qui n’en est pas un. Le petit dossier de presse précise : « Ceci est l’histoire d’un homme qui n’est ni connu, ni fort, ni courageux. Il n’a rien fait de spécial dans sa vie. C’est juste un homme ordinaire au demeurant mais avec un petit détail qui le différencie des autres : Il est atteint de dédoublement de personnalité (Dissociative Identity Disorder – DID syndrom). Mais pour lui et pour les autres également, cela fait toute la différence. Musicalement, il s’agit d’une courte exposition, chantée et accompagnée au piano, de l’un des thèmes récurrents de l’album.
« I’M Not In It », chanté par Marco Glühmann (Sylvan) qui interprète « l’homme » est la deuxième mélodie récurrente (et une de mes préférées) exposée pour la première fois (bah oui, tout grand voyage commence par un premier pas). Il s’agit d’un thème en 4/4 soutenu par un accompagnement qui joue avec la division par 3, au lieu de quatre donc, des doubles croches jouées à la basse et à la batterie (Tu sais, 3×4 et 4×3 : En maths c’est pareil, en musique ça arrive au même endroit mais c’est différent et quand tu les superposes, bin ça donne ça! Écoute c’est sympa comme effet. Convenu, déjà vu et revu, mais sympa.). Marco a une voix puissante et un accent particulier. Le passage orchestral serait magnifique avec un orchestre. Avec des sons synthétiques il fait…synthétique? Mais ce n’est certainement pas moi qui vais leur reprocher d’avoir des capacités d’investissement limitées!! Ah non !! Tant pis pour l’orchestre, au début elle est fraîche mais après elle est bonne !! Tu sais combien ça coute de louer les services d’un orchestre ? Moi non plus. Demande à Tony Banks.
« A Strange Morning » est en 13/8, c’est à dire bancal comme on les aime, ce morceau nous régale de beaux sons de synthétiseurs et de guitares dans la pure tradition prog des années 80. Il y a du Nick Magnus et Steve Hackett dans cette composition ou je ne m’y connais pas!!
« RUN » est chanté par Michael Sadler qui interprète… la mauvaise conscience, y’en a deux qui suivent ! Nous revoilà dans le rythme ultra prog et ultra utilisé qui donne à l’auditeur une furieuse impression de course. Je t’en parlais à propos du dernier Kerzner en te menaçant de citer tous les morceaux par ordre alphabétique qui l’ont utilisé mais nous avons autre chose à faire alors faisons le que diaaaaable!
« Dead Town » est interprété par Marco Glühmann … « The man » ! Aaaaah tu vois, quand tu veux ! Le couplet est en ternaire, 6/8 et 3/4, et la pulsation générale du morceau passe de l’une à l’autre mesure en une alternance habile mais déjà vue de trois pour deux. (En musique 2×3 et 3×2, c’est différent, selon le principe vu précédemment). Le refrain est en 5/4 créant ainsi le sentiment de « perdre un temps » (c’est bon hein !). Le rythme puissant de la batterie cesse brutalement et suit une petite valse à trois temps qui ne va pas rester petite longtemps et qui enfle comme la grenouille de La Fontaine pour aboutir sur un ingénieux 8/8 qui pourrait être le fameux 4/4 de la Chanson de Charles Trenet, « Nationale 7 » dont je te parlais dans une autre Chronique, si nos amis, les progueux de DID ne l’avaient pas articulé 123/123/12 au lieu de 1234/1234 comme on l’aurait fait pour une marche militaire. Dans le cas de « Dead Town », les militaires en question se casseraient allègrement la gueule en tentant de marcher au pas (J’ai essayé, je sais de quoi je parle !). Pour leur permettre de rester digne, la métrique reprend la bonne vieille tradition du 4/4 et tout le monde est content (surtout les dits troufions, parce que moi, j’aime bien les trucs bancals).
« KIndergarten Remember » débute dans les harmonies et le rythme 123/123/12 du morceau précédent (ce qui crée le lien et participe au sentiment de « concept »). Maggy Luyten (Ayreon, Nightmare) qui incarne l’industrie pharmaceutique et la médecine à elle toute seule (rien que ça) a une belle voix grave et ovairale (car elle ne peut physiologiquement pas être couillue). Ce petit instrumental aux couleurs Tubularbellsiennes est l’occasion pour la basse de devenir un instant mélodique. Quand le chant reprend, la basse utilise à nouveau le rythme trois pour deux et crée ce sentiment de déjà-vu qui participe si bien à l’unité de l’ensemble (tout comme mes répétitions dans cette chronique en sont les lourdes illustrations). Au retour du couplet, la mesure bancale du précédent passage est oubliée et tout le monde tape énergiquement en 4/4. La voix féminine et le style de la musique me font penser à l’album de Tony Banks, « Still ». Dieu qu’elle est ovairale notre amie Maggy, je ne voudrais pas la voir en colère… Je vais éviter de trop la taquiner sur son accent (Non arrête, sans déconner)
« Pills » est interprété par Maggy Luyten et Marco Glühmann respectivement l’homme et la femme. Ce petit intermède nous offre un court dialogue qui permet de nous régaler du délicieux accent français de Maggy (ne t’énerve pas Maggy, ce n’est pas bon pour ton cœur Maggy, et il est charmant ton accent Maggy et puis je ne l’ai pas dit fort en plus)
Dans « Beyond The Stars (White Pill) » Le compositeur reprend le thème de « Hello- Dawn » mais cette fois, c’est la bonne conscience qui parle, pas la méchante. (Tu te souviens du thème de l’album n’est ce pas ?…. Dissociated Identity Disorder). Je dois avouer que le petit passage instrumental au piano qui suit le premier couplet dans une tonalité différente est particulièrement bien amené et va sûrement te faire se dresser les poils sur les bras de plaisir.
« Black Pill » est un instrumental qui me fait penser à Smallcreep Day de Michael Rutherford avec ses sons et ses mélodies amples sur des rythmes très marqués. C’est vraiment très sympa. En revanche je continue de me demander pourquoi ce sont toujours les pilules noires qui sont nocives et les pilules blanches qui sont bénéfiques. Le racisme a encore de belles années devant lui (sauf quand il se retourne évidemment).
« Now I Know », interprété par Michael Sadler alias, la mauvaise conscience, est la chanson qui brise avec le concept du concept. C’est une délicate attention qui fonctionne bien. Elle aurait encore mieux fonctionné si le passage orchestral avait été interprété par un vrai orchestre mais ce n’est pas moi qui vais jeter la pierre aux musiciens nécessiteux, j’en suis un.
Avec « Alone », le son Magnus / Hackett est encore à l’honneur. C’est du puissant, c’est de l’ample, c’est du beau. Il s agit d’une nouvelle exposition de plusieurs des thèmes de l’album, me semble-t-il, pour nous remettre sur les rails du propos.
« The Sun », est interprété par Michael Sadler et Maggy Luyten (Tu n’aurais qu’à chercher plus haut qui est qui. Ça s’appelle une lecture interactive). Dans ce titre, les sons sont plus électroniques et plus « pop », dans un festival de changements de style. C’est également le morceau le plus opératique (A un moment, j’ai même eu peur d’entendre le thème principal du Fantôme De L’Opéra, tu sais : Pom Pom Pom Pom Pooooooom’ Pom Pom Pom Pom Poooooooooooom…Mais non… ouf !). Il s’agit là du paroxysme assumé de l’album, sans aucun doute. Christophe reprend les idées qui forment la base de son concept et le cours de sa narration musicale mais le brise également sans arrêt en intercalant des passages très Tears For Fears. C’est vraiment bien fait!!
Le reste de l’album ne sera que la continuité de la narration jusqu’au dénouement que je ne vais pas dévoiler ici, parce que j’ai horreur qu’on me raconte la fin des histoires et parce que je ne suis pas certain non plus d’avoir tout compris. En tout état de cause, ce concept album est étonnamment bien conçu, bravo Christophe! Il n’a pas l’originalité musicale d’un album de Monoglot ou de Jack O The Clock mais il est certainement bien mieux ficelé que la grande majorité des productions du genre, toutes nationalités confondues (oui, oui messieurs les Britannico-Ricains). J’aurais peut-être un petit reproche à faire à propos du mixage que je trouve excessivement « gonflé ». Tu sais, le fameux « gros son » initié par ..And Then They Were Three de Genesis, au point de saturer les enceintes et même le casque. Le son est gros, ça c’est sûr, mais moins gros aurait été suffisamment gros quand même et aurait permis à l’auditeur, chroniqueur ou non, d’écouter l’album plus fort que le mixage actuel ne le permet. Et puis, ce sont mes oreilles ou le niveau monte tout seul dans les passages plus calmes ? (Ce qui est bien caractéristique). Bon, en tout cas, j’aurais bien aimé composer un concept album aussi bien pensé. Bravo les gars. Bravo Christophe. À vous les studios.
Pascal Bouquillard
http://www.didmusic.net/didhtml/indexhtml.html