Cult Of Luna – Eternal Kingdom
Cult Of Luna
Earache
« Eternal Kingdom », je ne l’avais pas aimé, j’avais détesté même. Mais après une claque comme « Somewhere Along The Highway« , je m’étais dit que, de toute façon, le prochain ne sera pas aussi bon. Et dans mon cas, ce serait nécessairement une catastrophe. Et puis, c’était le temps où on rajoutait à tout bout de champ le suffixe « post ». Post-Rock, Post-Metal, Post-Core et j’en passe. C’était impossible d’y échapper, et ça passait à l’époque pour le sommet de la modernité ambiante, même si le contenu n’avait strictement rien à voir, de près ou de loin, avec ce « post-quelque-chose-trucmuche ». Alors, forcément, quand on est coiffé d’œillères, on ne cogite pas trop et on ne prend ni la peine, ni le temps. Mais, s’en faire faire dans la pub pour opticien, ça, c’était avant. Cependant, il faut vraiment être un trou du cul de première pour ne pas voir les évidentes qualités d' »Eternal Kingdom ». Ce qui faisait la force du précédent, c’était ces passages directement inspiré du post-rock, facilement identifiables et appréciables. Celui-ci se révèle plus homogène, mélangé tout en restant labyrinthique, car c’est en fonction du nombre d’écoutes qu’on prend toute la mesure atmosphérique de l’objet.
Rageur, certes, parfois presque simpliste, à se rapprocher du temps du premier album, mais toujours aussi versé à triturer ces ambiances délétères, les construire telle une fumée qui apparaît jusqu’à ostensiblement obstruer l’espace de vision. Cult Of Luna est un groupe de climat, et celui-ci peut prendre plusieurs visages et autant d’émotions. Mélancolique tout comme le fascié d’une colère grimaçante qui ne peut ne laisser d’alternative que dans un immobilisme forcé. Son schéma est multiple, ascendant, explosif, mais jamais gratuit. C’est comme parcourir les méandres de l’esprit humain avec ses peines, ses accès de rage, de folie, ses brefs instants contemplatifs, de beauté cristallisés, de désillusion et de solitude.
Et même si « Eternal Kingdom » se révèle être un album concept, tiré du journal intime d’un patient psychiatrique, le groupe ne nous emmène pas sur une voie facile où certains se seraient vautrés dans la fange la plus racoleuse et putassière qui soit. Il s’en sert pour aiguiser sa sonorité, sa démarche et son caractère. L’ouvrage ne restera pas dans l’inconscient (on se surprend à oublier certains moments) mais il contient quelques perles qui font monter le thermomètre. Et quand on se prend un titre du calibre de « Ghost Trail » en pleine gueule, je peux assurer qu’on n’en ressort pas indemne. C’est bien simple, il m’est difficile de pas écouter cette pièce au moins une fois par semaine, voir par jour.
Il n’y a pas à tortiller, « Eternal Kingdom » est excellent, même si mon potentiel excitatif n’a pas traversé la frontière des rêves. Aussi génial que frustrant. Néanmoins, quand je vois que la plupart des combos du « style » ont stoppé net les machines, n’étant plus en phase avec l’évolution de leur forme, « Eternal Kingdom » en a d’autant plus le courage d’exister.
Jérémy Urbain (7,5/10)