Arena – Songs From The Lions Cage

Songs From The Lions Cage
Arena
1995
Verglas Music

Arena – Songs From The Lions Cage

Plus d’une décennie après s’être fait virer de Marillion, le batteur Mike Pointer, entretemps reconverti dans la restauration (!), a, au début de l’année 1995, délaissé ses fourneaux afin de fouler à nouveau, baguettes en main, le sable de l’arène rock britannique. Fermement décidé à frapper un grand coup d’éclat à l’occasion de ses retrouvailles avec le circuit musical officiel, notre vieux lion n’avait pas hésité à battre le rappel de quelques uns des fauves progressifs les plus en vue du moment. Rien d’étonnant de ce fait à ce que la composition du plateau réuni dans les studios de Mike « Pallas » Stobbie pour enregistrer cette première galette ait eu de quoi mettre en appétit plus d’un amateur averti. Mais jugez-en donc plutôt par vous-mêmes. Outre au bassiste Cliff Orsi (alors leader de Cleopatra’s Needle), le maître queue Pointer avait fait appel à l’excellent guitariste Keith Moore (qui avait roulé sa bosse au côté d’artistes aussi connus que Tina Turner, Lenny Krawitz et Asia),  au claviériste prodige Clive Nolan, qu’on ne présentait déjà plus, et au talentueux vocaliste John Carson. Et force est de reconnaître que ce line-up alléchant avait largement satisfait les promesses placées en lui.

Fortement marqué par le néo-prog des années 80s, là où un Marillion avait su, avec force talent, s’affranchir de ses influences adolescentes, Arena nous proposait une musique de grande qualité. Malgré certains tics et tocs inhérents au genre, la bande de Mike Pointer avait su utiliser ses modèles avec suffisamment d’intelligence et de discernement pour éviter qu’ils finissent par s’apparenter à une succession stérile de redites aussi aseptisées que gratuites. Car entendons nous bien : la musique gravée sur ce premier CD n’avait vraiment rien d’un serpent de mer post-néo régressif à la petite semaine. Tout au contraire. « Songs From The Lions Cage » constituait une œuvre de haute volée qui reléguait aisément à des milliers de miles nautiques derrière elle nombre de productions de l’époque. C’est qu’au-delà d’un professionnalisme impressionnant jusque dans ses moindres détails (depuis la prise de son nickel-chrome jusqu’au livret touffu et à la pochette superbe), cet imposant concept album déroulait, durant près d’une heure, un agréable tapis de poésie douce amère, nous présentant des instrumentistes épanouis, parvenus au faîte de leur maturité technique et de leur plénitude créatrice.

Fort d’une emphase symphonique peu commune (My God…. Ecoutez donc un peu ces nappes de mellotron à vous scotcher au plafond !) alliée à une finesse harmonique de tous les instants, les lions d’Arena nous gratifiaient, au fil de leurs rugissements sonores, de crescendos lyriques renversants de puissance, de classe et de facilité (les somptueux épilogues de « Valley Of The Kings » et de « Salomon ») entre lesquels s’intercalaient de courts intermèdes instrumentaux riches en émotion (la quadrilogie « Crying For Help »). Outre le rôle déterminant joué par un Clive Nolan qui, derrière son impressionnante panoplie de synthés, faisait péter la baraque, on ne pouvait que saluer avec satisfaction le retour au premier plan d’un Mike Pointer agréablement efficace et volubile et l’excellente prestation d’un Keith Moore aussi à l’aise dans les riffs telluriques (les premières mesures de « Out Of The Wilderness ») que dans les soli ciselés (le final gilmourien de « Midas Vision ») ou les broderies acoustiques (le raffiné « Crying For Help – Part One »).

Cet opus faisait en définitive clairement figure de superbe (pour ne pas dire somptueux) exercice de style neo progressif, libéré en partie des règles et contraintes inhérentes à ce genre musical. La suite de sa carrière nous montra, au demeurant, un groupe qui, de la même manière qu’un Picasso avait su transcender ses premières influences impressionnistes ou un Rimbaud se libérer peu à peu du moule baudelairien, rapidement affranchi de toute tutelle pesante et ayant forgé sa propre personnalité. Extra !

Bertrand Pourcheron (9/10)

http://www.arenaband.co.uk

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