Arena au Z7 Pratteln (CH) : L’éternel (re) tour
Verglas
2019
Christophe Gigon
Arena au Z7 Pratteln (CH) : L’éternel (re) tour
Arena repasse par la Suisse, toujours dans la prestigieuse Z7 de Pratteln, près de Bâle, moins d’une année après le Visitor Revisited Tour qui m’avait laissé pantois. A cet égard, signalons la sortie du luxueux coffret Re-Visited Live!, qui contient un double CD, un DVD et un BluRay de la captation du show au Boerderij en 2018. Certes, le dernier album en date, le très bon Double Vision, sorti l’an passé, n’avait eu droit qu’à la portion congrue : la set list étant naturellement aux trois quarts remplie des titres de The Visitor dont le spectacle fêtait le vingtième anniversaire. Deux extraits du dernier né furent néanmoins jetés en pâture et semblaient de bon augure.
C’est donc bien pour offrir une tournée digne de ce nom à leur dernière production que les Anglais ont remis le couvert : même salle, même période. Las, le public n’a pas répondu en masse. Les raisons sont multiples : beaucoup de spectateurs se sont déjà déplacés l’an passé pour ne pas manquer cette seconde visite de leur album culte, les mêmes n’allaient pas forcément reprendre le chemin du concert si vite. On peut aussi imaginer que le disque en date ne jouit pas du même prestige que The Visitor, évidemment. De plus, le fait que la plus grosse portion du public avide de rock progressif s’était déjà portée acquéreuse d’un billet pour le marathon du Neal Morse Band le lendemain sur la même scène n’a rien arrangé. Timing discutable donc.
Les qualités qui font d’un concert d’Arena un très bon moment de musique sont toujours les mêmes : des musiciens de très haut niveau (mention – ne peut plus mieux faire – à « l’ancêtre » Mick Pointer, évincé de Marillion après la sortie de Script for a Jester’s Tear, en 1983), des titres savamment construits aux lignes mélodiques racées et une retenue so british, mêlée à une réelle volonté de proposer un haut degré de qualité. On s’est promis de ne pas revenir sur l’incroyable sens mélodique du superbe guitariste John Mitchell, qui ne démérite vraiment jamais. Ni sur les cordes vocales en or de Paul Manzi, qui font regretter qu’Arena n’ait pas pensé à l’engager dès leur premier album, Songs from the Lions Cage, en 1995. Tout a déjà été écrit.
La bonne surprise de ce concert de presque deux heures consistait en l’interprétation cursive et complète de l’épique « The Legend Of Elijah Shade », mammouth progressif de plus de vingt minutes (et de plus d’un million de notes selon les statistiques informatiques fournies par le claviériste et principal compositeur du groupe, Clive Nolan) concluant en beauté Double Vision. Ce long morceau, qui doit davantage à Queen qu’à Genesis, prouvera aux derniers récalcitrants qu’Arena n’a jamais vraiment revu ses ambitions d’écriture à la baisse depuis le parfait « Solomon » qui figurait sur leur essai inaugural. Et comme avec Arena, c’est fromage ET dessert, le public tout ébaubi put également écouter le « Solomon » évoqué, afin de comparer les qualités respectives de ces deux morceaux de bravoure progressive. A côté de ces deux balises incontestables, l’équipe a servi un menu constitué des meilleures pistes de leurs neuf albums, parmi lesquelles : « Welcome To The Cage », « A Crack In The Ice », « Chosen », « Witch Hunt » et le rituel « Crying For Help VII » pour nouer la gerbe. Un très bon concert, comme toujours.
Force est cependant d’avouer qu’il manque à Arena une section rythmique aussi flamboyante que le trio mélodique Nolan, Manzi, Mitchell pour assoir sa réputation. Davantage d’ouverture à d’autres genres musicaux serait également un atout. Ce serait le prix à payer pour passer à la vitesse supérieure et atteindre un autre public que celui majoritairement issu des nostalgiques du Marillion première époque. Le succès du Neal Morse Band, de Steven Wilson ou d’Opeth s’explique ainsi facilement. Et le potentiel médiatique d’Arena également. Arena veut-il rester le meilleur des viennent-ensuite ? Ou percer le plafond de verre ?
Photographies de Tamara Largura Quet, Arena et Christophe Gigon