Antimatter – Fear Of A Unique Identity
Antimatter
Prophecy
Dans la famille du rock atmosphérique mélancolique, Antimatter a fait très fort, oubliant carrément le rock pour ne faire que de l’atmosphère dépressive. J’exagère un brin, mais ce n’est pas faux si l’on considère les excellents « Lights Out » ou « Planetary Confinement ». Certains titres prenaient à la gorge, donnaient une sensation d’étouffement, renforçaient le caractère inquiétant et sans échappatoire salvateur. A l’origine formé par Mick Moss et Duncan Patterson qui venait de quitter Anathema, la musique d’Antimatter a bien évolué depuis « Saviour » en 2000, avec notamment la prise de pouvoir total de Mick Moss, désormais seul chanteur et seul maître à bord. Sur « Saviour », le chant était assuré par deux femmes : Michelle Richfield et Hayley Windsor, Mick Moss n’intervenant que sur deux titres. Puis sur « Lights Out », un joyau noir indispensable à tous les dépressifs sur Terre, c’est Moss qui est le principal intervenant, avec une voix profonde, claire et d’une grande beauté.
Avec « Planetary Confinement », la prédominance acoustique habite le disque, mais Antimatter n’est plus vraiment un groupe (s’il ne l’a jamais été) : Duncan Patterson s’en va s’occuper de son projet Ion et chacun enregistre donc 4 ou 5 titres dans son coin. Il n’empêche qu’une certaine cohérence musicale se dégage et l’album est fascinant, hypnotique. « Leaving Eden » montre une intention plus lumineuse, avec le retour de la guitare électrique et une rythmique bien plus dynamique qu’auparavant. Sur ce CD, Danny Cavanagh d’Anathema, qui avait d’ailleurs failli rejoindre les rangs d’Antimatter, remplace Duncan Patterson. L’album est excellent et renouvelle le son du groupe, laissant entrevoir un énorme potentiel. Il faudra pourtant attendre 5 ans pour retrouver Antimatter, avec ce « Fear Of A Unique Identity ».
Exit Danny Cavanagh, Mick Moss fait tout et invite Colin Fromont à la batterie, David Hall au violon et Vic Anselmo à poser sa belle voix en appui du chant plus assuré de Moss, mis en avant, dans des compositions atmosphériques dont il a le secret. On pense encore beaucoup à Anathema, puisque dorénavant la musique d’Antimatter s’est durcie et a choisi un registre plus metal. Du coup, l’identité du groupe se renouvelle, mais dans un créneau déjà bien encombré. Pour les néophytes, l’album apparaîtra donc comme une pierre de plus à l’édifice, pour les anciens fans, c’est une suite logique, l’ombre d’Anathema ayant toujours été omniprésente. Cependant, ce n’est pas un album d’Anathema auquel nous avons affaire, soyons clair. Les morceaux de Mick Moss ont toujours été ancrés dans une réalité dénuée de poésie. C’est triste, sombre, désespéré. « Fear Of A Unique Identity » n’échappe pas à la règle. C’est un concept album où chaque titre nous montre que le monde est de plus en plus ancré dans le conformisme, où l’individu préfère se fondre dans la masse plutôt que d’assumer sa propre identité.
Dès le morceau d’ouverture, « Paranova », on est embarqué dans un metal atmosphérique porté par la voix profonde de Moss et une instrumentation très dynamique, assez lourde avec une batterie qui dépote, et qui choque à la première écoute ! Antimatter ne nous avait pas habitués à cela ! « Monochrome » rappelle les précédents albums avec un piano inquiétant, sons électro et voix féminine, tout en s’envolant vers des contrées metal. « Fear Of A Unique Identity » voit le retour de la guitare acoustique avant un superbe solo de guitare électrique, « Firewalking » promène sur 8 minutes une belle émotion, avant un « Here Come The Men » aux lignes de violon splendides et un bel entrelacement des voix d’Anselmo et de Moss. « Uniformed And Black » essaye d’être plus grand public avec un mix entre Paradise Lost et Anathema. « Wide Awake In The Concrete Asylum » est désespéré et intense, puis l’instrumental « The Parade » prend le relai en amenant Pink Floyd au metal, avant de terminer par le calme, acoustique et amer « A Place In The Sun ».
Un retour en très grande forme donc. On ne ressort plus d’un album d’Antimatter avec la folle envie de se défenestrer, puisque l’enjeu n’est plus centré sur l’individu, mais sur la société elle-même. Finalement, la fin du monde le 21 décembre dernier aurait été une bonne chose à l’écoute de cet album !
Fred Natuzzi (8/10)