Scarecrow – Devil & Crossroads

Devil & Crossroads
Scarecrow
Autoproduction
2013
Le sergent Gatie

Scarecrow – Devil & Crossroads

Scarecrow

« C’était cool d’être à la maison et que les gens soient là » annonçait le batteur de Scarecrow, interrogé à propos de leur concert à Toulouse pour la Fête de la musique 2012 (vidéo ci-dessous). Aussi anodin que cela puisse paraître, ça montre que les toulousains de Scarecrow assument leur origine et ça fait plaiz : c’est bien ici dans la ville rose, bastion de l’ovalie et du cassoulet, que s’ancrent les débuts de l’aventure Blues Hip Hop. « – Blues Hip Hop ? – Ouais, c’est nouveau, c’est Scarecrow qu’a inventé ça ! » disais-je un peu naïvement à un petit disquaire du quartier Saint-Michel (à Toulouse, bien entendu), vantant les exploits musicaux du groupe que j’avais vu la veille au bar culturel O’Bohem. Bien-sûr, cela provoqua tout au plus le scepticisme de mon interlocuteur, qui dressa aussitôt une liste rapide des groupes ayant expérimenté le Blues Hip Hop avant mon Scarecrow – ce que je pris comme un « il est marrant l’minot » accompagné d’une petite tape sur la tête. Je rentrais chez moi mi-déçu mi-curieux, j’allais sur la toile, écoutais d’une traite les quelques albums évoqués : la moitié nettement Blues, l’autre moitié nettement Hip Hop, dans le style d’Everlast, sans grand intérêt. Alors me revint en mémoire la réponse d’Antibiotik, le scratcheur/rappeur de Scarecrow, lorsque le présentateur de 100% musique, une émission régionale, lui demande pour la sortie de Devil & Crossroads « – le nouvel album, plus de Blues ? Plus de Hip Hop ? – Plus de Blues Hip Hop, plus de symbiose entre les deux. »

Cette symbiose, c’est le résultat de la rencontre entre plusieurs entités : d’un côté Slim Paul, bluesman charismatique à l’haleine gitane/whiskey, au physique évoquant étrangement l’épouvantail (scarecrow en anglais) et au jeu vibrant (Dobro et bottleneck, donc un son métallique propre au Blues), et de l’autre côté Antibiotik, rappeur fiévreux à l’esprit contestataire et scratcheur de talent – les deux alternant phases en français écrites avec style, claques vocales, samples bluesy et enjaillements guitaristiques sur le groove jouissif de Jamo (basse) et Pap’s (batterie), troisième entité, rythmique elle, mais non moins décisive dans la singularité du son de Scarecrow. Le tout rôdé par des centaines de concerts dans toute la France, jusqu’à leur dernière tournée européenne (Angleterre, Espagne, Allemagne, Italie) et leur récente virée… aux Etats-Unis, là où tout a commencé des décennies avant, Blues comme Hip Hop.

Scarecrow Live

Un succès certain donc, dans lequel l’album « Devils & Crossroads » (2013) a un rôle significatif puisque correspondant à la période où le groupe prends de l’envergure, certaines chansons figurant dessus étaient jouées en live bien avant la sortie de l’album. Le studio de la Trappe, près de Toulouse, reste fidèle aux méthodes d’enregistrement analogique (magnétophone à bande, périphériques et micros lampe). En y enregistrant « Devil & Crossroads », on se doute que Scarecrow cherche un rendu particulier, à l’image de sa musique au croisement entre deux époques : un grain, une texture à la Cadillac Records. Le sublime « Boy » est-il une référence au « Mannish Boy » de Muddy Waters ? Difficile de savoir, mais on ne peut pas s’empêcher d’y penser, d’autant plus qu’Antibiotik y laisse le Lead Vocal à Slim Paul. D’autres chansons s’inscrivent plus au XXIème siècle et ses problématiques, en étant tournées vers le texte : « Dans mes poches », avec sa rythmique fluctuant en fonction du flow d’Antibiotik, le très chaloupé et très sexy « My Lowd », « Ain’t Got No Choice » dont je n’ai rien à dire, il suffit d’écouter… Bref, cette galette a le mojo. Cet album fait partie des albums qui, dès qu’on passe à la piste suivante, donnent envie de dire « Ah celle-là, c’est ma préféré« . C’est là, je le pense, l’apanage des grands disques.

Eté 2014. C’est avec un petit sourire en coin que je trouve quelques exemplaire CD de « Devil & Crossroads » au Joseph Gibert de Saint-Michel… mais le Saint-Michel de Paris cette fois. RFI, JT de Canal, Radio Néo, France Inter, gros succès du dernier EP (The Well, 2014), l’ascension de Scarecrow se fait à une vitesse exponentielle, et on devrait à mon avis les retrouver d’ici peu de temps sur le devant de la scène française.

http://www.blueshiphop.com/

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