Year Of No Light – Tocsin
Year Of No Light
Debemur Mortii Productions
Suite à notre dernière rencontre, je quittais le monde des vivants. Je m’enfonçais dans l’île des morts, une dernière pensée pour Gaspard David Friedrich en tête (« Ausserwelt« ). J’ai parcouru des chemins, des traverses, maints bosquets de ronces. Ça ressemblait à une histoire qui se casse la gueule par manque de tension, un essai d’écriture qui ne va nulle-part faute d’intensité et d’émotion. J’hésitais à rebrousser chemin. Que cette route était longue. Déçu, je l’étais, mais je n’y pouvais rien. Après la virulence du voyage fantasmatique, j’attendais beaucoup, trop peut-être. Et puis, non. Finalement, j’avais bien entendu des éléments puissants. Pas des mirages, alors que mon esprit pouvait s’y compromettre, mais un condensé de sensations qui attendaient juste qu’on ouvre les bonnes portes. Je cherche. Une fois la clé trouvée dans la meurtrissure d’un mur, la bonne serrure déverrouillée sur la dizaine de portes qui s’offrent à moi, un univers m’apparait pleinement, dans sa globalité, autre.
On entre dans un jardin, les nuages tendent à s’immobiliser, la déambulation peut commencer. Le temps a arrêté sa course impensable et idiote, il se laisse aller, l’instant d’une ode, d’une promenade le nez vers le ciel. Les fleurs, les arbres, sont d’une fragilité de cristal, extrême, elles tombent à mon passage alors que je me rends compte, seulement, que je suis dans une sorte de labyrinthe mental. Corps et esprit semblent ne faire qu’un, ma conscience vagabonde alors que mon corps paraît suivre. Pourquoi ? En suis-je bien sûr après tout ? Je suis attiré, sur cette rose magnétique, elle ravive les souvenirs, j’en fais partie. Souvenir de ce monde absurde et con, réminiscence incongrue. Je me rends compte, je ne suis rien, je ne fais rien, juste bon à marcher, comme un crétin, encore et toujours dans un paysage qui se mue en une forme abstraite. Les couleurs s’estompent, la chaleur disparait, seuls restent les aquarelles froides, l’envie de gravir pentes après pentes vers le sommet d’une montagne sans nom.
Quelque part, je suis vraiment un couillon pour suivre ce chemin sans but. Oui, c’est clair, je suis un connard, un vrai, un gros. Je suis un papillon des yeux, je me laisse porter car je ne garde pas ce souvenir dans ma vie antérieure. Et je continue à marcher sans le pourquoi, ni le comment. Pourtant, plus j’avance, plus je me sens excité. Excité d’en savoir plus, de voir, de ressentir davantage. Toujours entouré de ronces qui me lacèrent les vêtements et blessent ma peau, je continue mon chemin, je sens à peine les écorchures aux pieds, la soif qui me monte au gosier, la fatigue, la tension.
Je me retourne. Suite à notre dernière rencontre, j’avais traversé le lac, j’avais emprunté ce chemin sinueux, je me suis perdu dans une forêt, j’ai trouvé une clé, ouvert une porte, voyagé dans un jardin éternel, découvert des paysages non descriptibles. Je me suis perdu et quelque part retrouvé. Maintenant, je ne sais constamment pas où je vais. Putain ! Après tant de chemin… Je continue ma route. Suivez mes pas. Soyez à notre prochain rendez-vous…
Jérémy Urbain (8/10)