UPF – Fall In Love With The World
UPF (United Progressive Fraternity)
Inside Out
UPF, voilà un blaze qui pourrait rappeler celui d’Emerson Lake & Palmer ou GTR en leur temps, et ainsi affirmer une démarche de « supergroupe ». Que nenni ! « United Progressive Fraternity » est en réalité une sorte de réincarnation d’Unitopia, formation australienne qui aura réussi à s’imposer dans le « milieu » prog en seulement 4 albums, dont on retiendra surtout les excellents « The Garden » (2008) et « Artificial » (2010). En effet, après le split du groupe en 2013, son charismatique leader et chanteur Mark Trueack ne perd ni le nord ni son temps, en réunissant autour de lui trois de ses anciens acolytes, à savoir Matt Williams (guitare), David Hopgood (batterie) et Tim Irrgang (percussions). Pour finir de compléter le casting de ce qui allait devenir UPF, sont recrutés trois instrumentistes de haut niveau et de belle réputation, jugez plutôt : Dan Mash à la basse (The Tangent), Marek Arnold (Seven Step To The Green Door, Toxic Smile) aux saxophone, flûtes, piano et claviers, ainsi que Guy Manning (Manning, The Tangent) aux claviers et guitares. Et pour que la « fraternité » soit encore plus étendue, citons également parmi les nombreux « guests » du projet Jon Anderson et Steve Hackett, aux participations remarquées mais néanmoins rudimentaires, pour ne pas dire anecdotiques.
Mais alors, quid du propos musical de ce « reboot » d’Unitopia ? Disons que la recette reste globalement la même, avec cet audacieux et harmonieux mélange de rock symphonique, de pop mélodique enjouée et de subtiles effluves jazzy, avec ici en sus une bonne dose de world music fort bienvenue. En bref, « Fall In Love With The World » est un album aussi saturé de couleurs que les illustrations de sa pochette et de son livret signés Ed Unitsky, avec son style habituel tape-à-l’œil et pompier assumé (en gros, on adhère ou on déteste, il n’y a pas de demi-mesure !). Si la technique des musiciens est largement à la hauteur du propos, tout n’est ici en premier lieu qu’une question de feeling, d’émotion, d’harmonie et de richesse mélodique, fruits d’une direction artistique plutôt heureuse et d’une production au top assurées par un Mark Trueack plus inspiré que jamais. Ce dernier nous convie réellement à un grand et passionnant voyage, introduit par une ouverture cinématique de circonstance, avec nappe orchestrale, doudouk (ou hautbois arménien) et chœurs « exotiques » (on croirait presque entendre la B.O du film « Avatar » couplée avec celle d’un Péplum !).
Puis « Choices » nous ramène sans transition au cœur du sujet, à ces fameuses chansons incroyablement travaillées et bien arrangées, et dont les mélodies vous trottent dans la tête dès la première écoute. Dans le même genre, on prendra un malin plaisir à reprendre les refrains de « Religion Of War », « The Water » (sorte de Yes à la sauce heavy “West Coast”, avec Jon Anderson himself aux chœurs), ou encore celui de la balade qui donne son titre à l’album, véritable manifeste pour l’amour et la sauvegarde de notre planète (agrémenté d’une trop courte intervention en français de la chanteuse québécoise Claire Vezina). D’autres compositions viennent également nous émerveiller les papilles auditives, comme ce superbe « Intersection » (avec un jeu et un son de saxo tantôt orientalisant qui ne sont pas sans rappeler Ulf Wallander au sein des premiers Flower Kings), ou le non moins surprenant « Don’t Look Back », avec sa rythmique smooth-jazz envoûtante et ses percussions tribales ici et là. Les amateurs de Peter Gabriel seront ici aux anges, sans mauvais jeu de mots !
Enfin, n’oublions pas de mentionner le plat de résistance nommé « Travelling Man (The Story Of ESHU) », un solide édifice riche de multiples rebondissements (avec des parties de violon signées Steve Unruh proprement ahurissantes !) s’étalant sur plus de vingt minutes, en reprenant tout le meilleur de la substance sonore contenue dans l’album, jusqu’à en citer certains phrasés mélodiques. Résolument optimiste, foisonnante, lumineuse et tout simplement habitée, la musique de ce premier essai d’UPF émerveille de la première à la dernière seconde. Ainsi, les inconditionnels d’Unitopia laissés « orphelins » peuvent être rassurés, la relève est là, elle se nomme UPF, et celle-ci va même jusqu’à transcender son modèle original sans jamais s’auto-plagier ni même se répéter.
Voici donc le disque idéal pour débuter l’année 2015 avec la banane. Assurément mon coup de cœur « progressif » du moment !
Philippe Vallin (9/10)
http://www.unitedprogressivefraternity.com/
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