Half Deaf Clatch – An Unquiet Mind
Speak Up Recordings
2024
Lucas Biela
Half Deaf Clatch – An Unquiet Mind
On jurerait que Andrew McLatchie nous vient du fin fond des États-Unis, tellement l’univers qu’il propose nous y plonge. Ce serait faire fausse route. En effet, le chanteur et muti-instrumentiste nous vient de Hull en Angleterre, la ville des Housemartins. Bien qu’ayant reçu de nombreux prix ces dix dernières années et ayant été l’artiste le plus diffusé sur la radio anglaise Independent Blues Radio pendant deux années consécutives, je ne le découvre que maintenant. Son dernier album en date, An Unquiet Mind, publié sous le nom de Half Deaf Clatch, est l’occasion pour moi de rectifier le tir.
Outre cette Americana teintée de blues, ce qui frappe dans la musique de notre Anglais est cette voix rauque, comme altérée par une consommation excessive de whisky. C’est elle qui m’a mise sur la mauvaise piste sur le plan géographique. Cet organe est celui d’un écorché vif, de quelqu’un qui a connu plus de bas que de hauts dans la vie. Même dans les moments les plus enjoués du disque, le chant fait planer les démons de notre barde. Le nom du projet annonçait d’ailleurs déjà la couleur. On pourrait en effet le traduire par « femme de petite vertu à moitié sourde ». Sur le plan musical, on retrouve cette confrontation entre espoir et effondrement qui rend cet album si touchant et si envoûtant. Ainsi, dans le morceau d’ouverture, « Nothing But The Rain », la guitare tente une approche lumineuse, là où les cordes graves font peser une atmosphère lourde et sombre. Même si Andrew essaye lui aussi de s’échapper de l’obscurité dans les envolées plus optimistes de son chant, la réalité le rattrape.
D’autres tableaux riches en clairs-obscurs émaillent l’album. Ainsi, sur la toile d’« Unquiet Mind », c’est un vrai Soulages que les cordes reproduisent. Ce noir profond se retrouve dans les accents crépusculaires de la voix d’Andrew, à la manière d’un Johnny Cash reprenant la pièce « Hurt » de Nine Inch Nails. Mais quand le chant adopte un côté plus malicieux lorsqu’ intervient un banjo sautillant, cela apporte un peu de gaieté dans ce tableau sombre. Quand vient le tour de « Blank Canvas », la toile est vierge, c’est le doute qui saisit le Britannique, mais la surprise de la slide et l’allant de la guitare tentent de stimuler son imagination. Il en sera de même quand « The Dying Of The Light » vient clôturer l’album, les cordes appuyant cependant les tourments de notre artiste. Avec « Killing Time », la Grande Faucheuse guette dans les vibrations agonisantes des cordes vocales, mais la vigueur de la guitare slide ne la laissera pas emporter ce corps malade. Ailleurs, c’est l’espoir qui prédomine. Ainsi, sur les mots de « Let The Therapy Begin » dans le lumineux « Of Wood And Wire », le banjo et la grosse caisse s’entendent comme larrons en foire. De même, avec le nostalgique « When Everything Was Cool », là où le banjo semble amusé, les cordes daignent enlever en partie leur voile funèbre pour faire remonter à la surface des souvenirs doux. « In Multiplicity », avec son rythme enjoué et son banjo à l’enthousiasme sans pareil, poursuit cette quête de lumière.
Dans son jeu d’équilibre entre ombre et lumière, Andrew McLatchie titille nos sens, tantôt pour nous émouvoir, tantôt pour nous faire réfléchir sur le temps qui passe. Sur ces ambiances contrastées, on a plaisir à s’immerger dans cet univers intimiste où se croisent et s’entrecroisent à merveille folk, blues et néo-classique. Cette musique nous rappelle les moments douloureux de notre propre existence : on s’y identifie aisément, d’autant plus que la voix comme l’accompagnement sont travaillés avec sincérité (Andrew est seul aux manettes) et portent ainsi une résonance puissante dans notre cœur et notre esprit.
https://www.facebook.com/andrew.h.mclatchie
on ne peut pas penser à un petit frère de Léonard Cohen des fois aussi, qui vivrait reculé dans un territoire sombre de l’Ecosse près d’une distilerie.