Ulver – Drone Activity
House Of Mythology
2019
Jéré Mignon
Ulver – Drone Activity
Ulver, Ulver, Ulver… Ha… Ulver… À chaque sortie d’album, c’est toujours la même rengaine, cette impression de toujours devoir expliquer ce qu’est le groupe, son parti-pris, sa cohérence dans ses égarements. Ulver, c’est cette même chanson mais jamais de la même manière. Groupe caméléon par excellence, c’est l’exemple parfait si on devait le croiser avec le peintre expressionniste Willem De Kooning. « Le style est une supercherie ! » disait ce dernier. Si on s’en tient aux Norvégiens, oui, le style n’est qu’une imposture voire une mystification. Le groupe, mené par le chanteur Kristoffer Rygg s’est toujours montré iconoclaste, avant-gardiste, joueur même. Gondolant constamment avec le décalage, Ulver a toujours su attiser la curiosité par sa dissidence et ses changements aussi énigmatiques que radicaux. Ils avaient brouillé tout le monde avec The Assassination Of Julius Caesar, album de Synth-Pop aux effluves gothiques foutrement attractif même si on ne sortait jamais de cette conflictualité de petits malins entre l’intention et le simulacre. Maintenant quelle est la nouvelle peau des norvégiens ? Qu’est ce qui en ressort de cette nouvelle mue ? Et bien le titre ne ment pas sur la marchandise. Drone Activity. Oui, ce dont a droit pour le Ulver cuvée 2019 c’est un opus de drone music, d’ambient teinté d’électro.
Quatre longues pistes qui s’apprivoisent et dont le ressenti varie entre le contexte d’écoute, l’humeur et l’état d’esprit. Quatre longues pistes rappelant les errements urbains de Perdition City mais plus stylistiquement Terrestrials où un simple changement d’angle entraîne variations, mutations de l’environnement et chutes dans l’introspection. Quatre longues pistes où se côtoient oscillations vaporeuses de synthés analogiques, nappes de guitares trafiquées, battements rythmiques proche d’un tribalisme montant crescendo et répétitions hypnotiques d’où, on ne sait comment, sortent de temps à autres de grisantes mélodies. Quatre longues pistes où il y a si peu à dire et autant. Voyage intérieur ? Cinéma du subconscient ? Anxiolytique remboursé par la sécurité sociale ? Ulver ne donne aucune indication, il laisse juste un objet conceptuel à l’abstraction prononcée et au minimalisme outrancier. Finement ciselé, Drone Activity a été conçu comme ATGCLVLSSCAP, soit comme un enregistrement live (à la base une commande pour Red Bull, si, si !!) qui a suivi une série de transformations, collages et autres cut-ups en studio pour aboutir à ce mastodonte radical qui, comme d’habitude, risque de laisser certains cerveaux en état de PLS.
Est-ce qu’on pouvait attendre Ulver sur ce terrain ? C’est même plus ça la véritable question… Plus que le contenu… Où les loups norvégiens décident de nous emmener ? Quel est le « caprice » du moment ? Est-ce que, quelque-part la démarche protéiforme du groupe, aussi excitante et intéressante soit-elle, ne prendrait-elle pas le dessus sur l’impact émotionnel et musical ? Entre les relents hypnotiques de Drone Activity qui distordent les lumières, couleurs et espace d’un milieu routinier et cet aspect, quelque part, manipulateur du groupe qui s’amuse des attentes et des modes pour créer (ou rêver) son propre univers, Ulver semble condamné à une errance, tel un spectre arpentant des dédales de sentiment et d’architecture. Architecture ? Plutôt pas mal quand on y pense. L’entité Ulver apparaît avec le temps comme une construction architecturale dont les strates s’empilent pour ne former qu’un bloc, ou une tour mythologique, qui s’élève autant qu’elle s’enfonce. Peut-être est-ce là la force de ce groupe atypique perdu dans son pays nordique ? L’Avant-Garde qui questionne l’avant-gardisme ? Et peut-être que je me perds inutilement dans ces questions…
Drone Activity, nouvelle pièce de ce puzzle qu’est Ulver est avant tout une pérégrination parfois instable qui laissera le champ libre aux plus rêveurs et rêveuses d’entre vous et qui entretiendra cette flamme de mystère qu’est Ulver. Et c’est peut-être mieux comme ça.
http://www.jester-records.com/ulver/ulver.html