Tiger Moth Tales – The Depths Of Winter
White Knight Records
2017
Tiger Moth Tales – The Depths Of Winter
Tiger Moth Tales ou les Contes du Tigre des Jardins. En fait de tigre, il s’agit d’un papillon lépidoptère de la famille des Artildae…Non, non ne fuyez pas, on va parler musique ! Et de bonne musique. Si vous aimez les belles histoires racontées par les Magna Carta, Anthony Phillips, Steve Hackett, Blackmore’s Night ou encore Willowglass, avec cette touche britannique tout à fait particulière, vous ne serez pas déçus. Aujourd’hui, de bien belles choses nous arrivent des quatre coins de la planète mais il n’y a qu’en Angleterre qu’on peut produire des albums tels que Jabberwocky du duo C.Nolan/O.Wakeman, The Geese And The Ghost d’Anthony Phillips ou The Snow Goose de Camel. C’est ce mélange de folklore, de tradition, de légendes et de veillées au coin du feu que l’on retrouve dans ce Dephts Of Winter entièrement consacré à l’hiver et ses tourments. Mais revenons un instant à Tiger Moth Tales. Sous ce nom se cache un personnage hors du commun, auteur, compositeur, chanteur et multi-instrumentiste qui répond au nom de Pete Jones. Pour ceux qui ne connaîtraient pas ce drôle de bonhomme, il faut savoir qu’il occupe actuellement les claviers au sein de Camel et qu’il a sacrément dépoussiéré l’interprétation de certains morceaux en amenant une fougue providentielle au groupe d’Andrew Latimer. Son interprétation entre autres de « Nerver Let Go » en introduction du Live In Japan 2016 Ichigo Ichie est remarquable.
C’est en 2014 que sort Coccon le premier album de Tiger Moth Tales. Sa pochette, proche du graphisme cher à Anthony Phillips laissait entrevoir de bien belles choses musicales. Le résultat est à mon sens mi-figue, mi-raisin. J’ai l’impression que Pete Jones a voulu déverser sans retenue tout son potentiel créatif sans prendre le temps d’organiser tout ça et de le rendre digeste. Cocoon est donc une pâtisserie un peu écœurante, qui rebute parfois et empêche de s’y attacher réellement. L’année suivante, TMT publie Story Tellers-Part One sur lequel Pete Jones nous sert un rock néo-progressif plus ramassé et plus maîtrisé. La tessiture de sa voix est désormais très proche de celles de Peter Gabriel et de Phil Collins et, du coup, c’est sa grande admiration pour le Genesis théâtral des années 70 qui ressort tout au long des sept morceaux. Cela dit, Story Tellers-Part One, bien qu’agréable à écouter est loin d’être phénoménal. Et puis, et puis…en octobre 2017 paraît le single « Hygge » en préambule du prochain album. Alors là, c’est la claque. On a du mal à croire que l’ami Jones ait pu franchir un tel palier. On est passé subitement de compositions certes plaisantes mais décousues à un savoir-faire de vieux briscard. La mélodie est imparable et le solo de guitare nous fait décoller littéralement. A l’écoute de ce morceau, je me rappelle très bien mon impression qui naviguait entre impatience et retenue. Impatient d’écouter le reste de l’album et circonspect quant à la qualité des autres morceaux. Je dois dire que je ne m’attendais pas à ce qui allait suivre.
The Depths Of Winter est publié en décembre 2017, mais j’ai dû attendre quelques mois avant de me le procurer, d’où cette chronique tardive. Dès les premières notes de « Winter Is Coming » avec sa flûte aux accents « hackettiens », on entre dans le royaume majestueux du rock progressif qui me bouleverse. Cette courte introduction va nous amener vers un « Winter Maker » qui vaut à lui seul l’achat du disque. Je vais être clair, c’est avec ce genre de morceau, malheureusement de plus en plus rare, que je suis toujours autant accro à cette musique. Il suffit de voir comment, aux environs des trois minutes, la mélodie bascule dans le sublime. Pete Jones chante toujours aussi bien et nous amène tout doucement vers un magnifique arrangement brass band qui monte crescendo en reprenant le thème principal. Puis, le morceau s’accélère jusqu’à l’éclatant solo de guitare de Luke Machin (The Tangent, Maschine). Rien à dire, c’est du grand art. Avant de poursuivre je dois faire une mise au point nécessaire. Il y a un petit bémol sur cet album, je devrais dire un gros bémol. Depuis le début, Pete Jones utilise une drum machine tentant vainement de sonner comme un vrai batteur. Si sur « Winter Maker » ce n’est pas trop gênant, ce ne sera pas le cas sur d’autres morceaux. Quel dommage de se tirer une balle dans le pied avec un tel parti pris, surtout que Denis Clément, qu’il côtoie au sein de Camel, est un excellent percussioniste qui aurait humanisé encore plus les compositions. Vraiment incompréhensible comme attitude. Bon, la parenthèse est fermée et on ne va pas bouder la suite, surtout que d’autres belles choses nous attendent.
L’ambiance est au recueillement avec « Exposure » inspiré du poème du même nom du poète anglais Wilfred Owen, mort sur le champ de bataille en 1918. Le tempo est lent, et l’atmosphère lourde comme pour renforcer l’impression d’engourdissement des soldats pris dans les griffes de l’hiver. Un morceau très travaillé où Pete Jones fait même sonner le clairon et gronder le canon de façon très discrète. Ce souci du détail qui devenait pesant sur Cocoon est ici bien mieux maîtrisé.
Changement d’époque avec « The Ballad Of Longshanks John », co-écrit avec son ami Jamie Ambler et qui narre les derniers instants du légendaire Robin Hood. La partition est ouvertement d’inspiration celtique et s’intègre bien à l’ensemble folk de l’album. Les bruitages et la narration ne sont pas envahissants et le pont musical est de toute beauté avec le retour du brass band. « Migration » est un court morceau très « genesien » nous livrant une jolie histoire sur un animal migrateur perdu et séparé des siens. L’hiver et la période de Noël sont souvent des moments où l’absence d’un être cher se fait cruellement ressentir. Pete Jones, aveugle depuis l’enfance, est particulièrement touchant sur « Take The Memory » où il nous parle de la perte de son compagnon à quatre pattes. La musique, très belle, lorgne encore du côté de la troupe à Peter Gabriel mais sans que ce soit trop marqué, juste une inspiration, preuve en est le langoureux solo de clarinette, largement étranger aux compositions du célèbre groupe anglais.
Puis arrive « Sleigh Ride ». Cette « promenade en traîneau » aurait dû être une parenthèse guillerette et salvatrice nous sortant d’un climat, il faut bien le dire, un peu tristounet. Hélas, trois fois hélas, sur ce morceau, le coté artificiel des percussions électroniques devient vite insupportable. En plus, cet instrumental n’est qu’une vilaine copie de ce que sait faire Steve Hackett avec maestria et bon goût. Ne soyons pas trop dur, on peut aisément sacrifier sept minutes sur les soixante-dix que compte le disque. Heureusement, la fin de l’album va nous apporter d’autres belles émotions et compenser largement ce triste épisode. Ce que n’a pas réussi à faire « Sleigh Ride », « The Tears Of Frigga » va y parvenir merveilleusement bien. C’est avec quelques notes sautillantes rappelant le Tubular Bells de Mike Oldfield que débute cette légende scandinave qui va s’inspirer très clairement des Suédois de Flower Kings. Le morceau est volontairement plus gai, comme référence à cette déesse de l’amour, du renouveau et surtout annonciatrice de la fin de l’hiver. Pete Jones est un mélodiste très doué et un sacré musicien, son solo de synthétiseur, qui termine le morceau, est éblouissant. L’album va s’achever avec le splendide single « Hygge », rallongé de quelques minutes. Et par le court instrumental « Winter’s End », pour clore une fort belle partition.
The Depths Of Winter restera une merveilleuse surprise possédant quelques moments de franche extase. Parmi les (trop) nombreuses parutions débarquant de la planète progressive, il fait partie des rares disques pouvant encore émouvoir. Pete Jones a réellement franchi un cap avec cet album et nul doute que son aventure avec Camel y est pour beaucoup. S’il ne s’agit pas d’un véritable coup de cœur, c’est à cause de ce léger et navrant défaut de percussions électroniques, mais je suis prêt à parier que le prochain album va rectifier tout ça.
Thierry Folcher
http://www.tigermothtales.com/
Sven B. Schreiber I ve hesitated a long time before purchasing my first Pete Jones album, because he s got quite some ambiguous reputation as a Genesis epigone. Well, after listening closely to The Depths of Winter , I think this suspicion isn t really substantiated. Granted, he clearly draws on the 70 s symphonic rock heritage, but not to a greater extent than many others counted among the typical representatives of the neo-prog genre. While this album contains a couple of tracks that I won t listen to very frequently, this is more than compensated by overwhelming monster ballads like my favorite track Hygge . Pete Jones voice is outstanding, and Mark Wardle s occasional brass arrangements are an additional pleasure. Favorite track: Hygge.