The Jesus Lizard – Goat
The Jesus Lizard
Touch & Go
Jesus Lizard, c’est avant tout du culte. Ouais, je sais bien qu’on balance ce terme à n’importe quelle occasion de la journée. Dans ce cas, Tout peut paraître « culte », même ma grand-mère et sa prothèse de hanche toute neuve. Enfer et damnation, la malédiction du culte a encore frappé ! Tellement à y prétendre, et si peu à en tenir le pas de course. Jesus Lizard ne tient pas la route, il EST la route. Des rejetons, ça pullule dans le placenta en se tirant des coups de coudes dans les molaires. Mais question génitale, la bande à Yow, ce songwriter décadent, n’a pas besoin de prothèse et encore moins de viagra pour prouver une raideur à ressort. Ces quatre là représentent au mieux ce que peut donner un rock qui suinte, agressif et sauvage. C’est descendre « la Rivière Sans Retour » avec plusieurs caisses de whisky servant de contrepoids au radeau de fortune. La trajectoire est hasardeuse, en zig-zag, le bois se cogne et explose aux roches environnantes, les rames se fracassent aux rapides, le capitaine, lui, raide bourré aboie comme un rottweiler en colère, clope maintenue par les canines et bouteille de gnôle dans la main.
On sent des parfums de blues qui envahissent le domaine. Mais celui-là il sent fort, il pue l’alcool, la déglingue, ce truc lourd qui racle la peinture fatiguée sur le mur de la remise. La sueur est au rendez-vous, elle masque en partie l’haleine de chacal, elle donne un côté luisant à la peau. Pas de suée, pas de rock, c’est simple non !? Des contorsions absurdes à se vriller la colonne, une basse qui fait péter le thermomètre à mercure, discutant ferme et crachant sa salive avec la batterie (saveur communicative jamais reproduite depuis), alors que la six-cordes lacère les sons, câbles passés à la fibre de verre, aller et retour.
Et puis on a cette voix… Ah, David Yow ! Un pur produit rock n’roll ce mec. Un de ceux qui pisse sur scène, harangue le public comme s’il était au marché de Montreuil, incontrôlable et provocateur de fonction innée, ne prenant rien en compte et encore moins la musique, mode meule acérée, de ses comparses. Un exutoire d’ivrogne dont la crête punk a brûlé avec le tonneau de Jack Daniels frelaté au fond du magasin de spiritueux. Pas en phase, sauf avec lui-même, utilisant des ressources insoupçonnées de cordes vocales précocement abîmées, un spectacle en soi, un Joker en mode « Agent of Chaos », choupinou comme tout.
Un ensemble un tantinet malsain, plus proche de l’alternatif compulsif que de la ballade sur fond de blé. Ça fait plaisir à la belle famille et ça bueno sur CV. Culte, je vous dit ! Arf !
Jérémy Urbain (8/10)