The Circling Sun – Orbits

Orbits
The Circling Sun
Soundway Records
2025
Thierry Folcher

The Circling Sun – Orbits

The Circling Sun Orbits

Je passe beaucoup de temps sur les plateformes de streaming, toujours à l’affût de nouveautés susceptibles d’élargir (si c’est encore possible) mon univers musical. Un besoin viscéral qui ne m’a jamais quitté et qui trouve aujourd’hui de fantastiques possibilités grâce à ces nouveaux canaux de diffusion. Bien sûr, la controverse est inévitable. Offrir autant de marchandises à si bon marché peut manquer « d’honnêteté », mais reconnaissons que certains artistes peu médiatisés y trouvent leur compte. Certaines de mes chroniques sont nées de ces écoutes et des coups de cœur qui ont suivi. Les diffuseurs connaissent mes goûts et orientent souvent leurs propositions dans la bonne direction. Cela dit, la plupart du temps, j’entrouvre à peine les portes, quelquefois, je passe la tête, mais il m’arrive aussi de franchir le seuil et de refermer derrière moi. C’est ce qu’il s’est passé avec les Néozélandais de The Circling Sun et leur nouvel album Orbits. Je suis entré dans la pièce et je n’ai pas bougé, hypnotisé que j’étais à l’écoute de ce spiritual jazz sorti de je ne sais quel esprit, déconnecté du réel et profondément immergé dans un cosmic sound plus vrai que nature. Des ondes bienfaitrices qui font la part belle aux rythmes brésiliens et afro-cubains avec des arrangements directement inspirés d’artistes comme Pharoah Sanders, Sun Ra ou Archie Shepp. Alors, bien entendu, cela répond à mes attentes et au façonnage de mon vécu musical, mais il faut savoir que ce sympathique collectif venu d’Auckland n’est pas un ramassis de vieilles barbes nostalgiques d’une époque révolue. Bien au contraire, on a affaire à une jeune armada possédant un sacré potentiel instrumental et de bonnes idées d’écriture toutes fraîches et innovantes.

Car oui, cette musique est moderne. Elle ne fait que s’inspirer d’un passé glorieux tout en insufflant des élans dynamiques de jeunesse, d’insouciance et de talent. Le groupe est né il y a une vingtaine d’années sous l’impulsion de Julien Dyne, un producteur DJ très présent sur la scène house et electro-néozélandaise. Un sacré bonhomme, également connu pour son habileté à la batterie et ses nombreuses collaborations à travers le monde. Dès les premiers instants de « Constellation », les rythmes sont omniprésents et envahissent sans peine le cortex d’un auditeur médusé face à un tel départ sur les chapeaux de roue et à ces ondes de joie qui finiront par avoir sa peau. Plus de sept minutes de groove assassin sur lesquelles la trompette de Finn Scholes et le saxo de Cameron Allen (l’autre tête pensante de The Circling Sun) se livreront une partie sans vainqueur ni vaincu. À tour de rôle, ils vont occuper l’espace, laissant seulement le piano de Joe Kaptein intervenir dans un style jazz à vous mettre à la renverse. C’est donc avec ce premier titre que j’ai refermé la porte derrière moi et que je me suis calé dans un coin pour écouter la suite. Le plus dur était fait pour nos amis néozélandais. Il ne restait plus qu’à enfoncer le clou et à remporter une partie fort bien engagée. Il n’y a rien de prétentieux là-dedans, c’est juste que ma carapace a de plus en plus de mal à se fissurer et que les nombreuses tentatives avortées donnent encore plus de crédit à ce disque. Ah oui, j’oubliais, « Constellation » dévoile aussi une présence vocale absolument remarquable. Un chant choral aux parfums iliens qui donne une note à la fois exotique et très cinématographique. The Love Affinity Choir, car c’est ainsi qu’il se nomme, est véritablement le grand maître de « Mizu », un second titre qui se présente comme une danse irrésistible où les percussions lui donnent une réplique échevelée. C’est carré, bien joué et dans un état d’esprit festif qui fait se lever ce fameux auditeur (en fait, c’est moi) de plus en plus malmené.

The Circling Sun Orbits Band 1

L’accalmie bien méritée arrive avec « Seki ». Pour ma part, j’y vois une évocation réussie des soirées cocktail d’autrefois. Ici, la basse de Ben Turua se charge de créer des ondes sensuelles propres à la magie de ces instants de relâchement, un verre à la main. Ensuite, la détente se poursuit dans cette douce atmosphère grâce au très beau « Amina », bien mis en scène par le timbre susurré du saxophone de Cameron Allen et par le chant recueilli de Semisi Ma’ia’i. L’équilibre est important, et les sept titres d’Orbits se partagent entre fougue maîtrisée et paresse éveillée. Avec le bien nommé « Flying », le moteur, mis au repos, se remet en action, mais pas de façon brutale. On vient de vivre de jolis moments d’apaisement, alors pas question de repartir sur une grosse déflagration. « Flying » s’envole gentiment avec percussions, flûtes (Jong-Yung Lee) et chœurs en première ligne. Le motif se répète avant de laisser le vibraphone de Finn Scholes et surtout les claviers de Joe Kaptein prendre possession des lieux. Étonnamment, les derniers coups de baguette sont très puissants et ressemblent à un geste d’humeur. C’est tellement flagrant qu’il doit bien y avoir une raison à cela. Voilà une petite péripétie qui nous rapproche du terme avec tout d’abord « Teeth », une longue errance menée par la basse et le piano, puis par le saxo, les chœurs aériens et une rythmique apaisée. Le constat est clair : s’en est fini des cavalcades du début. Tout le monde prend désormais son plaisir dans un groove à l’allure ralentie propice à favoriser l’intervention de beaux solos (trompette et claviers). Enfin, c’est le sensible « Evenin » qui clôt cet étonnant album. Les chœurs sont émouvants et donnent une dimension humaine à ce jazz océanique de très bon niveau. Ici, ce sont les cuivres de John Bell qui assument une partition jazz, un peu sur la brèche, mais toujours disponible.

The Circling Sun Orbits Band 2

Orbits, le deuxième album des Néozélandais de The Circling Sun est une franche réussite qui devrait susciter pas mal de retours élogieux. La qualité est bien là et il serait vraiment dommage de ne pas promouvoir ce genre de musique à l’indéniable sincérité. Si ces évocations d’un spiritual jazz, portées par un collectif venu d’Océanie, sont aussi bien restituées, c’est qu’au-delà des modes et des traditions locales, il existe un courant indestructible qui a survécu à la concurrence tout en abolissant le temps et les frontières. Qu’on se place dans n’importe quel coin du globe, cette musique s’y est installée définitivement et suscite toujours autant d’engouement chez des musiciens de tous horizons et de tous âges. C’est pour cela que notre magazine se devait de participer à la fête, j’en suis fermement convaincu.

https://thecirclingsun.bandcamp.com/album/orbits

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