Tamikrest – Tamotaït
Glitterbeat / Modulor
2020
Rudzik
Tamikrest – Tamotaït
La culture touareg (ou « Kel Tamasheqas » comme ce peuple préfère être appelé), ça vous dit quelque chose ? C’est très obscur pour moi, surtout musicalement. Et pourtant, voici que Tamikrest vient apporter avec Tamotaït un éclairage ma foi fort intéressant sur ce peuple foncièrement nomade. Le groupe est mené par le chanteur, guitariste, auteur-compositeur Ousmane Ag Mossa et sort son quatrième album dont le titre signifie l’espoir d’un changement positif. Il est vrai que l’Azawad, la région saharienne d’origine des touaregs, est meurtrie depuis de trop longues années par les combats incessants avec les groupes terroristes du nord Mali. Tamikrest s’est formé à Kidal au Mali en 2007 mais il a construit sa musique en exil (en Algérie, à Tamanrasset et à Paris) depuis plus de dix ans dans l’espoir d’un retour dans un pays pacifié, ce qui demeure très aléatoire à l’heure actuelle.
J’ai toujours été très sensible à l’intégration de la musique orientale dans le rock ou le metal comme le réussissent remarquablement les Israéliens d’Orphaned Land ou les Tunisiens de Myrath, au détour de certains morceaux emblématiques comme le « Kashmir » de Led Zeppelin et aussi de façon récurrente chez un groupe qui monte comme The Tea Party (je vous recommande tout particulièrement « Sister Awake » pour ce dernier). Avec Tamikrest, il s’agit d’un tout autre genre de fusion auquel on a droit. Si le chant est typiquement oriental, les accents de guitare que cela soit en harmoniques ou en slide, distillés tout au long de l’album, m’ont ramené aux belles heures de Dire Straits, pour ses titres les plus indolents cependant. Oui, la comparaison peut paraître osée et le talent de Mark Knopfler demeure inégalé mais le paysage musical lorgne quand même bien de ce côté (« Azawad ») ou de celui de JJ Cale (« Amzagh »).
Tamotaït alterne les ambiances rock, comme sur « Awnafin » qui balance bien d’entrée de jeu, avec celles beaucoup plus indolentes sur la majorité des morceaux qu’on imaginerait bien écouter à dos de chameau dans les immensités désertiques sahariennes, le casque vissé sur les oreilles (« Azawad », « As Sastnan Hidjan »). La langueur du chant d’Ousmane Ag Mossa y est pour beaucoup. Tamikrest exprime dans certains de ses textes tout l’espoir qui hante le peuple Kel Tamasheqas de revenir planter son drapeau sur sa capitale ancestrale Kidal (« Awnafin ») et reprendre possession de son riche patrimoine ( « Azawad »). Il décrit dans sa langue maternelle et de façon imagée dans « Amzagh » le traumatisme vécu par son peuple (« Une jument estropiée ne peut devancer une caravane »). Il milite pour l’union de tous les touaregs dans « Amidinin Tad Adouniya» afin de défendre une cause commune pour échapper à cet exil dramatique (« As Sastnan Hidjan ») en déclamant des paroles sombres et désespérées telles que «Je suis un volcan de détresse et d’oppression».
Musicalement, le côté tribal n’est pas outrancièrement récurrent. Il se manifeste par un renfort de percussions et de chœurs traditionnels sur des titres comme « Tihoussay » ou « Amidinin Tad Adouniya » avec cependant des touches de guitare parfois réellement bluesy pour ce dernier. Le joyau de l’album est constitué par « Timtarin », un morceau qui se renforce très progressivement et pour lequel le groupe reçoit le renfort du chant de la Marocaine Hindi Zahra fort heureusement rencontrée au détour d’une tournée. A vrai dire, c’est l’irrésistible final de ce titre envoûtant qui m’a fait entrer de plain-pied dans la dualité musicale de Tamikrest.
Tamotaït achève la démonstration de sa versatilité musicale rocky/orientale par deux titres très différents en clôture de l’album. Le très rock « Anha Achal Wad Namda » donne de la couleur et du rythme avant une fusion orientale assez inattendue entre l’omniprésence nord-africaine et… le Japon. En effet, Ag Mossa a composé des morceaux sur des instruments traditionnels japonais lors d’une visite sur l’archipel dont on peut entendre le résultat sur « Tabsit », la dernière chanson de Tamotaït. Le groupe y est accompagné par deux musiciens du cru, Atsushi Sakta et Oki Kano.
Pour ceux que l’exotisme musical oriental fusionné avec notre univers blues/rock occidental attire irrésistiblement, Tamikrest est un groupe très représentatif de ce mouvement. Il n’en fallait pas plus pour que je m’invite virtuellement autour de son feu de camp touareg entouré des dunes sablonneuses musicales qu’il distille avec une grande sensibilité en les habillant de paroles touchantes qui interrogent l’auditeur à propos du désespoir vécu par les exilés « Kel Tamasheqas ».
https://www.facebook.com/Tamikrest-Officiel-351092825651580/
Bonjour. Magnifique album… Comment se procurer les Paroles et Traductions en français ? Grand Merci.
Bonjour et vraiment désolé de tomber si tardivement sur votre commentaire et donc, d’y répondre. À vrai dire, je ne sais vraiment pas comment trouver une traduction des paroles.
Peut être en leur écrivant un message pv à leurs adresse Facebook indiquée en fin de chronique ?. En tout cas, merci aussi de nous lire et de nous écrire.☺️