Steven Wilson – Cover Version
Steven Wilson
Kscope
Pour faire patienter les fans jusqu’à la sortie d’un nouvel album, Kscope se décide enfin à diffuser comme il se doit les fameuses « Cover Version » de Steven Wilson. D’abord sorties en 45 tours et en singles, elles sont en effet compilées ici pour la première fois, et réunissent donc 6 reprises et 6 morceaux inédits, composés entre 2003 et 2010. L’album se présente un peu comme une sorte de bilan des influences très éclectiques de Wilson, ainsi que sur son évolution musicale. Loin des albums prog qu’il a engendré lors de ses derniers efforts solo, on retrouve avec plaisir la fraîcheur et l’originalité d’un Steven Wilson qui se révélait comme vrai maestro de la musique actuelle, celui-ci ayant écouté, analysé et digéré les ouvrages passés des grands, et en devenant un lui-même, de plein droit. On aurait pu penser qu’avec un tel bagage musical, Wilson s’amuserait à reprendre les grands noms du rock des années 70. Eh bien non. Pour la première reprise, c’est Alanis Morrisette et son célèbre « Thank You » que Wilson transforme en pop minimaliste. Sa guitare acoustique, ses notes de piano et son chant fragile magnifient une chanson hymne déjà très réussie à la base. « Moment I Lost », l’inédit qui l’accompagne, retrouve le son Porcupine Tree de l’époque « Lightbulb Sun« , aérien et irrésistible.
2004 voit l’arrivée de « The Day Before You Came ». Là encore, grosse surprise, puisque c’est une chanson d’ABBA datant de 1982 (le groupe est alors en fin de course), avec quelques résonnances électro ! Il transforme ce morceau en lente histoire poignante avec une orchestration encore une fois minimaliste et envoûtante. « Please Come Home » est une merveille, un Wilson comme on l’aime, mélancolique et mélodique. En 2005, le musicien s’attaque à The Cure et à son redoutable « A Forest », paru en 1980 sur « Seventeen Seconds ». Ici, Wilson le travaille à la manière d’un « In Absentia » qui préfigurerait « Grace For Drowning« . Hypnotique et inquiétant, il reprend et développe l’intro de l’original, en supprimant le côté new wave et en ralentissant le rythme, pour un résultat fascinant.
« Four Trees Down » ressemble quant à lui à une suite du « Trains » sur « In Absentia », très agréable, léger et acoustique. Pour la reprise N°4 en 2006, Steven Wilson s’atèle à « The Guitar Lesson », compo signée en 1989 par un artiste anglais obscur mais très prolifique appelé Momus. Le traitement assez théâtral apporté au morceau renforce l’aspect d’un moment glacé, figé. La chanson traite de la pédophilie et si l’on comprend les paroles, elle se révèle comme un petit chef d’œuvre. La minutie de la description de cette leçon de guitare et l’interprétation qu’en fait Wilson hissent ce titre tétanisant vers les sommets. « The Unquiet Grave », qui l’accompagne, sombre et fantomatique, aurait pu dignement figurer sur « Insurgentes« . Froid dans le dos assuré…
Puis, en 2007, « Sign O’The Times » de Prince passe à la moulinette de notre touche-à-tout génial. Il en reprend le groove et le riff mais reste dans l’électro avant de saturer le tout à coups de guitare. Peut-être la reprise la moins convaincante. « Well You’re Wrong », petite chanson pop, est elle aussi peu intéressante. Enfin, Wilson sort en 2010 sa dernière livraison. Il y reprend un titre du folkeux Donovan, « Lord Of The Reedy River », à qui il reste assez fidèle. Avec une très belle guitare aérienne à la place de la flûte, l’ensemble, éthéré, quasi irréel, enchante. « An End To An End » reste dans la même veine planante, un plaisir pour les oreilles.
Ce « Cover Version » mérite vraiment que l’on s’y attarde, non seulement pour retrouver un Steven Wilson plus proche de ses origines, mais également pour le travail d’adaptation de ces morceaux. La comparaison entre les originaux et les reprises montre bien que Wilson n’a pas simplement voulu donner à entendre des chansons qui lui sont chères, mais aussi à leur donner sa patte d’arrangeur, et finalement une nouvelle chance d’être découvertes. De la folk au disco, en passant par l’électro ou la pop, Wilson démontre une nouvelle fois son éclectisme. Quant aux « accompagnatrices », elles méritent également de compléter votre discographie.
Fred Natuzzi (9/10)
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