Soul Cages Trio – 2
RCA Productions
2023
Fred Natuzzi
Soul Cages Trio – 2
Amateurs de jazz et de pop anglaise, vous allez être aux anges. Le Soul Cages Trio récidive avec leur second album enregistré en live, et sobrement intitulé Soul Cages Trio 2. Ou comment reprendre des chansons de Sting en les emmenant en contrée jazz, là où flirtait parfois (souvent ?) l’univers de Sting, en tout cas lors de la première partie de sa carrière solo. Pour autant, le trio ne s’empare pas seulement des morceaux des années 80, mais couvre l’ensemble de la carrière de l’Anglais. Le Soul Cages Trio est français. Mais oui ! Il se compose de Cédric Affre à la batterie, Gilles Coquard à la basse et Yannick Robert à la guitare. Ces trois-là sont loin d’être des inconnus dans le milieu du jazz et leur professionnalisme et musicalité s’entendent à chaque note. C’est élégant, aérien, précis, technique sans être élitiste. On s’amuse à reconnaître le morceau original, on se laisse embarquer dans les mélodies, on est surpris également par la direction prise pour les rendre plus jazzy, tout en gardant la substance originelle. Les oreilles curieuses vont donc pouvoir apprécier la fusion de la pop avec le jazz en compagnie de musiciens respectueux et aventureux qui n’hésitent pas à explorer et pousser plus loin les chansons de cette icône de la pop qu’est Sting.
C’est avec l’un des plus gros hits de Police que s’ouvre cet enregistrement live. En effet, qui n’a jamais fredonné ni même entendu « Every Breath You Take » de sa vie ? Un groove alangui accompagne la mélodie jouée à la guitare et le titre trouve une nouvelle vie, et beaucoup d’autres notes ! Une chanson qui est aussi l’occasion d’y ajouter un beau solo de batterie. L’atmosphère particulière de « It’s Probably Me » est admirablement bien rendue. La mélodie est bien explorée par la guitare et la basse qui rivalisent d’ingéniosité et emmènent ce morceau inattendu vers un registre inédit. La musique était signée Eric Clapton et Michael Kamen. Elle est apparue sur la bande originale de l’Arme Fatale 3 avant d’être réenregistrée pour Ten Summoner’s Tales ! « Every Little Thing She Does Is Magic » commence comme le titre d’origine, on s’attendrait presque à entendre la voix de Sting. Puis la transformation s’élabore autour des notes et des harmonies et là encore, une nouvelle direction étonne l’auditeur et le public. « Rushing Water » est un titre très récent puisque tiré du dernier album en date de Sting, The Bridge. Sans trop connaître celui-ci, la mélodie est typiquement Sting, et le traitement jazz sur ce morceau est propice à de grandes phrases de guitare, accompagnée par une basse au diapason et un jeu de batterie que n’aurait pas renié Stewart Copeland himself.
C’est le classique « Russians » qui prend la suite. La première partie du titre s’attache à retranscrire l’atmosphère de l’original tandis que la seconde illustre à merveille le concept du Soul Cages Trio : fusionner la pop avec le jazz et improviser sur le thème. « Russians » possédait déjà un bout de musique classique, il n’est pas oublié ici par la basse. Je dois dire que je n’ai pas tout de suite reconnu « If You Love Somebody Set Them Free », ce qui ajoute une vraie curiosité à l’album. Ou peut-être est-ce parce que je n’ai pas écouté cette chanson depuis longtemps ! Pour le coup, on a l’impression d’une œuvre originale avec un esprit Sting. Bien joué les gars ! « Roxanne » est bluffante, tout simplement. La façon dont ces musiciens s’emparent de ces titres emblématiques et tissent de nouvelles directions est magnifique. La légèreté de « Seven Days », titre des années 90, est plaisante et prétexte à de belles envolées d’où ressortent le formidable jeu de batterie de Cédric Affre et un épatant solo de basse de Gilles Coquard. Les musiciens s’éclatent ! « Fortress Around Your Heart » a une atmosphère plus tendue en intro et tisse un paysage sonore très hypnotique. Tout au long du morceau règne une ambiance sérieuse avec une guitare omniprésente et virtuose de Yannick Robert. Très impressionnant. « Wrapped Around Your Fingers » n’est pas reconnaissable de suite non plus, une intro intrigante avant que la célèbre mélodie n’apparaisse. Une revisite surprenante, qui fait le bonheur de cette collection de morceaux de la carrière de Sting.
Le Soul Cages Trio récidive donc et les bravos entendus à la fin de l’album sont amplement mérités. C’est un tour de force, une idée géniale, de revoir ces chansons qui nous ont marquées et qui nous accompagnent. Le fait que cela soit une icône de la pop qui est choisie ne doit pas empêcher l’intello du jazz à écouter ce deuxième opus ni le fan de Sting à crier à la trahison. Au contraire, on sent bien le respect des musiciens envers les œuvres d’origine et rien que le fait de travailler ces morceaux et les mettre dans un contexte jazz, qui n’est pas la moins exigeante des musiques, montre toute la portée que possèdent ces chansons. Alors, si vous êtes fan de Sting, fan de jazz, ou simplement curieux, allez jeter une oreille au travail de Yannick Robert, Cédric Affre et Gilles Coquard, vous passerez un excellent moment musical.