Silver Hunter – Mad Moonlighters
Northern Soundscapes Records
2016
Silver Hunter – Mad Moonlighters
Silver Hunter, c’est à la base un duo franco-britannique composé de Tim Hunter, multi-instrumentiste du pays de sa Gracieuse Majesté doté d’une belle carte de visite, et de Thierry Sportouche, chanteur, expert ès musiques progressives, bien connu pour animer le magazine Acid Dragon et que les habitués peuvent croiser dans bon nombre de concerts, conventions, conférences (notamment autour de Lyon) et de festivals. Le duo avait déjà fait paraître en début d’année 2016 un premier EP, Chapter 1: Mad Moonlighters, qui contenait quatre titres que l’on retrouve sur ce premier album. Après le galop d’essai, le nouvel opus a été reçu avec les honneurs par Christian Décamps lui-même ! Avec ses onze titres pour pas loin d’une heure de musique, Mad Moonlighters se pose là, entre néo-progressif, rock théâtral et symphonique, le tout patiné d’art-rock voire de pop à tendance world. Un ensemble décalé, qui sonne plutôt années 80-90, dans son ensemble.
Le parti pris d’un chant essentiellement en anglais me dérange toujours un peu, mais on peut comprendre ce choix tellement l’hommage aux musiques que le duo affectionne est évident. Le lecteur assidu de mes chroniques – existerait-il donc ? – sait combien mon oreille est délicate à l’accent des protagonistes français chantant dans la langue de Jon Anderson et sera à même de se faire sa propre opinion (sur le très néo-progressif et marillionnesque « Aquitaine » qui ouvre l’album, ça me chatouille quand même un peu…)… Les historiettes qui s’enchaînent sont parfois précédées d’introductions parlées qui définissent le propos, comme dans « Doctor Beyond And The Prisoner Of Dreams », avec son côté pop rock assumé et plaisant, et son texte partagé entre français et anglais.
D’ailleurs, ce titre, comme « The Temple Of Music » a quelques accointances avec Gerry Rafferty, ce qui est loin de me déplaire, tellement j’aime ce qu’a produit l’Écossais. « Drive Out The Demons », en français, anglais et latin, s’articule autour d’un refrain au joli riff, de changements d’ambiance (n’allant quand même pas jusqu’au décollage musclé) et d’un beau solo de guitare aérien de Tim Hunter, même si la production de l’ensemble, et surtout le mastering me laissent dubitatif… Va pour le choix artistique de mettre souvent les voix en avant (un peu trop, me semble-t-il, ce qui est purement subjectif), mais surtout, les morceaux, dans l’ensemble plutôt doux et mid-tempo auraient mérité un mastering laissant plus de place à la dynamique et aux petites finesses de l’enregistrement pour mieux remplir l’espace lors de l’écoute. « Mad Laughter » en est l’exemple-type, avec ses fluctuations, son joli son de basse, ses percussions, ses vocalises en arrière-plan… En revanche, le popisant « The Silver Key » a tout d’un tube en puissance, et les voix associées de Tim Hunter et des choristes vous emmènent sur un chemin emblématique du groupe : « I’m a Silver Hunter and I’m searching for gold. » C’est un peu la même chose avec « Ascension », un brin gâché par la batterie numérique. « Lyre Bird » et « The Man In The Moon », avec leurs guitares hackettiennes, proposent des low-tempo. La production de la voix lead sur le second mange malheureusement la douceur de l’ensemble. Mais, arrive pour conclure l’album le drolatique « Universal Fromage », hommage évident à Gong et au regretté Daevid Allen. Il y a de belles trouvailles dans le texte et les déclamations des « Universal Fromage » qui égrènent le morceau devraient laisser quelques croûtes sur votre moquette.
On ne fera pas tout un fromage, ni de cet album, ni de mes quelques remarques. Mad Moonlighters est bourré d’idées qui, à mes oreilles, demanderaient un peu plus de moyens : de vraies batteries partout, une production plus aboutie et un mastering plus respectueux des ambiances. Si j’ai un penchant pour les morceaux tirant plutôt vers un côté pop, l’ensemble est équilibré et on ne ressent ni ennui, ni incompréhension dans l’enchaînement des titres. Les amateurs de néo-progressif et de pop-rock à tendance eighties et nineties apprécieront sans doute cette musique non agressive qui laisse la part belle aux textes et à de belles plages musicales. A servir sur un plateau : « Gruyère through the space… »
Henri Vaugrand