Rééditions CD : quand le label Musea nous fait tout un Fromage !

Fromage.jpg

Fromage – Ondine (Musea 1984/Rééd 2014) & Ophelia (Musea 1988/Rééd 2014)

L’histoire de ce groupe, au patronyme assez hilarant pour nos oreilles occidentales (les Japonais excellent dans l’art de l’exotisme !), remonte à la fin des années 1970 lorsque deux musiciens de Kyoto, les brillants Toshio Egawa (claviers, futur Novela, Scheherazade et Gerard) et Ikkou Nakajima (guitare, futur Pageant et Ie Rai Shan) décident de se lancer dans une aventure en commun. Vite lassés, nos deux compères jettent l’éponge après tout juste quelques mois, préférant approcher les feux brûlants de la reconnaissance « grand public » avec leurs futures et prestigieuses formations. Au moment d’enregistrer « Ondine » en 1984, le combo se compose du flutiste et chanteur Manabu Higashizawa, du guitariste Yoshihito Kondo, du claviériste Yoshi Shimamura, du bassiste Tomohisa Hayashi et du batteur Hirozaku Taniguchi. Toute l’originalité du groupe sur ce premier opus est de mélanger avec brio un symphonisme typiquement nippon (on pense en priorité à Mugen et à Teru’s Symphonia) et un néo-progressif à l’anglo-saxonne.

Bâtie autour de sept longues compositions (auxquelles se joint le bonus « Kishibe No Nai Umi » sur la réédition Musea), cette cuvée 1984 est extrêmement mélancolique, et recèle de véritables perles (citons en priorité « Extermination » et les formidables dix sept minutes du titre de clôture « Tsuki-Ni-Hoeru »). Malgré un chant relativement moyen pour ne pas dire médiocre, l’ensemble tire remarquablement son épingle du jeu. Bercé de bout en bout par le chant vague à l’âme du chagrin amoureux, « Ondine » conjugue une exigence instrumentale de tous les instants (claviers emphatiques et guitare lyrique à souhait !) à une évidente volonté d’ouverture mélodique, particulièrement perceptible sur « Inspiration Philology », « Ultimate » et « Color Vision Night ». Un bien bel album !

Grand ménage de printemps en 1985 puisque Kondo-san, Hayashi-san et Shimamura-san quittent de concert le gang Kyotoïte. Ils sont alors remplacés au pied levé par le guitariste Toru Ohta (ex Heretic) et le bassiste Yuji Tanaka. C’est ce nouveau line up qui met au monde « Ophelia » en 1987. Doté, comme son prédécesseur, d’une pochette absolument somptueuse, cet opus s’éloigne quelque peu de la musique progressive des débuts (si l’on excepte les excellents « Thoma » et « Ophelia »). Il est en effet ici bien plus question de chansons symphoniques et raffinées, n’hésitant pas à s’aventurer aux lisières d’une pop assez typique des années 80 et d’indéniable qualité.

Fromage y déambule avec nonchalance entre des pièces resserrées d’une rare emphase (« Garasu No Shiro ») et des ballades nostalgiques à la sensualité feutrée (« Te No Nakano Omochabako »). Peu de fautes de goût (si l’on excepte des parties vocales foireuses évoluant encore à l’extrême limite du hors jeu) dans un ensemble orchestré avec soin qui mérite assurément d’être (re)découvert.

Pour conclure, Fromage, sans atteindre le talent d’un Outer Limits, d’un Pageant ou d’un Mr Sirius, s’impose avec ces deux œuvres comme un groupe incontournable de la scène japonaise de l’âge d’or. A noter que ces deux rééditions bienvenues sont augmentées de titres bonus live (3 au total) plutôt dispensables vu leur qualité sonore bien abimée, sauf pour les fans qui raffolent de ces rares témoignages d’époque. L’avis est lancé aux curieux et aux collectionneurs !

Bertrand Pourcheron & Philippe Vallin
(Ondine : 7,5/10)
(Ophelia : 7/10)

http://www.musearecords.com/ 

 

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.