PyT: Soleil dedans
PyT au Café du Soleil à Saignelégier (Suisse), le 30 mai 2015
Le titre du nouvel (et étonnant) album du touchant Arthur H (fils de…) va comme un gant de velours au géant PyT qui, en ce soir du 30 mai 2015, vernissait son nouvel album, « Mon Grand Amer », en offrant au Café du Soleil (Saignelégier, dans le Jura suisse) une prestation chaude comme la (dernière) braise, que l’ami PyT n’a de loin pas fini de souffler à nos oreilles avides.
Une foule compacte était venue découvrir la toute première prestation en public de la nouvelle (grosse) galette du barde prévôtois. Dire qu’il fit chaud relève de l’euphémisme tant l’ambiance, mêlée à une aération très limitée, fut torride. Les nouvelles compositions, bien plus pêchues que celles du disque précédent, ont permis au groupe de prouver son haut niveau d’interprétation : la machine roule, s’emballe et toujours retombe sur ses fers, pour le plus grand plaisir de la frange la plus rock d’un public qui en redemande.
La setlist mit naturellement à l’honneur les chansons nouvelles et le menu, pesé et réfléchi, proposait une entrée plutôt rock (« Looks Piled Like Newspapers », « Fast-Mourir Est Toujours Faux », « Eu Comme You », « Les Bruits courent » et, enfin, le « tube » « Mon lointain Amour »). Suivi d’un plat de résistance plus complexe et progressif, pour lequel Pyt est allé puiser dans son passé, et, plus particulièrement, dans son précédent album, le superbe « Carnet D’un Visage De Pluie » – et ce n’est pas un hasard ! – (« Pleasure Is All », « In This Tribe ») ou les morceaux d’anthologie que furent « Vers Où Vont Mes Aïeux » (probablement le titre le plus puissant de « Mon Grand Amer« ) ou « L’Epistolier » de Galaad, dans une version remaniée et quelque peu simplifiée.
Le trou normand passé (« Crois En Toi », « Le Mal Parle Mal »), on reprend les hostilités fines avec les magnifiques « Tôt Ou Tard » et le single « Un temps Inoubliable » qui aurait dû casser la baraque quand il est sorti en 2013. PyT a du reste dédié ce morceau ultime à sa maman, Huguette, présente dans la salle. L’émotion et les larmes furent au rendez-vous, bien perchés sur la pointe de nos poils si heureux d’être dressés. PyT, avec ce texte, rejoint le Panthéon des créations-émotions irrésistibles, rejoignant ainsi « Les Yeux De Ma Mère » d’Arno ou « Il Pleut » de Renaud. Trois chansons fortes et puissantes, toutes trois fruits de la quarantaine ouverte et nostalgique, reconnaissante et loyale. A voir le nombre de spectateurs regarder leurs pieds afin de cacher leur gêne d’être vus si humains, on sent et on sait que PyT a gagné son pari : il a percé la gangue, il a touché au cœur.
Hélas, à l’exception de « Ma Vraie Prophétie » (meilleur titre de « Mon Grand Amer » ?), la fin du concert évoluera à nouveau vers des territoires plus balisés, formés des morceaux les plus rentre-dedans ou accessibles (« La Beauté Du Geste », « Faut Laisser Parler Le Cœur ») pour se terminer de manière étonnante avec « Dingue De Toi », peut-être l’image la moins typique de ce que le public attend de Pyt. Que l’on ne se méprenne pas : Jamais le duo (Sébastien Froidevaux, Pyt) ne se permettrait d’offrir à son public un produit bas de gamme ou « vite torché » afin de faire danser le chaland.
Le problème reste plutôt que le fan attendra toujours au tournant l’artiste là où il excelle : la captation, l’émotion, les ambiances et les montées en puissance. Les titres plus légers, pour aussi bien construits qu’ils soient, ne permettent pas cet aller simple pour l’Eden auquel le poète déchiré nous avait habitués. A ce titre, le concert de l’an passé, même moment de l’année, même salle, était davantage doté en puissance évocatrice et fulgurances éthérées que la prestation de cette année, focalisée sur l’efficacité et la gaieté. La face la plus « populaire » du chanteur fut donc présentée. Au grand dam des admirateurs de l’autre homme, plus complexe et secret.
Le Janus jurassien possède, à n’en point douter, plus d’un masque dans sa besace. Mais c’est quand celui-ci tombe que la lumière se fait la plus éblouissante. Mais ne boudons pas notre plaisir, plusieurs PyT ne sont pas de trop dans le monde musical déprimant que nous programment les radios actuelles.
Christophe Gigon
Photos : Claude Wacker
PyT et Christophe « Gig » Gigon