Post Generation – Control-Z
Bad Dog Promotions
2022
Rudzik
Post Generation – Control-Z
Est-ce un effet retard de La Morna dû à une overdose de « Sodade », le titre emblématique de la mélancolie cultivée par la regrettée Cesaria Evora ? Mon retour d’un séjour au Cap-Vert m’a plongé dans une profonde nostalgie me faisant apparaître toutes les sorties actuelles sans saveurs. Alors que les mails et les liens de téléchargement avaient submergé ma boîte mail, je faisais le constat classique que quantité (et même, noms prestigieux !) ne rimait pas avec qualité. Que faire quand l’inspiration est au point mort ? Eh bien, patienter et attendre l’étincelle qui ranimera fatalement la flamme. Comme pour Gabriel Keller qui m’a récemment enchanté, celle-ci est venue de nulle part, suscitée par le guitariste italo-britannique Matteo Bevilacqua et son projet Post Generation. Control-Z est son second album, longuement muri près de huit ans après The Lost Generation (Musea Parallèle, 2014), un étonnant concept album passé sous mes radars.
Matteo Bevilacqua a fait ses classes comme bassiste dans le groupe de rock garage à tendance metal Diaries Of A Hero, mais le bougre avait de telles capacités qu’il a pris un virage complètement progressif bien plus en rapport avec son potentiel. Il s’est particulièrement bien entouré du claviériste / multi-instrumentiste Carlo Peluso, du bassiste Antonio Marincola, des batteurs Christof Stahl, Paolo Rigotto et de la chanteuse Michaela Senetta. Leurs influences lorgnent du côté de Porcupine Tree, de Pain Of Salvation et d’Opeth (Anathema aussi paraît-il) auxquelles j’ajouterais un soupçon de Frost* qu’ils ne citent pourtant pas. Il s’agit d’un second album concept, une réalité dystopique basée sur un piège mental visant à vider ses habitants de tous les mauvais sentiments ou émotions. C’est en fait une parabole autobiographique dépeignant le dilemme intérieur que l’on peut trouver en chacun de nous face au choix de vivre une vie guidée par la passion ou la peur. Le superbe design des visuels a été conçu par l’artiste londonien Juan Blanco et la graphiste lettone Kristina Popila.
Ce qui frappe d’entrée (« This Is My Day »), c’est le niveau des harmonies vocales. Prises individuellement, les voix sont fort agréables à écouter. Mais, collectivement, ça prend une toute autre dimension. En fait, cette galette fourmille de passages éthérés et ambiancés sur lesquels les chants de Matteo et Michaela se croisent et s’entrecroisent avec toujours le même bonheur. Control-Z est plutôt sur courant alternatif, car chaque morceau montre des oppositions entre des mélodies aériennes et d’autres plus dynamiques aux riffs tranchants. Revenons sur ces vocalises, elles sont judicieusement accompagnées de rythmiques très variées dans des genres musicaux parfois un peu inattendus, du genre funky (« About Last Night »), salsa (« You’re The Next In Line » et son chant féminin à la Sade), doom puis metal pour « This Cannot Work » ou très moderne comme sur le surprenant « White Lights And Darkest Patterns » dont les sonorités electro et le chant trafiqué insufflent le fameux petit côté Frost*. Chaque morceau révèle son lot de surprises et de chemins de traverses, y compris le single éponyme qui, sous un faux air enlevé, donne toujours l’impression de ne pas vouloir aller là où on l’attend, en particulier de par ses accords de basse presque dissonants sur les couplets nous emmenant vers un final enlevé épatant. Post Generation distribue régulièrement sur cet album des moments jouissifs d’une grande intensité, souvent en seconde partie des morceaux comme l’enchaînement de soli de clarinette, guitare puis clavier de « This Is My Day », la mutation de la délicate ballade « Unforgotten Wasteland » en heavy metal solide et puissant ou encore l’anachronisme musical délirant du très barré « The Cat And The Chicken ». Musicalement, Matteo fait la part belle à l’acoustique qu’il contrebalance quasi systématiquement par des parties plus musclées dont les riffs n’engendrent pas la monotonie, instillant parfois aussi une petite dose de groove loungy par ci par là (« What’s The Woory », « Nathalie »). L’impression d’ensemble fait ressortir une volonté de ne pas se mettre de barrières afin d’être en capacité d’explorer tous les genres musicaux pour les assembler et les marier de façon à créer la surprise à chaque accord et ça marche.
Control-Z est réellement l’opus qu’il me fallait pour un retour aux affaires motivé par sa versatilité, ses enchaînements de rythmiques improbables, son niveau de composition et d’exécution musicale, mais également par la qualité de ses assemblages vocaux. La lassitude et la facilité ne passeront pas par Post Generation.
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