Pinn Dropp – For The Love Of Drama

For The Love Of Drama
Pinn Dropp
OSKAR Records / Bad Dog Promotions
2025
Palabras De Oro

Pinn Dropp – For The Love Of Drama

Pinn Dropp - For the love of Drama

Un peu à l’instar de la Norvège, la Pologne est la terre bénie du metal extrême (ça n’est pas mon ami chroniqueur Lucas Biela qui me contredira), mais aussi du rock/metal progressif dont le porte-drapeau est l’immense Riverside. Bien évidemment, un tel gisement recèle des pépites, aussi je ne fus pas surpris bien que scotché lorsque j’entendis les premières notes de For The Love Of Drama, le concept album de Pinn Dropp.
Les natifs de Varsovie ont déjà une dizaine d’années d’existence et surtout, une production très prolifique. Ce ne sont pas moins de neuf opus qu’ils ont livrés, dont un Live in Łódź capté lors d’une première partie de Marillion en 2021 et publié en 2023. Son fondateur est un personnage à la créativité exceptionnelle, il s’agit du compositeur guitariste Piotr Sym. Le chanteur et multi-instrumentiste Mateusz Jagiełł, le claviériste Mirek Skorupski, le batteur Kuba Mikulski et le bassiste Paweł Woliński complètent un line-up à la redoutable efficacité.

Pinn Dropp - For the love of Drama band1
Mené par son charismatique leader, Pinn Dropp est friand de compositions épiques, juxtaposant des tableaux tortueux sur un fil rouge romanesque et mythologique. Ainsi, en 2019, la suite « Kingdom Of Silence » de l’album Perfectly Flawed offrait une vingtaine de minutes d’un voyage musical on ne peut plus épique. Je le recommande vivement à Fred Natuzzi, mon rédac chef préféré, lui qui raffole de ces interminables morceaux qui sont le socle du prog (témoin ses croustillants commentaires dans le live report du Prog Rock Festival du Casino de Paris, ah ah ah !) C’est, évidemment, du second degré. Cependant, notre quintet varsovien a le bon goût de varier les durées de la dizaine de titres qui constituent For The Love Of Drama. Ainsi, on échappe à l’overdose qui peut être générée par la multiplicité de pièces fleuves, un péché mignon doublé d’un poncif progressif auquel succombent de nombreuses formations. À vrai dire, la majeure partie de l’opus est jouée à un rythme plutôt soutenu et les enchaînements sont particulièrement fluides et réussis. Je dirais que la science du riff de Sym est certainement l’élément essentiel qui conduit à ce résultat, même si je trouve que ses rythmiques sont un peu trop sous-mixées lors des parties chantées. La bio de Pinn Dropp fait référence à Black Sabbath en tant qu’inspiration. On peut effectivement tracer un parallèle avec Tony Iommi, l’éternel maître des riffs et remarquer que des plans réguliers confinent plus au hard rock qu’au metal prog, mais la comparaison s’arrête là. Certaines ambiances sont malsaines comme sur un « Point Of No Return » (rien à voir avec le tube de Kansas, mais plutôt avec Queen pour son clin d’œil à « Bohemian Rhapsody ») rapide, mais pas facile à appréhender avec un chant de Mateusz particulièrement inquiétant. Là aussi, cela n’a rien à voir non plus avec Ozzy. Il faut dire que ses textes, contant les affres d’un protagoniste (le héros du « Monomythe » de Joseph Campbell) ayant recours à l’ermitage pour se battre contre lui-même, puisent largement dans les tréfonds de la psyché et de l’histoire humaine. Les divinités maléfiques côtoient les vilains bibliques et même les jusqu’au-boutistes révolutionnaires français. Les Polonais seraient-ils obsédés par cette révolution ? J’écris ceci parce qu’il n’y a pas très longtemps, j’ai joué à l’excellent jeu vidéo We, The Revolution, étonnamment développé par le studio Polyslash, également polonais, dont la trame et l’ambiance reproduisaient très fidèlement ces troubles années de l’histoire de France. Plus qu’un simple concept album, on s’approche du concept d’opéra rock avec ces tribulations d’anti-héro bien qu’on ne l’atteigne pas.
Pour revenir à la profusion de rythmes précités, je dois dire que « Unholy » plante directement le décor. Ce titre mid tempo entraînant bénéficie d’une intro alléchante alternant entre plans hard rock et metal prog. Le chant de Mateusz rappelle très vite celui de James Labrie, bien que plus rocailleux sur les tons les plus graves. Prenez Labrie, les regrettés Dio et Dan McCafferty (Nazareth), faites en un hybride vocal et vous aurez celui de Mateusz. Que de flatteuses références qui sont méritées. En seconde partie de titre, un furieux coup d’accélérateur donne lieu à une fabuleuse joute synthé/guitare, l’occasion de constater que les claviers de Mirek ne sont pas en reste, bien qu’un peu trop influencés par Jordan Rudess, surtout sur les soli. La richesse des riffs s’exprime avec un aplomb impressionnant sur l’intro de « Logismoi » où l’on repère même des accents de folk irlandais à la Gary Moore et Mateusz qui s’essaie ponctuellement aux growls. Bien entendu, autant d’efficacité suppose posséder une section rythmique d’airain, particulièrement sur un tel tempo infernal. Kuba semble électrisé tout comme sa pédale de double grosse caisse et Paweł trace admirablement le chemin avec les vibrations trépidantes de sa basse. « L’Illumination » introduit une ambiance beaucoup plus mélodique sur laquelle le chant oscille entre rap, pop et théâtralité. Le rythme est toujours celui d’un cheval au galop. La bête ne se calme que l’espace de deux ballades. Au risque de tomber dans le cliché, je dirais que «  Recycled Feelings » renvoie à un romantisme à la Polonaise, alors que « Hugag » surjoue son thème emphatique, un classicisme trop sage pour moi. Arrive alors le titre éponyme que je dédie à Fred pour ses 11:25 minutes (bah Neal Morse fait pire non ?) Étonnamment, ça démarre comme une gentille ballade, sur fond de guitare slidée. On ne l’imagine pas survivre aussi longtemps. Oserai-je dire que ça se muscle progressivement ? Trop tard je l’ai dit. Contrairement, aux plages précédentes, la montée en puissance est réellement lente, proposant successivement, un soli de guitare mélodique puis plusieurs sympathiques parties de piano, dont une confinant au… boogie-woogie, si, si. Le refrain sonne encore très James Labrie. Le patchwork s’enrichit encore de guitare acoustique et d’un passage de chant scandé nous emmenant vers un exit plus léger. Bonne idée de le relier à « Last Footsteps », le court instrumental final qui est d’une délicatesse absolue avec ses sonorités de violon.

Pinn Dropp - For the love of Drama band2
Ah, mais c’est déjà fini ? Franchement, on ne sent pas le temps passer (si, si Fred) sur ce remarquable For The Love Of Drama aux mille facettes, tellement son rythme est soutenu et ses schémas sortent régulièrement du carcan metal progressif. Même si certaines influences sont évidentes, Pinn Dropp possède suffisamment de cartes dans ses manches pour lui donner sa propre identité, y compris celle de ses origines polonaises.

https://www.facebook.com/PinnDroppOfficial
https://pinndropp.bandcamp.com/music

 

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