Path Of Ilya – Heterostasis
Autoproduction
2023
Palabras De Oro
Path Of Ilya – Heterostasis
Les albums instrumentaux passent rarement le cap d’une première écoute chez moi tellement je les trouve lassants. Et pourtant, histoire de ne pas être arcbouté sur cette position, il m’arrive d’avoir les tympans titillés lorsqu’un opus se montre suffisamment éclectique pour ne pas engendrer la monotonie. C’est exactement ce qui s’est produit avec Heterostasis, la seconde galette de Path Of Ilya après un album éponyme en 2018.
On ne sait où mène le chemin d’Ilya (un prénom d’origine russe qui signifie « le Seigneur est mon dieu »… et mon dieu que les Russes ne sont pas en odeur de sainteté actuellement !) mais en tout cas il est sillonné par un trio originaire de l’Ain formé par André Marques à la basse, Bruno Chabert aux fûts et Jean-Joseph Bondier à la guitare et aux platines.
Ces mecs sont passionnés par une multitude de genres musicaux, aussi leur musique est un véritable creuset dans lequel sont fondues des mélodies de toutes origines, une sorte de world music instrumentale folle et hyper versatile. Vous comprenez donc facilement pourquoi ils n’engendrent pas la monotonie. Dixit Jean-Joseph, « L’idée de créer un album ou même des morceaux uniformes nous semblait ennuyeuse. Nous avons donc choisi de composer des pièces qui pourraient varier sensiblement, tout en conservant une harmonie globale et en restant réalisables avec seulement trois musiciens. C’est ainsi qu’est né le nom de notre album, Heterostasis » (l’hétérostase étant la stabilisation des différentes constantes physiologiques du milieu intérieur d’un être vivant). Ces variations « grand angle » s’expriment souvent à l’intérieur même d’un titre, constituant la difficulté majeure pour le trio, chacun devant constamment modifier ses réglages et ses effets pour obtenir un rendu sonore adapté au style joué lorsqu’ils sont en live et enregistrent dans les conditions du live. Quand j’écris « grand angle », je peux illustrer mon propos avec l’étonnant « Manbaroux » dont la première partie est un zouk endiablé alors qu’il se mue en musique celtique irlandaise sur son final en passant par une partie bien métallique en cours de route. Path Of Ilya a fait le choix de l’instrumental presque total, estimant que le chant donne trop de sens aux chansons alors que la musique est beaucoup plus ressentie objectivement par l’auditeur lorsqu’elle n’est pas chantée. Elle laisse donc plus de liberté de pensée et de rêverie à son écoute. Seules quelques vocalises au début de « Kleptocratic Joe », le titre répété deux fois sur « Manbaroux » et quelques « Are you ready » et consors sur « Sporos » ont trouvé grâce à leurs yeux ou plutôt… à leurs oreilles.
L’écoute de Heterostasis nous entraîne dans un grand voyage musical aux multiples étapes, frisant parfois l’incongru et construisant une ambiance très souvent festive et dynamique. Outre le zouk et le celtique, on peut régaler nos cages à miel de funk et de scratching (« Kleptocratic Joe »), d’oriental (« Palitana Sarando »), de blues/jazz (« The Stoned, The Stoner And The Stonest ») ainsi que de flamenco et reggae (« Saltimbancos D’Amareleja »). Ajoutez à cela un « Sporos » final plutôt inclassable où l’on retrouve aussi du scratching façon hip hop et un « Giboulées Ahurissantes » à contre-courant (étonnamment, ce titre repart sur les mêmes bases que la fin du morceau précédent, privilégiant des ruptures à l’intérieur de la chanson plutôt qu’entre les deux plages successives) et vous pourrez mesurer le taux de versatilité de cet album kaléidoscopique. Les trois Bressans créent un véritable feu d’artifice musical dans lequel, j’ai tout particulièrement apprécié les parties de basse affriolantes qui entraînent fréquemment le groupe dans une sarabande technique, hystérique et jouissive.
La gaieté est le sentiment qui perdure à fin de l’écoute de Heterostasis (oui, cet album est gai et non gay, conformément au préfixe de son patronyme LOL), ce qui n’est pas fréquent lorsqu’on se passe une galette instrumentale. Ainsi, Path Of Ilya parvient aisément à convaincre l’auditeur de se laisser embarquer sur les flots de cette musique caméléon et complexe qui ne le perdra jamais en route.
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