Olivier Briand – Dark Energy
Autoproduction
2018
Frédéric Gerchambeau
Olivier Briand – Dark Energy
Depuis le tout récent Space Watch, premier album cosmique de Nomad Hands, il n’est plus possible d’ignorer la passion d’Olivier Briand pour l’astronomie et tout ce qui concerne les mystères de l’univers. Or, voici que le nouvel album solo de l’intéressé se nomme Dark Energy, l’Energie Sombre. Qu’est-ce donc que ceci ? Pour faire très simple et très court, car le sujet est en vérité extrêmement complexe (mais ô combien passionnant !), il s’agit d’une des parties totalement inconnues de l’univers. Car, tenez-vous bien, et c’est très officiel, la matière telle que nous la connaissons au quotidien ne représente qu’un tout petit 5 % de l’univers, le reste étant constitué par la matière noire, pour 27 %, et par l’énergie sombre, pour 68 %. Oui, vous avez bien compris, il nous manque 95 % de l’univers ! Pas étonnant qu’Olivier Briand, passionné comme il l’est, soit parti à sa recherche. Et il l’a trouvé ! Tout au moins les 68 % de l’énergie sombre. Et traduit en musique, cela donne une ode monumentale à l’étrange beauté de l’univers obscur.
Oui, parlons-en de ce nouvel album. Mais rappelons d’abord en quelques mots qui est Olivier Briand. Et c’est du lourd, croyez-moi. Tout d’abord formé au piano classique, c’est un cador toutes catégories des claviers et un grand maître des synthés qui connaît aussi bien Mozart que Miles Davis ou encore Vangelis. Et s’il n’était que cela ! Mais c’est aussi – on le sait moins – un spécialiste des instruments des musiques du monde – et ça, on le sait plus – le grand organisateur des premières années du SynthFest de Nantes. Je n’ose même pas évoquer sa bouillonnante discographie, à la fois riche, étonnante, et variée ! Ici, il nous fait – encore ! – une étourdissante démonstration de son talent, qui semble décidément inépuisable.
De par son inspiration, Dark Energy s’inscrit clairement dans la déjà longue tradition de la musique cosmique et plus particulièrement dans les débuts, riches, mouvementés et surtout pleins d’audace, de la Berlin School et on pense à l’Alpha Centauri ou au Zeit de Tangerine Dream. Au travers de son nouvel album, Olivier Briand en revient à cette énergie-là de la Berlin School, à son essence première, originelle, et primordiale, son énergie sombre, sa matière noire. Autant dire que l’abord d’un album tel que Dark Energy pourra paraître un tantinet aride à qui n’est pas habitué à ce genre de morceaux sans séquences ni mélodies. Pour ceux-là, je leur conseille quand même de faire l’effort de se laisser aller au travers des tourbillons soniques dispensés tout au long de ce très bel opus. Car oui, Dark Energy déborde de beauté. Mais d’une beauté obscure, fascinante, envoûtante, comme celle des diamants sombres.
De fait, Dark Energy comprend deux morceaux, Part 1 et Part 2. La Part 1, passé quelques premières minutes certes assez étranges, se continue par plusieurs sections d’une splendeur à la fois simple et puissante. J’y vois quelque part une certaine parenté (attention, je ne parle pas forcément de ressemblance) avec le souffle énergique et continu du Velvet Voyage de Klaus Schulze. Je reconnais cependant que la Part 2 pousse nettement plus loin dans cette voie-là et que sont alors explorés des domaines harmoniques et soniques encore plus inhabituels, qui sont dès lors d’autant plus intéressants et passionnants également.
Cependant, il ne faut pas confondre. La Dark Energy dont il est question ici n’a aucun rapport avec l’obscur côté de la Force ni avec une sorte de Xibalba maya, qui correspond à un inframonde. Il n’y a rien de noir dans cet album, au sens maléfique du terme. Il s’agit juste de notre univers, mais d’une partie pour l’instant inconnaissable de cet univers. Olivier Briand a beau jeu, du coup, d’explorer la partie inconnue et pleine de mystères de la musique électronique, où se mêlent d’ailleurs par moment des instruments acoustiques. Il accomplit sa mission avec toute la maîtrise et l’expérience qu’on lui connaît, faisant de ce Dark Energy un véritable joyau pour qui saura l’écouter avec calme et attention, en se laissant juste porter par les vagues soniques très riches et variées de ce très bel album.
Quelques questions à Olivier Briand…
Frédéric Gerchambeau : Pour ceux et celles qui ne te connaissent pas encore, peux-tu nous résumer ton background et ton parcours ?
Olivier Briand : Houlala, va falloir faire court…Bon, j’ai fait des études de piano en cours privé depuis l’âge de 10 ans… J’ai par la suite découvert le synthétiseur et les instruments du monde, mais c’était déjà inscrit dans ma culture musicale. J’ai arrêté mes études de Sciences Eco pour faire partie d’une troupe de théâtre de rue à l’époque de la fin des années 80, Oposito, me permettant de jouer devant jusqu’à 10 000 personnes par soirée, puis je suis devenu ingénieur du son, vendeur conseiller en magasin, spécialiste du mastering, collectionneur d’instruments de musique (environ 1000) et multi-instrumentiste (environ 40 instruments), démonstrateur, professeur, artiste musicien, photographe, peintre et vidéaste… pour faire court…
FG : Ce nouvel album évoque l’énergie sombre, sujet des plus obscurs. Veux-tu nous parler du choix de ce thème et nous parler au-delà, de ta passion pour l’astronomie ?
OB : L’astronomie m’a happé quand j’avais 8 ans et demi… je me souviens c’était un vendredi… oui en fait cette interrogation sur l’univers fait partie de moi depuis longtemps et le fait que la musique électronique que je pratique soit parfois qualifiée de « cosmique » doit bien y être pour quelque chose… Alors en gros cet album est un essai autour de l’énergie et la matière noire, qui représenteraient 80% de l’univers qui serait là mais dont on ne sait rien… Ce n’est pas une théorie fantaisiste, c’est très sérieux au contraire. Elle est basée sur la gravitation et les observations qui ne collent pas avec nos calculs si on y intègre pas cette idée. Alors quoi de mieux pour un musicien passionné et explorateur que de partir à la rencontre de cette promise discrète ?
FG : Tout ceci nous relie à la musique cosmique et en particulier aux premiers temps de la Berlin School. Veux-tu nous en parler et nous dire comment tu te situes par rapport à cela ?
OB : La Berlin School, outre la période de base, qui perdure maintenant depuis plusieurs générations, est avant tout pour moi un état d’esprit créatif sans barrière, issu certainement du mouvement psychédélique, une époque ou l’innovation était donc reine et le synthé son instrument de choix, mais pas que, car l’outil n’est rien sans l’invention. Mon propos dans cette aventure est de faire une exploration un peu quantique de la matière, et donc de son état stochastique. Il n’y a que deux morceaux, le premier est d’ordre général sur le sujet et le second plus spécifique dans son propos encore plus micro / macro / quantico / scopique.
FG : Ce Dark Energy est extrêmement dense en sonorités et autres harmonies. Veux-tu nous parler de ta manière de travailler cette matière sonique et de parvenir à un résultat à la fois surabondant et pourtant étonnamment musical ?
OB : J’ai principalement utilisé des instruments virtuels divers et variés, mais cette fois il n’y a de systématique que la diversité des moyens utilisés, PPG, sound design avec des instruments et voix acoustiques, traitements avec des effets. Tout est joué en temps réel, il n’y pas de séquenceur sinon le multi-piste audio qui est informatique. J’ai essayé de ne pas laisser le propos musical trop aride en intégrant quelques mélodies, mais ce n’est peut être pas suffisant pour le grand public, étant donné les références musicales et le parti pris sans concessions. J’ai essayé de faire des plans sonores intéressants et de créer ou recréer une certaine mouvance sonore qui évoque ma conception quantique, un brouillard sonore plus ou moins défini parfois car complexe.
FG : Nul doute pour tout un chacun qu’un tel album requiert une bonne dose d’audace. Mais quel est ton point de vue sur la question concernant cet album et sur l’audace en musique en général ?
OB : Je trouve le monde musical actuel d’un formatage et d’une uniformité absolument effarante… je milite pour une musique personnelle, faite effectivement avec de l’audace, mais en fait avec de la prise de risque…car les schémas pré-établis ne me vont pas, et si je sors un nouvel album, c’est pour y faire apparaître une nouvelle facette, creuser un nouveau sillon et pas reproduire celui du voisin, avancer… car il y a tant de voies possibles… Je n’ai pas de doutes sur l’impact mondial de cet album qui risque de rester dans une certaine confidentialité tant que l’on n’a pas découvert que mes fréquences vibratoires étaient peut-être une partie de la vérité…
FG : Au final, comment souhaites-tu qu’on aborde et qu’on écoute ce Dark Energy ?
OB : Le plus naturellement possible, en état de détente et d’ouverture d’esprit, introspectif peut être, car c’est une étude sur la matière, qui nous compose peut-être…? Je souhaite à tous une bonne écoute qui stimule l’imagination.