Muse – The 2nd Law
Muse
Warner Bros Records
Depuis le chef d’œuvre « Absolution », Muse est sur une pente descendante, chaque album les voyant devenir de plus en plus commercial. Pourtant, Muse avait réussi à remplir les stades avec une musique de qualité, plutôt exigeante, avec un côté novateur et original. D’ailleurs qualifié de « progressif » dès le premier album par une presse qui bannissait ce mot de leur vocabulaire, le combo a explosé avec « Origin of Symmetry », puis cet « Absolution » inégalé jusqu’alors et qui avait inspiré bon nombre de groupes metal dont Dream Theater, qui alla jusqu’à leur piquer leur son sur un ou deux titres d’ »Octavarium« , par exemple. Réussir à convaincre un nombre si important de gens avec des albums techniques, un chant lyrique et emphatique, on n’avait pas vu ça depuis… Queen. Du coup, Matthew Bellamy, le chanteur guitariste pianiste de génie (il faut bien l’avouer), s’est senti investi d’une mission : fédérer encore plus de monde autour de la musique du groupe.
Résultat : les influences new wave Depeche Mode, funky Prince ou rock façon Queen, entre autres, ont émergé de façon plutôt envahissantes, à l’intérieur de leur compos, reprenant à leur tour sans vergogne des airs déjà entendus, en les retravaillant (un peu), mais sans les transcender. C’est encore le cas sur « The 2nd Law ». Prince est là sur « Madness » avec un côté electro, Queen est convoqué sur l’opératique « Survival », » Follow Me » est une balade electro très U2 années 80, « Big Freeze » encore U2 avec des couplets interpretés façon Bono, « Liquid State » chanté par le bassiste se rapproche d’un Foo Fighters, et sur « Panic Station », on a carrément un air de « Thriller » de Michael Jackson ! Plutôt gênant pour un groupe si inventif, et qui commence à tomber dans la facilité de l’hommage.
On trouve quand même quelques titres plus dans le style Muse comme « Supremacy », qui ouvre l’album, superbe et fascinante, toujours sur le thème de la résistance, avec un petit côté James Bond sympa, « Animals », surprenant avec son clavecin, son solo de guitare parfait, et une construction étonnante, « Explorers » avec ses cordes enveloppant une jolie mélodie vocale (qui rappelle d’autres chansons de Muse), « Save Me », écrit et chanté par le bassiste Chris Wolstenholme, avec une très belle et réussie mélodie vocale aérienne, qui tranche considérablement avec les ambiances habituelles du groupe.
Muse semble vouloir finir ses albums avec une suite, symphonique lors du précédent et de toute beauté, ici « Unsustainable » part d’une entrée symphonique avant de tourner au dubstep avec distortion de voix robotique, assez expérimental, BO de film de science-fiction comme les aime Bellamy, « Isolated System » termine avec une ambiance Mike Oldfield électro et saupoudrée de cordes.
A force de vouloir plaire à tout le monde, Muse perd de sa saveur. Hommages trop appuyés, redites trop flagrantes, la folie des débuts, l’originalité et la technique du groupe, se sont envolées, même si les expérimentations sur le son sont toujours au rendez-vous. Techniquement, c’est parfait, musicalement, c’est efficace, on admire la volonté d’aller défricher certains territoires inédits pour Muse, mais le tout est noyé dans une volonté évidente de tout faire dans un même album. La cohérence en prend un coup et les fans ne savent plus où va le groupe. C’est aussi une manière de garder l’intérêt ; dans ce cas, il faudra à l’avenir se concentrer sur sa propre identité plutôt que de plomber les morceaux avec des références trop évidentes.
Fred Natuzzi (7/10)