Mostly Autumn – Graveyard Star
Mostly Autumn Records
2021
Thierry Folcher
Mostly Autumn – Graveyard Star
Alors là, c’est la bonne surprise ! Je dois avouer qu’à chaque sortie d’un nouvel album de Mostly Autumn, je vivais sensiblement le même scénario. A savoir, une attente et des espoirs déçus. Le constat était toujours le même : l’ennui. Mais un ennui féroce à bailler outrageusement et à lâcher l’affaire séance tenante. Généralement, je trouvais ça mou et même dans les moments les plus vifs, cela ressemblait à de la nervosité…molle. Quand Graveyard Star fut annoncé, j’avais prévu d’écrire une chronique où justement il serait question de mon approche compliquée avec ce groupe, somme toute, fort sympathique. Eh bien, j’ai dû ranger mes gaules et repartir sur une toute autre vision de leur musique, enfin au niveau de mes attentes. Ce nouvel album pète le feu. Franchement, je ne croyais jamais pouvoir écrire ça à propos de Mostly Autumn. Olivia Sparnenn-Josh éclabousse Graveyard Star de toute sa classe et contrebalance à merveille les envolées de Bryan Josh, son guitariste de mari. Et puis, les orphelins d’Anathema vont peut-être trouver ici une bonne compensation à la mise en sommeil de leur groupe favori. Ce nouvel opus est le 14ième de la bande à Bryan et complète une discographie un peu trop uniforme à mon goût. Pas de plantages certes mais pas de références incontournables non plus. Les nombreux changements de line-up n’ont pas arrangé les choses même si la solide paire Josh/Jennings constitue à elle seule un moteur de première classe. Le départ d’Heather Findlay en 2010 a été pour sa part largement compensé par Olivia Sparnenn-Josh qui brille aujourd’hui au firmament des chanteuses adulées et reconnues.
Comme pour beaucoup de sortie, Graveyard Star n’a pas échappé à l’effet COVID et les chansons font directement référence aux conséquences d’une pandémie forcément inspiratrice. A ce sujet, les nombreux textes que l’on peut écouter un peu partout ressemblent davantage à des pleurnicheries sur la vie d’avant plutôt qu’à de véritables « protest songs ». Enfin bref, tout ça est une autre histoire. Revenons à la musique et à cet album présenté dans un emballage cosmique conforme à l’imagerie habituelle du groupe. Premier constat, c’est long, très très long. 75 minutes pour l’édition standard auquel s’ajoutent les 40 minutes supplémentaires de la version limitée (apparemment épuisée et déjà hors de prix à la revente sur le net). Presque deux heures de Mostly Autumn à se farcir, à une époque je n’aurais même pas tenté le coup. Eh bien, il faut prendre son temps, et être reconnaissant du travail accompli. L’écoute des douze chansons de l’édition standard est fort agréable et apporte même quelques émotions qui font toute la différence. Le style Mostly Autumn est bien présent mais avec un je ne sais quoi de plus grand et de plus consistant. J’ai l’impression qu’ils ont pris de la hauteur et qu’ils se sont enfin débarrassés de cette étiquette folk champêtre un peu réductrice. Les 18 mois de studio (rien que ça !) ont été profitables et ont débouché sur des compositions du style « Graveyard Star » qui du haut de ses 12 minutes lance l’album par un réel coup de tonnerre. Même si les ingrédients habituels sont bien présents (claviers aériens, vocaux inspirés, frappe métronomique), l’atmosphère est plus lourde et traversée d’éclairs bienvenus comme la flûte d’Angela Gordon ou le violon de Chris Leslie (Fairport Convention). L’intensité monte crescendo et la guitare électrique se déchaîne avant un intermède « floydien » très calme qui fait penser à Roger Waters. La fin est tempétueuse et propice à faire se lever les foules. Une réussite pour démarrer, bien carrée et sans trop de fioritures.
On repense à l’ami Waters sur « The Plague Bell ». Mais comment se débarrasser de ses premières amours ? C’est tout simplement impossible et pas choquant du tout. « Skin Of Mainkind » change de registre pour flirter du côté de Blackmore’s Night rappelant ainsi les tournées avec la bande à Richie Blackmore. L’aspect plus léger de ce morceau fait du bien et sauve Graveyard Star d’un engluement qui aurait fini par être fatal. « Shadow », malgré la tristesse des propos, nous offre de superbes parties de guitare tout en gardant un allant qui nous fait presque oublier la durée. On approche déjà des 25 minutes mais sans lassitude ni aucune envie d’arrêter. L’album va dérouler le tapis rouge à une Olivia magnifique et véritable impératrice des compositions taillées sur mesure pour mettre en valeur la pureté de sa voix. Cela dit, l’alternance et la dualité vocale (avec Bryan notamment) amèneront la diversité nécessaire pour ne pas se tromper d’objectif et rester dans l’esprit groupe. Les titres s’enchaînent et font frissonner par leur intensité (« Razor Blade ») ou par une instrumentation grand luxe (la guitare démente à la fin de « This Endless War »). Olivia s’essaye avec succès au métal progressif (« Spirit Of Mankind »), bien aidée par des riffs appuyés qui pourraient élargir l’auditoire d’un Mostly Autumn dont la mue impressionne. Attention, « Back In These Arms » monte encore d’un cran avec la présence du barde Troy Donockley sur ce morceau plein d’espoir et plein d’entrain pour un retour à la vie normale. Alors oui, la répétition des références à la pandémie va être, pour moi, le seul point négatif du disque. Même si nous vivons encore dans ce merdier, et sans vouloir minimiser l’affaire, il est devenu indispensable de passer (de penser) à autre chose, surtout pour nos loisirs et les domaines que l’on peut encore maîtriser. C’est mon point de vue en tous cas.
Alors, concentrons-nous sur la musique car elle en vaut la peine, comme dirait l’autre. On arrive presque au terme de l’aventure et à l’instar du titre précédant, la fin du voyage se veut plus optimiste. « Free To Fly » emmène tout ce joli monde vers la lumière d’un avenir plus serein (du moins, on l’espère) au son d’un piano qui m’a fait penser à Sylvain Chomet (L’illusionniste). Olivia est touchante de tendresse et plane au-dessus des nappes de clavier de façon majestueuse. Puis c’est la surprise « The Diamond » où la paire Chris Johnson (guitare)/Angela Gordon s’octroie la partie vocale avec beaucoup de conviction. Mostly Autumn possède des ressources et semble vouloir les exploiter à fond. En attendant, c’est l’album qui en profite pour se diversifier et devenir plus digeste. La conclusion s’appelle « Turn Around Slowly » et se présente sous la forme d’un générique de fin où des éléments des titres précédents sont reconduits comme rappel d’une épopée héroïque enfin arrivée à son dénouement. Je n’ai malheureusement pas écouté les titres bonus mais d’après ce que j’ai pu lire, certains d’entre-eux auraient très bien pu figurer dans le premier disque. Mais honnêtement, passer du temps avec l’édition standard semble plus que suffisant pour rendre hommage au travail de l’équipe à Bryan Josh. Découvrir la suite, on verra un jour si l’occasion se présente et si c’est vraiment nécessaire.
Avec Graveyard Star, Mostly Autumn a peut-être publié un des meilleurs albums de rock progressif de cette année. J’en appelle à tous les frileux (dont je faisais partie) pour se pencher sur ce disque qui va peut-être amener le groupe vers une consécration amplement méritée. Ce sont des artisans de la musique, des autodidactes qui prennent le risque de privilégier l’autoproduction et de ne compter que sur eux-mêmes et sur les fans. Au-delà du thème un peu trop rabâché à mon goût, il reste la musique et quelle musique ! Du grand art, à n’en pas douter.
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