Moron Police – A Boat On The Sea
Autoproduction
2019
Rudzik
Moron Police – A Boat On The Sea
Quel choc que de passer du dépressif Pitfall de Leprous à un guilleret A Boat On The Sea de Moron Police ! Comme quoi, la Norvège ne recèle pas que des groupes dépressifs. Après avoir sorti deux albums en autant d’années, nos quatre « policiers abrutis » ont pris leur temps (cinq ans) pour peaufiner ce petit chef-d’œuvre de gaîté musicale.
A l’instar d’un A.C.T. maître du genre selon moi, Moron Police fait partie de ces rares groupes capables de construire des pièces mélodiques très complexes mais également rafraîchissantes et étourdissantes de joie dans lesquelles il est impossible de détricoter le prog du pop. Les enchaînements improbables sont légions et pourtant leurs chansons et surtout leurs refrains s’impriment très facilement dans votre cortex cervical. C’est bien simple, à la fin de ma première écoute de cet album, je suis resté quelques minutes abasourdi devant ce raz de marée mélodique d’à peine 33 minutes d’une densité et d’un punch incroyables. Le superbe artwork de la pochette style Arche de Noé cartoonesque est l’œuvre d’Antonio Segura Donat. Il est complètement en phase avec l’ambiance qui prédomine sur A Boat On The Sea.
Passée l’intro, sorte de ballade inachevée, on prend une claque avec l’échevelé « The Phantom Below », avec le bandant « Captain Awkward » aux couplets farfelus et qui se trouve être le titre le plus apparenté à A.C.T. La part belle est donnée aux claviers de Lars Bjørknes souvent mis à l’honneur sur l’album pour habiller les riffs et en charge des soli avec le renfort de violon, sax et autre accordéon. La section rythmique constituée par Thore Omland Pettersen (batterie) et Christian Fredrik Steen (basse) est d’une précision chirurgicale (« Captain Awkward »). Le chant du guitariste Sondre Skollevoll m’a rappelé celui de Michael Eriksen de Circus Maximus ne tutoyant cependant pas les aigus en particulier sur « Isn’t It Easy ! ».
Telle une balle de tennis de table qui rebondit partout, la set-list est sautillante alternant les titres plus martiaux (« The Invisible King », « The Dog Song ») avec d’autres hyper endiablés (« Beware The Blue Skies », « Captain Awkward », «The Undersea »).
Je n’étais pas au bout de mes découvertes certes musicales (car une écoute est largement insuffisante) mais surtout du propos. Si musicalement, c’est hyper joyeux, les textes offrent un contraste saisissant. Il est question de guerre, de dieu et d’argent (OK, les trois fléaux vont souvent ensemble) avec parfois une bonne dose d’ironie désabusée comme l’illustre parfaitement « Beware The Blue Skies ». Ce titre traitant de l’horreur nucléaire de Nagasaki se termine par le couplet suivant « And hip-hooray here comes Norway, friend to one and all. We don’t sell guns, we just provide a little service, that’s all. We’re the ambassadors of peace and kindness, merely warlords dealing death and violence in a cabaret. We’re good friends with the U.S.A. » sur un rythme de lounge blues où l’on lit que le non-alignement de la Norvège est irrespectueusement désacralisé.
Il est donc souvent question de bombes et justement, cet album en est une qui vous explose joyeusement aux oreilles telles celles que l’on allume pour les fêtes de famille, chaque chanson étant un cotillon qui vous donne la banane. Alors, à moins d’être fait de pierre, vous ne pourrez pas rester insensible à l’allégresse qui est générée par ce bijou de pop/prog ébouriffant.
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