Marillion – A-Z live 2011
Marillion
Racket Records
Marillion est très certainement le groupe rock qui gâte le plus ses fans en matière de merchandising intelligent, en témoignent les innombrables albums enregistrés en public, de très haute qualité professionnelle, publiés régulièrement sur divers supports, tels que CD, DVD, et maintenant Bluray pour les mélomanes aficionados de la haute définition. Tous ces beaux objets (disques officiels, collectors live, side-projects et autres) sont directement mis en vente sur le site web marillion.com, clair, pratique, et régulièrement mis à jour, avec une politique de communication on ne peut plus dynamique et conviviale. Il est en effet fort sympathique de recevoir les lettres d’informations périodiques rédigées par membres de groupe eux-mêmes, toujours sur un ton amical et riche d’anecdotes quant aux activités de leur combo, en tournée ou en studio, alors que la préparation du prochain disque fébrilement attendu bat son plein. Car Marillion et ses fans, c’est bien plus qu’une simple histoire de business, et il n’y a qu’à se déplacer à l’occasion d’un de leurs concerts pour sentir cette sincérité, cette passion partagée, cette communion et cette chaleur humaine plus que palpable.
L’album qui nous intéresse ici est la suite directe du « Holiday In Eden Live 2011« , enregistré à Centre Parc en Hollande courant mars 2011, le lendemain de la prestation d’ouverture de l’annuel (et désormais traditionnel) « Marillion Weekend ». Si le premier volume couvrait la soirée du vendredi, rendez-vous où le groupe reprend à chaque début de set l’intégralité d’un album (on se souviendra longtemps du mémorable « Seasons End » de Montreal en 2009), le second, un coffret de 3 CD’s, s’intéresse quant à lui à celle du samedi, organisée ici sous une forme ludique assumée. En effet, le concept est simple : Marillion interprète dans l’ordre divers titres de son répertoire, toutes périodes confondues, et correspondant chacun à l’une des 26 lettres de l’alphabet, à l’exception du « i » bizarrement. Entre « Incubus », « Interior Lulu » et « The Invisible Man », il y avait pourtant de quoi faire. Une simple question de timing à tenir ? Aussi, comme ils n’ont rien pu trouver en stock pour le « x », ce sera donc une reprise d’un morceau très léger et enjoué du groupe new-wave britannique XTC (« Senses Working Overtime »), particulièrement affectionné par Steve Hogarth. Pour ce qui est du « z », Marillion triche habilement en grimant l’énergique « Separated Out » en « Zeparated Out », qui boucle le set après un efficace mais quelque-peu redondant « You’re Gone ».
De ce choix thématique certes amusant mais au rendu étrange, il en résulte à l’arrivée une set-list difficilement plus foutraque, sans aucune cohérence dans son agencement, ce qui affaiblit cruellement à mon sens l’intensité du concert en cas d’écoute globale. Celui-ci démarre plutôt mollement avec « Asylum Satellite » et « Born To Run » (non non, pas le morceau rock enlevé de Bruce Springsteen, et encore moins sa géniale cover de FGTH !), pour faire suite à un patchwork de titres, certes bien interprétés pour la plupart, mais qui tranchent parfois trop les uns après les autres au niveau atmosphère et esthétique. Les gars de Marillion ont pourtant trouvé quelques petites astuces qui fonctionnent bien, comme cet enchainement « Pseudo Silk Kimono/Quartz », que rien ne relie pourtant au niveau du style musical (qu’on vienne me dire encore que Marillion n’est pas un groupe « progressif » tiens !). Côté ratages, on s’ennuie ferme sur un très banal « Jigsaw » (où le public chante seul, et faux !) et « Cannibal Surf Babe » (bien meilleur en version studio), sans oublier Steve Hogarth qui oublie son texte et chante brièvement en yaourt durant « Deserve », rengaine pop aux paroles très sympas et délicieusement mordantes, heureusement.
Côté frissons, l’extraordinaire et intemporel « Sugar Mice » continue à produire son effet chair de poule, idem dans une moindre mesure pour « Fantastic Place » et « Especially True », parfaitement exécutés. On a droit enfin, après un « Under The Sun » jubilatoire en live, à une version aussi décontractée qu’anthologique (pour ne pas dire surréaliste !) de « Three Minute Boy », qui se conclue par un solo absolument énorme de Steve Rothery, au meilleur de sa forme. Pour le reste, l’émotion n’est pas toujours au rendez-vous, encore une fois à cause de cet exercice de style imposé, impliquant des choix de chansons non attendus ou peu judicieux. Un troisième objet (le double « The Glow Must Go On » fraîchement édité) finit de couvrir l’intégralité de cette convention hollandaise 2011, avec forces et faiblesses encore une fois, mais je vous en parlerai en détail très prochainement.
Pour conclure, je dirais que ce « A-Z » live, sympathique mais plus que dispensable, est à réserver uniquement aux fans les plus hardcores de Marillion, les mêmes qui veulent absolument remplir leurs étagères à CD avec la discographie complète de leur groupe fétiche. Pour tous les autres, le « Best Live » peut suffire amplement pour l’instant.
Philippe Vallin (6/10)