Live report The SuperSoul Brothers + Blue Deal, New Morning, Paris, le 3 juin 2024
2024
Lucas Biela
Live report The SuperSoul Brothers + Blue Deal, New Morning, Paris, le 3 juin 2024
Pour chauffer la salle avant la tête d’affiche, voici du blues à l’ancienne : une voix et une guitare. Blue Deal, formation germanique, c’est certes électrique sur disque, mais ce soir, ils sont en nombre réduit (Joe Fischer, chant, cigar box et harmonica ; Tom Vela, guitare) pour un set acoustique. Ils n’en parviennent pas moins à électriser l’ambiance, notamment en faisant battre la mesure au public (l’ex-Cadillac Blues Band lui dira même, dans un français impeccable, « Vous êtes une batterie parfaite »). Sa voix rauque et puissante montre bien que la comparaison avec Paul Rodgers n’est pas usurpée. Veste sans manches autour du torse et chapeau sur le crâne, le chanteur aime les contrastes puisque quand il parle de Paris comme de la ville de l’amour, il poursuit en précisant qu’il n’est pas marié, car « trop vieux pour ça ». De sa cigar box, ce sont certes des riffs menaçants qui émanent, mais sur le single, « Got 2 Go », c’est un harmonica aux airs plus légers qui prend le relais, quitte à nous plonger encore plus dans les racines du blues. Depuis 30 ans qu’il roule sa bosse dans les cercles blues, le charisme de Joe transparaît non seulement dans sa voix, mais également dans son attitude. Pour capter davantage l’attention du public, c’est en effet un langage corporel qui accompagne le langage vocal. Ainsi, les textes en sont plus vivants et la foule est mise à contribution. En parlant de donner vie aux textes, en plus d’assurer la rythmique, le compagnon Tom n’hésite pas à parsemer les morceaux de solos rafraîchissants. Ce n’est pas pour rien qu’il figure parmi les meilleurs guitaristes de la « New Blues Generation » en Allemagne !
De même, quand Joe cette fois-ci, se saisit de son harmonica ou qu’il tape sur les touches de clavier, ce sont de belles couleurs qui revitalisent des textes marqués par la douleur et la blessure. Assis pendant une grande partie de la performance, on voit le frontman néanmoins se lever pour chanter son « Erreur Préférée ». En effet, avec le rythme rock enlevé du morceau, le frontman adoptera les codes de ce genre. Ainsi, on le voit pencher le support du micro comme Ian Gillan à ses débuts avec Deep Purple. Plus loin, quand il reprend le refrain en duo avec son collègue, comment ne pas avoir en tête la complicité de Joe Elliott et de Phil Collen dans le clip du titre « Photograph » de Def Leppard. Bien que leur style soit ancré dans le passé, Blue Deal savent offrir leur lot de surprises au public.
Porté par la voix aux accents féroces d’un Roger Chapman de David Noël, c’est un septet enflammé qui nous attend autour des SuperSoul Brothers. Avec un timbre rappelant Amy Winehouse, l’atout charme Claire Roussellot-Paillez apporte cependant un peu de suavité à l’ensemble quand le leader lui laisse le micro, voire quand il l’accompagne. La voix de la femme en noir s’accorde parfaitement avec un univers alors empreint des Supremes, et notamment du succès « You Can’t Hurry Love » de cette dernière formation. Je parle de chansons d’autres groupes, mais il faut garder en tête que nos joyeux drilles jouent essentiellement des morceaux de leur propre répertoire ! Originaires du Sud-Ouest de la France, on retrouve bien chez eux l’énergie et le soleil de cette région. C’est sur les moments blues ou ceux appelant à danser un slow que l’on peut apprécier davantage les emportements du chanteur à la bonhomie contagieuse. Sur ce dernier point, David semble en effet apprécier le contact avec le public. On le voit ainsi lui demander de se rapprocher de la scène quand il s’agit de reproduire des scènes de liesse de La Nouvelle-Orléans. Et c’est toujours la chaleur du public qu’il recherche quand il descend à sa rencontre pour lui faire reprendre en chœur le refrain. Pour entraîner la foule dans le tourbillon d’airs de folie de la formation, on peut également compter sur les danses aussi endiablées que celles de Cindy Wilson (des B52’s) de la part de la contrepartie féminine de David, ainsi que sur les poses du tromboniste. Ce dernier, partageant une certaine ressemblance avec Phil Anselmo (Pantera), fait cracher de sa créature longiforme un feu aussi ardent que celui du natif du Bronx, Willie Colón. Et le parallèle avec ce dernier ne s’arrête pas là, puisque c’est l’univers peuplé de malfrats de la star du label Fania (avez-vous vu ses pochettes d’album ?) que l’attitude de Julien Suhubiette convoque sur scène. Tout au long de la soirée, on frappe des mains, on se déhanche, mais on a aussi l’occasion de dodeliner de la tête dans les accélérations menées tambour battant par un Olivier Pelfigues impassible derrière ses fûts. La sauce béarnaise prend avec les SuperSoul Brothers et on savoure avec bonheur ces moments de convivialité.
Signés tous deux chez Dixiefrog Records aux côtés de Kaz Hawkins, Archie Lee Hooker ou encore Eric Bibb (bref, des noms bien connus des amateurs de blues), ce sont deux combos aux univers différents qui ont ébranlé le New Morning ce soir du 3 juin 2024. D’un côté, Blue Deal ont fait vibrer les âmes avec leur blues gorgé d’authenticité. De l’autre, SuperSoul Brothers ont propagé dans la salle un feu à la fois dynamique et interactif à travers des compositions inspirées de la Deep Soul des 60’s. L’ami Xavier Chezleprêtre m’a encore permis de faire de belles découvertes au décours d’une soirée où les racines blues et soul ont alimenté des arbres éclatants de vigueur.