Live report The Dizzy Brains – Les Mauvaises Graines
X - RAY PRODUCTION
2017
Souvenez-vous, fin 2016 j’avais chroniqué l’album de The Dizzy Brains un peu comme un cadeau de Noël pour cet OVNI venant en droite ligne de Madagascar (https://clairetobscur.fr/dizzy-brains-out-of-the-cage/). À la fin, je vous promettais de jauger le groupe en live tant l’énergie déversée sur le CD m’avait impressionné. Eh bien, c’est fait à l’occasion du festival « Les Mauvaises Graines » qui s’est déroulé les 1er et 2 septembre derniers. Deux mots sur ce festival qui propose chaque année une affiche très éclectique mariant rock indie, pop, reggae, hip-hop, et donc punk-rock garage également. Bien qu’ayant prêté une oreille aux autres formations de la soirée du samedi, mon intérêt était totalement centré sur The Dizzy Brains d’où ce live report qui leur est exclusivement consacré.
Dès mon arrivée en compagnie de mon frangin (une grande première pour lui que d’assister à un festival de zike), nous partons en repérage du site basé à la MJC du Silo, à Verneuil-d’Avre-et-d’Iton (27). Deux scènes sont installées à l’intérieur, la mainstage et l’autre en configuration club-bar. À l’extérieur, différents stands proposent quelques animations dont la traditionnelle friterie-sandwicherie mais, très vite, je repère le stand de la radio associative locale d’Evreux, « Principe Actif », affichant un planning des interviews de chacun des groupes. Or, au delà de leur musique, sachant que The Dizzy Brains est très engagé à Madagascar, j’étais évidemment intéressé à entendre leur message. À l’arrivée, seul Eddy, le frontman porte-parole du groupe, a répondu aux questions de l’animatrice par des propos très désabusés sur l’évolution négative de la situation à Madagascar. Pire, il me donna froid dans le dos lorsqu’il évoqua les violences policières gratuites envers le groupe du fait que leur musique n’est pas dans le mainstream de la production malgache. Les textes dirigés contre le système corrompu mais aussi parlant en termes très crus de sexe sont honnis sur l’île Rouge. De sa voix douce (seulement quand il parle), Eddy fit état de la peur qu’il ressent sur scène dans son pays face aux menaces de mort envers lui et sa famille dues aux haines policières, à celle de l’establishment mais aussi aux tabous sociaux. Il parla également des questions qu’il se pose quant à continuer le combat musical pour la seule musique qui leur colle à la peau, bien que bénéficiant du soutien sans faille de leur producteur français. C’est qu’il a quand même été arrêté plusieurs fois à la fin de concerts et a fait jusqu’à six mois de prison ! C’est ça la démocratie malgache. Quand on lui demanda ce qu’il pensait de la France, il répondit qu’ils sont toujours remarquablement accueillis et soutenus chez nous mais que les Français se plaignent trop de ce qui leur manque alors que nous avons tout en comparaison des Malgaches qui n’ont rien. On ne peut pas lui jeter la pierre. À dire vrai, je n’étais pas allé aux « Mauvaises Graines » dans l’esprit de rédiger un live report mais face à une telle situation, je me suis dit que la meilleure aide que l’on pouvait apporter aux quatre courageux « Dizzy » était encore de parler d’en le plus possible.
Après des balances un peu compliquées qui aboutiront à délivrer un son trop puissant et donc brouillon, The Dizzy Brains investissent la scène en prenant un public juvénile à la gorge avec un « Vangy » aux lyrics de feu. Il s’agit du morceau qui fut joué en live dans les studios du « Petit Journal » de Canal + en 2016 dont le lien figure à la fin de ce report. Eh oui, The Dizzy Brains jouit déjà d’une grande notoriété en France sur plusieurs gros festivals mais aussi au Canada, en Corée du Sud, au Royaume-Uni et même au Maroc. Cette expérience leur a donné une assurance sur scène qui met en transe une salle déjà conquise. Les brûlots s’enchaînent à un rythme très soutenu : les bêtes sauvages sont Out Of The Cage. Eddy est omniprésent, tombant très vite la chemise sous les cris excités de la gente féminine, balançant son pied de micro, s’aspergeant d’eau avant de se confronter animalement aux premiers rangs survoltés, donnant l’impression de vouloir les bouffer tout « Raw ».
Quelques mots sont prononcés avant les titres les plus emblématiques de The Dizzy Brains : « Avec « Baby Jane », on vous raconte l’histoire d’une fille un peu frivole. Ici on va vous parler de sexe, de baise et de chatte car on adore ça même si on se protège. Chez vous en France on se sent libre de tout dire. Chez nous on se fait arrêter à la fin de cette chanson. « Finger Up » est un titre contre les politicards corrompus et contre le système, etc. » Eddy joint le geste à la parole avec moult doigts d’honneur ou en se glissant la main profondément dans la ceinture du jean tout en réalisant des déhanchés lascifs et suggestifs. L’animal dont les veines du cou saillent à chaque éructation, sait se faire sexy, un peu à la façon du maître en la matière, j’ai nommé Mick Jagger. Les trois autres Dizzy sont au diapason avec un Poun aux riffs tranchants comme une lame de rasoir et le « rastaminator » Mirana qui cogne comme un boxeur sur ses fûts. Mahefa est un peu plus sage, la faute à des problèmes de santé qu’il met aux oubliettes l’espace d’un concert pour assurer courageusement une rythmique d’airain à la basse.
C’est qu’il en faut de la pèche pour culbuter le cul d’un public peu habitué à une telle sauvagerie musicale et scénique et ce, en seulement 45 minutes chrono. C’est bien simple, Eddy termine le show par « Anao Inona », exsangue, vidé et étendu à terre comme sur la jaquette de l’album Out Of The Cage. Le timing serré n’autorisera pas un rappel ardemment réclamé par la foule en délire. En particulier, j’aurais aimé entendre leur fameuse reprise des « Cactus » de Jacques Dutronc.
Qu’importe, The Dizzy Brains a enlevé le morceau sans concessions. Alors j’ai envie d’écrire longue vie à Eddy, longue vie à son frère Mahefa, longue vie à « rastaminator » Mirana, longue vie à Poun, longue vie à The Dizzy Brains et dans le contexte actuel autour du groupe, ce ne sont pas des mots en l’air.
Pour que vous puissiez prendre la mesure de mes propos, je vous ai mis en lien vidéo leur passage l’année dernière à Canal + dont je parlais plus haut. Je vous enjoins à regarder en entier les trois parties de ce sujet à savoir la présentation du contexte malgache, le live de The Dizzy Brains et l’interview lors de laquelle Eddy a un message lapidaire pour le gouvernement malgache. Retenez simplement que si la situation ne s’est pas améliorée depuis l’époque, elle s’est même carrément dégradée pour le groupe qui appréhende désormais chaque retour au pays. La maxime « nul n’est prophète en son pays » prend ici tout son sens…
Rudy Zotche
https://www.festival-mauvaisesgraines.com/