Live report So Floyd, au Dôme de Paris, le 11 mars 2025 et au Palais des Expositions de Tours le 19 mars 2025
2025
Lucas Biela & Palabras De Oro
Live report So Floyd, au Dôme de Paris, le 11 mars 2025 et au Palais des Expositions de Tours le 19 mars 2025
Les tribute bands de figures emblématiques du rock sont légion. Et on comprend pourquoi : la demande est de plus en plus forte. Preuve en est avec une des nombreuses formations hommage à Pink Floyd, So Floyd. Le soir du mardi 11 mars, le Dôme de Paris, pouvant accueillir 5000 personnes, affiche en effet complet alors qu’à Tours, une semaine plus tard, le Palais des expositions est copieusement garni, bien que pas plein comme un œuf.
Pour sa mise en scène, le concert s’appuie notamment sur le fameux enregistrement scénique de Pulse en 1994. On retrouve donc la même disposition des instruments et des choristes, ainsi que les films thématiques dans l’œil géant de fond de scène. Sur la partie The Wall, c’est cependant vers les représentations du même album par Roger Waters que nos Français lorgnent. En comptant les trois choristes, les musiciens sont au nombre de douze. On peut dire que So Floyd met le paquet en quantité, qualité, light show et costumes pour délivrer une prestation digne de leur mentor. La reproduction est fidèle et permet de revivre l’expérience d’un concert de Pink Floyd ou de Roger Waters. On notera cependant que le son de batterie est très puissant. Mais il faut reconnaître que Nick Mason lui-même a cédé aux sirènes des décibels lors des concerts de son Saucerful Of Secrets band. Le groupe hommage a préféré retenir dans le tempo les sonorités ampoulées d’un Momentary Lapse Of Reason (la faute aux 80’s) plutôt que celles plus fines d’un Atom Heart Mother. Pour rester dans les rythmes, on apprécie le jeu des percussions, notamment à travers les jeux de lumière qui soulignent bien les mouvements. En effet, quand le projecteur se fige sur le percussionniste et met bien en évidence les frappes lentes sur la cloche, c’est tout le thème de la chanson qui est mis en lumière (c’est le cas de le dire). Par ailleurs, on retrouve bien l’émotion à fleur de peau de David Gilmour dans l’interprétation de ses solos les plus célèbres, notamment dans la slide concluant le tire-larmes « High Hopes ». Un autre aspect que l’on savoure, ce sont ces échos sombres de la six-cordes, gorgés d’angoisse en ouverture de « Sorrow » et de « Time ». Et que dire du mélange d’amusement et de colère dans le riff de « Money » ? La versatilité de l’amoureux des Fender Stratocaster est ainsi bien mise en exergue. Par ailleurs, le nom du groupe originel se référant à deux bluesmen, quoi de moins surprenant que d’entendre des airs bluesy sur « Money ». Ces derniers volent d’une guitare à l’autre et loin de toute compétition, c’est la connivence qui s’installe.
Côté chant, on ne retrouve pas totalement les timbres de Gilmour et Waters, mais après tout, pourquoi pas ! Un groupe de covers ne doit pas nécessairement être la copie conforme à 100 % de son aîné. L’important est de lui rendre hommage, y compris dans les quelques divergences qui parsèment le show… et tant mieux qu’il y en ait. La voix se partage entre le chanteur principal et l’un des guitaristes. Le premier possède un organe qui ferait penser à celui de Bono. Il délivre avec une diction très claire des mélopées agréables, et on se régale du nappage enroué qui les recouvre dans « High Hopes ». Dans l’univers sombre de The Wall, sa voix rassurante prend la route de la véhémence. C’est notamment le cas avec « In The Flesh ? » ou « Another Brick In The Wall ». Une belle preuve de versatilité s’il en fallait une ! L’autre voix présente un côté agressif rappelant les ténors du glam metal tels que Vince Neil. « Money » prend alors une dimension plus hargneuse. De même, « Have A Cigar », interprété à l’origine par le phénoménal Roy Harper, permet d’apprécier pleinement son chant acéré. Mais outre ces deux voix, il faut mentionner les choristes. Leurs belles lamentations sur « Sorrow » subliment le duo enflammé entre la batterie marathonienne et la guitare réflective. Quand leurs vocalises aériennes interviennent dans « High Hopes » ou « Brain Damage », elles font respirer et planer la mélodie. Plus proches de la soul sur « Time », elles apportent confort à la pièce par leur côté cotonneux. Mais vous trépignez sûrement d’impatience en attendant que l’on vous parle du « Great Gig In The Sky ». Et là, c’est l’apothéose ! En effet, les trois choristes se succèdent en faisant moduler leur voix avec passion, chacune à sa manière. Par là même, elles réussissent à faire oublier Clare Torry, ce qui n’est pas une mince affaire. Et quel bonheur de les retrouver à conjuguer leurs voix dans le final du morceau. On notera aussi un contraste saisissant dans les présentations qui se succèdent. En effet, quand elles sont vêtues d’une robe immaculée, les mouvements synchronisés des trois femmes leur donnent des airs de cygnes ouvrant avec grâce leurs ailes. En revanche, portant un treillis et effectuant des entraînements militaires, leur sérénité cède la place à la gravité.
On apprécie le choix de réalisation projetant régulièrement des gros plans des musiciens dans l’œil géant de fond de scène. Ceci permet d’apprécier en détail leur talent et leur toucher. En particulier, on a droit à une démonstration des bends gilmouriens à la limite de rupture des cordes qui constituent l’intro de « Shine On You Crazy Diamond ». « Et le saxophone de « Us And Them» alors ? » Eh oui, ne l’oublions pas celui-là. Les projecteurs sont d’ailleurs braqués sur lui dans ce morceau planant. L’instrument donne alors son caractère à la chanson. Entre l’introspection de Jan Garbarek, la frivolité de Jay Beckenstein et le feu de Gato Barbieri, il y a de quoi avoir le tournis. « Mais, et « Money » alors ? » Oui, le saxophone y fait également son show. Mais ici, envolée l’introspection, c’est le feu des séances d’effeuillage de clubs de strip-tease qui brûle. Et comme si cela ne suffisait pas, voilà notre souffleur revenu sur « Shine On You Crazy Diamond ». En revanche, ce n’est pas un, mais deux saxophones qui s’y succèdent. L’idée est en effet de jongler entre deux atmosphères. Le plus grand des deux cherche à appuyer la gravité du propos, l’autre nous plonge dans un monde de malice. Parmi les autres instruments indispensables à l’immersion dans l’univers de ce morceau, notons les claviers. Ils apportent certes leur lot d’introspection, mais ce sont également des petites projections « sci-fi » qui nous font baigner dans le cosmos. Ce n’est pas pour rien qu’on a parlé de « space rock » à l’égard de la musique de nos Londoniens. À noter que nous n’aurons droit qu’à la première partie de « Shine On You Crazy Diamond » alors qu’on aurait aimé entendre les deux segments enchainés, ce que l’album ne propose pas. Par contre, So Floyd a le bon goût de jouer la part 3 d’« Another Brick In The Wall » consécutivement à la part 2, même si la part 1 est singulièrement abrégée. La surprise viendra également des airs pompiers dans « Brain Damage », à rapprocher d’un « Jump » de Van Halen ou d’un « Final Countdown » d’Europe. Il est cependant bon de constater que nos Français aiment prendre des libertés avec le canevas original. Et notre étonnement se poursuit avec l’aspect amusé des touches noires et blanches de « Us And Them ». Le côté jazz-rock malicieux à la T-Lavitz qui en ressort a de quoi nous faire sourire.
Avec leur spectacle grandiose, So Floyd permettent ainsi de plonger ou de replonger dans l’univers foisonnant de Pink Floyd. Le programme aborde essentiellement des pièces des « best-sellers » du groupe. Ainsi, même pas la moitié de la discographie de Pink Floyd est passée en revue. On peut donc regretter l’absence de morceaux de Meddle, Animals, Obscured By Clouds mais également des albums de la période Syd Barrett. En effet, pour ne citer que Voivod parmi les nombreux groupes ayant fait des reprises de Pink Floyd, leur choix s’était porté sur « Astronomy Domine », monument du rock psychédélique, et « The Nile Song », curiosité dans la discographie du groupe et un excellent exemple de proto-metal. Pour autant, il faut reconnaître qu’il serait difficile de choisir le morceau de la set-list auquel il faudrait renoncer pour laisser la place à des titres d’autres disques non mis à l’honneur. En définitive, So Floyd a livré un show équilibré entre hommage à Pink Floyd et french touch plus personnelle. Ils ont fait vibrer la fibre sensible et nostalgique à fond et ça marche totalement. On s’y croirait et il n’y a aucune raison de bouder son plaisir d’avoir pu retrouver, l’espace de deux soirées, toute la magie floydienne. Les standing ovations spontanées de fin de concert en témoignent.