Live report – Igorrr à Bulle, Suisse, 18 novembre 2017
2017
Igorrr a mis la salle en ébullition !
Le projet Igorrr, mené par le polyvalent Gautier Serre, pose ses pénates en Suisse pour deux dates, l’une en terre alémanique (Bulach) et l’autre en Romandie, à Bulle (18 novembre 2017), dans le centre culturel Ébullition, pour l’occasion plus que bondé. Avec toutes ces bulles, il n’est pas étonnant que l’affaire allait faire mousser !
La première surprise reste de constater que l’idée de programmer un groupe aussi prestigieux (et dont la popularité ascendante ne cesse d’étonner) dans une salle à la capacité si restreinte relève de la faute professionnelle. En effet, même si les normes de sécurité ont été respectées, dire que le public ne jouissait pas d’un confort maximal relève de l’euphémisme. Pourquoi ne pas avoir programmé ce groupe au Fri-Son (Fribourg) ou au Rocking-Chair (Vevey), lieux plus adaptés à la musique si dense du quartette français ? Une honorable queue, en dehors de la salle, laissait présager une foule inattendue. Du reste, les fans impatients, qui patientaient au froid, priaient, en battant des mains, le dieu Bragi, fils d’Odin et dieu de la poésie et de la musique : tous n’étaient pas certains de pouvoir pénétrer dans le lieu de l’orgie sonore du soir.
Une fois entré, le public massé ne put que constater que l’idée même d’envisager d’aller quérir quelque boisson houblonnée au bar semblait ridicule, tant l’air et l’espace se raréfiaient minute après minute. C’est donc dans cette atmosphère oppressante et étouffante que l’artiste Ruby My Dear eut le dangereux avantage d’officier en tant que première partie. Cette musique, principalement électronique et programmée, si elle ne jouit pas de l’apport réel apporté par des interprétations de musiciens en live, propose des ambiances qui ne sont pas si éloignées de celles malaxées par Igorrr – du reste, Ruby My Dear et Igorrr ont collaboré sur un EP de bonne facture intitulé Maigre, paru en 2014 –, le syncrétisme en moins assurément… Las, le son beaucoup trop fort pendant cette prestation inaugurale n’a pas permis à toutes les franges du public d’entrer dans le monde écervelé et dynamique du bonhomme. Dommage. Heureusement, l’ingénieur du son enlèvera ses moufles (ou peut-être s’agissait-il de gants de boxe ?) pour l’entier de la prestation de la tête d’affiche qui gagna largement le match par KO… et sans gants de boxe. Le son est clair, limpide, précis et permet bien d’envisager toutes les finesses de production de cette musique inclassable et si jouissive. Entendre un vrai batteur et deux vrais chanteurs (Laurent Lunoir à la voix growl et Laure Le Prunenec aux envolées opératiques) en plus de l’univers sonore déployé par le maître de céans, Gautier Serre, attaché à sa table de travail, apporte une véritable plus-value à l’ensemble. On pourrait même se montrer critique en pensant que l’apport d’un guitariste et d’un bassiste rendraient le tout encore plus flamboyant. Mais ne gâchons pas notre plaisir, la prestation a été époustouflante et maîtrisée, malgré tous les chausse-trappes rythmiques et harmoniques d’une telle mixture. Ce metal baroque mâtiné d’électro aurait pu très mal passer l’épreuve de la scène. C’est bien le contraire qui s’est avéré puisque celle-ci l’a, au contraire, transcendé. Les salles pleines de plus en plus grandes qui se succèdent dans cette tournée-marathon en constituent la preuve la plus tangible. Gare à l’Igorrr !
Christophe Gigon
Photographies de Michael Adrien Maurice