Live report Galaad ( Grand Combe Châteleu )
Autoproduction
2019
Christophe Gigon
Live report Galaad ( Grand Combe Châteleu )
Cette première date française des Suisses de Galaad, dans le cadre du Frat3r Tour, fera regretter aux absents leur paresse. La dynamique équipe qui s’occupe de faire vivre ce magnifique lieu patrimonial que constitue la Ferme-Musée de Grand’Combe Châteleu, près de Morteau, dans le Doubs, a eu le nez creux en invitant rien de moins que l’une des figures majeures du rock progressif francophone. Cette étape en terre franc-comtoise, après quelques dates en Suisse et avant un concert attendu au mythique Gibus de Paris le 28 septembre, n’aura pas déçu.
Une foule compacte a investi cette superbe grange en découvrant avec ravissement une large et belle scène, surveillée par le majestueux tuyé, et encadrée par les deux moitiés de « la machine », illustrant la pochette du dernier album du quintette. Une ambiance tamisée et boisée apaise le public avant que ne sorte des haut-parleurs l’inquiétante annonce radiophonique concernant un certain programme nommé « Moloch ». Ceux qui possèdent déjà le dernier très bon disque de la bande à Pyt (lire la chronique sur notre site) savent que celui-ci est souplement articulé autour d’une anticipation onirique dont l’émission qui sert d’introduction à l’album (et au concert) pose le socle. Le groupe investit la scène devant un public réceptif et attentif.
De suite, la voix posée et puissante du si charismatique Pierre-Yves Theurillat (Pyt) captive la foule dès les phrases inaugurales du long voyage à venir : « J’me braque pas…J’fais d’mon mieux, pour garder les pieds sur terre, malgré les cieux… J’me marre pas, c’est sérieux, on peut pas s’figurer c’qui traîne dans les yeux. » Là, le chanteur enlève ses lunettes noires et, dans une explosion musicale d’une force peu commune, chante en transe, en regardant chaque personne fixement : « Qui va là ? Dans la nuit… ». Le concert est gagné, le public est captif et, dès lors, mangera dans la main du massif poète dont la fragilité construit à coup sûr une épaisseur singulière.
La totalité de Frat3r sera exécutée avec une maîtrise ahurissante. Le son – puissant mais cristallin – permet d’apprécier toutes les finesses de ces compositions complexes mais toujours mélodiques et envoûtantes. Des extraits de l’album-culte Vae Victis (1996) seront interprétés : « Le Feu Et L’Eau », « La Loi De Brenn », leur morceau de bravoure (qui sera malheureusement gâté par les problèmes techniques dont Sébastien Froidevaux, le guitariste, a été victime), le classique « L’Epistolier » et, en rappel, « Seul » et « Une Rose Noire ». Les dysfonctionnements cités ont tellement pesé sur les épaules du six-cordiste que le groupe a dû – momentanément – cesser de jouer, afin de pouvoir le laisser régler tranquillement ces avaries inattendues. Le public en a profité pour aller se désaltérer. La seconde salve du concert a pu être assénée, avec constance et force jusqu’à la fin. La matière ne peut faire taire les bonnes ondes.
band 2
Le groupe est en grande forme. Ces musiciens, tous largement quadragénaires, n’ont rien perdu de la fougue de leur jeunesse. Aucun temps mort ne fut à signaler. Mention particulière au si flegmatique Sébastien dont les soli auront comblé les amateurs de musique mélodique et planante (Genesis, Marillion ou Pink Floyd). Le chanteur, dont le côté chamanique doit beaucoup à Fish ou à Christian Décamps (Ange) sait comme personne « tenir sa scène » même si certaines parties de chant, composées il y a plus de vingt ans, avaient pu lui donner de la corde à retordre. Galaad a offert le Graal musical à un public qui ne s’attendait pas à dénicher, dans ces si belles contrées, un tel trésor. Les forêts de Grand`Combe Châteleu n’ont rien à envier à celles de Brocéliande. Grâce aux preux chevaliers helvètes !
Crédit photos Thomas Sandoz, Marie-Laure Weber et Emmanuel Jacquot