« Les Variations Goldberg » à la Sainte-Chapelle, le 5 mai 2015
« Les Variations Goldberg » de Jean-Sébastien Bach à la Sainte-Chapelle, Paris, le 5 mai 2015
Après les concerts de metal, jazz, ambient et musiques traditionnelles auxquels j’ai pu assisté ces derniers mois, je sentais que les récitals de musique classique me manquaient. Comme ceux auxquels j’avais assisté à la Sainte-Chapelle il y a près de trois ans m’avaient émerveillé, c’est tout naturellement vers ce lieu que mon choix s’est à nouveau porté. Ma curiosité a été piquée par l’annonce sur internet d’une interprétation en trio des fameuses « Variations Goldberg » de Jean-Sébastien Bach. Plusieurs dates sont proposées mais celle qui me convient le mieux est le soir même de ma recherche, à savoir le 5 mai 2015. A une demi-heure de la performance, plan vigipirate oblige, me voici à passer par le contrôle de sécurité avant de rejoindre la Sainte-Chapelle, petit édifice dont les vitraux resplendissants constituent l’attrait majeur. A l’intérieur, c’est une majorité de touristes qui profitent de leur passage à Paris pour visiter ce haut-lieu du gothique flamboyant, en même temps qu’ils assistent à un concert qui s’annonce l’être tout autant. Des bras tendus immortalisent les lieux sous format numérique.
Avec la précision d’un horloger, trois jeunes gens entrent en scène à 19h sous une pluie d’applaudissements, et entament alors un programme exigeant, les Variations Goldberg de Jean-Sébastien Bach. Mais me demanderez-vous, pourquoi sont-ils trois pour interpréter une oeuvre qui d’ordinaire est jouée en solo ? Et c’est là que réside la particularité de ce concert, outre bien entendu la beauté du lieu. En effet, quand bien des mélomanes ont en tête l’interprétation de Glenn Gould au piano des fameuses piécettes pour claviers de Bach, c’est sous la forme d’un trio que la violoniste Éléonore Darmon, l’altiste Anne-Sandrine Duchêne et le violoncelliste Timothée Marcel ont décidé de s’attaquer à ce monument de la musique baroque. Pour la petite histoire, c’est le russe Dmitry Sitkovetsky qui est à l’origine de la transcription pour trio à cordes des « Variations Goldberg ».
Dans l’interprétation de notre jeune trio, les « pièces d’exécution transcendante » qui se succèdent, souvent emplies d’allégresse, rarement mélancoliques, nous transportent dans un univers où une sensibilité à fleur de peau et une fantaisie à faire sourire accompagnent une virtuosité décoiffante. Sur le plan capillaire justement, les ondulations d’Éléonore ne sont pas sans rappeler la jeune prodige américaine Hilary Hahn, avec qui la comparaison ne s’arrête pas là car son tempérament de feu et sa versatilité en font une violoniste de premier plan. Ses deux compagnons sont tout autant ébouriffants de talent. Même si une complicité lie les trois protagonistes, et même si c’est Éléonore qui mène le plus souvent la danse, chacun y va de ses solos, ce qui n’est pas sans nous étourdir !
Mais c’est justement ce que l’on attend d’un concert : qu’il nous surprenne et nous enivre à la manière d’un millésime conservé en fût de chêne qui ferait exploser en bouche des saveurs tellement insoupçonnées qu’on le dégusterait jusqu’à la lie. Après une heure d’un jeu passionné où s’enchainent sans transition des moments souvent vertigineux, rarement relaxants, et cependant partageant une émotion qui l’emporte sur la technique grâce à un idéal de beauté porté aux nues, une nouvelle pluie d’applaudissements, plus longue cette fois-ci, retentit dans la chapelle. En effet, la prestation de nos trois étoiles n’avait rien a envier à celles plus connues que l’on peut dénicher sur Youtube. J’irais même jusqu’à dire que la fougue et la délicatesse s’y entremêlaient avec plus de conviction.
A la sortie de la chapelle, mon oeil est attiré par trois séries de CDs étalés sur une table d’appoint. Je ne vois pas de Bach dans le lot. Je me renseigne néanmoins auprès du vendeur au sujet d’une éventuelle gravure CD du trio qui venait tout juste d’enchanter mes oreilles. J’apprends ainsi qu’un enregistrement est en préparation. Moi qui recherchait désespérément cette année une « nouveauté » en musique classique, cette annonce me comble de joie !
Lucas Biela
L’intégrale des Variations Goldberg transcrites pour trio à cordes. Pour réviser ses classiques :
Éléonore Darmon interprétant une chaconne de Bach au violon seul :
J’aurais aimé assiter à ce concert, certianement… Très bon compte-rendu et puis merci pour les liens !
Merci Marc. Le trio se produira à nouveau à la Sainte-Chapelle le 8 mai, puis en juin, juillet et septembre. Il faut vraiment y aller, c’est un grand moment de musique.