Les Claypool’s Duo De Twang – Four Foot Shack
Les Claypool's Duo De Twang
Prawn Song/Ato Records
Le sergent Gatien, désormais votre dévoué serviteur, voudrait vous parler d’une légende vivante, d’un zygopathe de l’extrême, mais il ne sait guère trop par où commencer tant le personnage relève de l’ovni. Le lecteur, aguiché par le titre de cette chronique, meurt sûrement déjà d’envie que le sergent rentre dans le vif du sujet, cependant un petit retour sur la vie de notre homme – Les Claypool, bassiste et chanteur de Primus – s’impose. Primus est un trio absolument inclassifiable sur lequel je ne vais pas trop m’attarder, car il mériterait de faire l’objet d’une chronique à part. Porté par la personnalité excentrique de Les Claypool, son jeu de basse reconnaissable entre mille, sa façon particulière de chanter et d’écrire (story-telling) et son humour… spécial, le groupe perce dans les année 90 et connaît une carrière musicale aussi prolifique qu’intéressante (16 productions, démos et EP compris) dont beaucoup ont cherché à définir le style en vain – Si il est amené à s’y essayer, le sergent se prononcera en les termes de fusion funk metal avec un côté rock progressif. Interrogé à ce propos, Les Claypool parlera de « psychedelic polka »… En 2014, Les Claypool a 51 ans, une trentaine d’albums avec ses différents projets, 25 apparences en tant qu’invité, 13 BOF, et les thèmes de plusieurs séries Télé (dont South Park) à son actif. Il compose et enregistre depuis sa maison, nommée « Rancho Relax » (en référence à un épisode des Simpsons), dans l’état de Californie où il vit avec sa famille et d’où il s’adonne à ses autres passions : la pêche, le cannabis et la production de vin à partir de raisin cultivé dans la Russian River Valley.
Ce qui fait de Les Claypool un immense bassiste, c’est sa polyvalence : quand la plupart des bassistes de rock jouent soit au médiator soit avec l’index et le majeur de la main droite, Les Claypool utilise 3 doigts de la main droite et il est un maître absolu en matière de slapping – technique de basse qui consiste à taper et tirer les cordes avec le pouce et l’index de la main droite – ce qui renforce le côté rythmique de la basse en lui donnant un son très percussif, on reviendra là-dessus plus tard. En plus de ça, notre homme aime travailler le son de l’instrument en lui même, en utilisant divers modèles : basse électriques 4, 5 et 6 cordes, basses fretless (qui ont un rendu sonore penchant vers la contrebasse), contrebasses électriques avec ou sans archer, le tout couplé a une gamme incroyable de pédales d’effet : auto-wah, distortion et overdrive, delay… J’arrête là l’avalanche de termes techniques afin de point ne trop noyer le lecteur. En plus de tout ça, Claypool assure le chant sur l’écrasante majorité de ses projets. N’étant pas forcément un vocaliste hors-pair, c’est dans l’écriture et le flow qu’il se démarque, la plupart des chansons racontant des histoires plus barrées les unes que les autres, à bases d’animaux et de scénarios ubuesques.
Après ce détour, plutôt long mais nécessaire, nous en arrivons à notre sujet du jour : le duo de twang. L’anecdote veut que Les Claypool, sollicité pour jouer sur la scène d’un festival de blue-grass/country, téléphone à son pote de lycée Bryan Kehoe, guitariste barbu du groupe M.I.R.V. et lui propose de monter un duo. Le principe est simple : à la manière de Django Reinhardt, s’asseoir, comme autour du feu, boire et jouer. Et puis dire des conneries aussi, Claypool y tient : « Beaucoup de ce qu’on fait sur scène c’est boire et raconter des histoires, des blagues, dire des conneries. Je dirais qu’un bon pourcentage des concert c’est nous en train de dire des conneries. » (afin d’éviter au lecteur les inepties de google translator, le sergent a lui-même traduit cette citation, ne soyons donc pas trop regardant sur le style) Les Claypool le dit, il prends ça comme son » fuck-off vacation band » (vous n’y échapperez pas cette fois-ci). Country à souhait, à la limite du parodique même, ça renifle fort la déconnade, mais la déconnade haut-de-gamme. Si vous permettez au sergent qu’il étale un peu sa science, ce dernier fera un rapprochement cinématographique avec le Down By Law de Jim Jarmusch, qui, comme Four Foot Shack, traite d’évasion et de bayous avec style et humour. A noter au passage que Tom Waits, est un ami de Claypool.
Ce premier opus donc, sorti début 2014, propose une formation réduite, minimaliste : une basse et une guitare. La rythmique, on revient là-dessus, est assurée par le jeu ultra-percussif de Claypool – tout en slap et en rebonds – ici avec un instrument atypique, j’ai nommé le Golden Bass Banjo, qui comme son nom l’indique est la fusion à 4 cordes d’une basse et d’un banjo, et qui ressemble fort à un dobro version basse. Kehoe, avec son chapeau, sa barbe, son dobro, son ventre et son bottleneck, assure la guitare traditionnelle country : beaucoup de slide et de contretemps. Au chant, nous retrouvons Mr. Claypool. Son style, qui repose beaucoup sur le storytelling, se marie à merveille avec la musique et la culture country, dont la tradition est de raconter des histoires. En plein dans le mille donc. La seule chanson ayant été composée expressément pour cet album est l’éponyme « Four Foot Shack » (« cabane à quatre pieds », qui lui donne une intro façon Residents). On trouvera sur les restes du disque des reprises mises à la sauce Duo de Twang : « Staying Alive » des Bee Gees, « Man In The Box » d’Alice In Chains, et des chansons de Primus ou de Les Claypool. Four Foot Shack, enregistré à la maison, au Rancho Relaxo Studio, est sorti le 4 février dernier (2014) sur ATO Record.
Voilà, le sergent a réussi à vous parler de South Park et de Down By law, de slapping et de psychedelic polka, de pêche et de cannabis, de google traduction et des Bee Gees dans la même chronique, il lui reste maintenant à remercier Les Claypool sans qui cela n’aurait jamais été possible, et de souhaiter une bonne écoute à nos lecteurs désemparés !
Le sergent Gatien (euh..20/10 c’est possible ?)
[responsive_vid]