Lebowski – Pretending Life

Pretending Life
Lebowski
Autoproduction
2023
Thierry Folcher

Lebowski – Pretending Life

Lebowski Pretending Life

Il y a cinq ans, je vous présentais Galactica, le deuxième album des Polonais de Lebowski. Une épopée riche et sophistiquée, faisant honneur à cette formidable école polonaise, fière de détenir des références aussi passionnantes que Lunatic Soul, Millenium, Believe ou Riverside. Des formations, pour la plupart héritières du rock progressif anglo-saxon et souvent porteuses d’inaltérables couleurs seventies. Maintenant, qui dit inspiration ne veut pas dire plagiat pour autant. Non, bien au contraire, c’est un souffle nouveau, venu de l’Est, qui a déferlé dès les années 90 sur une planète progressive en pleine reconstruction. Les pionniers d’alors s’appelaient Quidam, Collage, Abraxas ou Satellite (J’en oublie sûrement) et proposaient une musique très mélodieuse, à caractère symphonique, parfaitement produite et interprétée. Mais revenons à l’actualité et à Lebowski, qui, malgré ses vingt ans d’existence, n’avait jusque-là sorti que deux albums grand format. C’est donc avec surprise et beaucoup d’intérêt que l’annonce d’un retour discographique fut accueillie. Mais attention, en dépits de l’étiquette « nouvel album » épinglée par le groupe, ce tout nouveau Pretending Life ne se présente que sous la forme d’un EP de 17 minutes seulement. Alors, était-ce bien raisonnable de se lancer dans une chronique pour un contenu aussi modeste ? Après mûre réflexion, je me suis dit qu’il y avait peu de chance pour que les deux titres de Pretending Life figurent un jour sur un support plus important (cela dit, je peux me tromper) et qu’il serait fort regrettable de passer à côté de ce gros quart d’heure de pur bonheur. J’ai par ailleurs le souvenir de disques interminables et soporifiques qui auraient bien mérité d’être plus courts afin de ne garder que l’essentiel. Ici, pas de soucis, tout est bon à prendre, de la première à la dernière note.

Avant de plonger plus en détail dans ce nouvel EP, je vous invite chaudement à visionner les deux vidéos qui l’accompagnent. J’insiste là-dessus, car pouvoir bénéficier d’une telle mise en image est assez rare pour ne pas en profiter. Lebowski a vraiment mis le paquet côté visuel et la réalisation de ces deux clips, signée Radek Ratomski, est une franche réussite. Non seulement l’esthétique est irréprochable, mais les images sont là pour aider à la compréhension d’une musique conceptuelle aux messages forts et à la réflexion conseillée. « Pretending Life » c’est aussi le titre du premier morceau écrit, comme à chaque fois, par le tandem Marcin Luczaj (claviers) et Marcin Grzegorczyk (guitare). Une paire de musiciens accomplis et en parfaite symbiose pour nous conter (en musique) cette histoire de l’Humanité, depuis ses origines jusqu’à un lointain futur, plus ou moins utopique. Et c’est là que les images sont utiles. De la petite graine aux grands voyages dans l’espace, tout y passe et se réalise dans des fondus enchaînés assez troublants. Dans ce contexte, la musique vaut tous les discours. Dès le début, le piano et la guitare s’accordent pour nous amener sur des terres paisibles et pragmatiques. On pense au Floyd pour la guitare aérienne et à Andréas Vollenweider pour la rythmique sautillante. Tout semble se dérouler sans heurts avant l’arrivée des premiers troubles, des premiers affrontements, de l’industrialisation et de la modernité. De ce fait, le ton enfle et devient symphonique, en partie grâce au souffle de l’impressionnant Choir Of The Pomeranian Medical University et au passage dans la catégorie rock metal du groupe. C’est d’ailleurs lui qui va occuper en image et en musique le dernier tiers de ce long morceau de plus de 10 minutes. En vedette, la guitare inspirée de Marcin Grzegorczyk qui domine les débats et nous conforte dans l’idée que le rock ne peut décidément pas se passer de cet instrument emblématique. Le premier round est terminé, j’en ai pris plein les yeux et pleins les oreilles et attends impatiemment la suite.

Lebowski Pretending Life Band 1

Avec cette deuxième partie, Lebowski va passer de l’allégorie à l’hommage sans baisser pour autant en qualité et en intensité. En revanche, quand je dis Lebowski, je devrais dire Marcin Luczaj, car c’est à lui que reviennent les presque 7 minutes de « Dreams, Reality, Death ». Seuls, Marcin Grzegorczyk aux percussions électroniques et Katarzyna Dziubak au violon vont apporter leur contribution à cette composition que Luczaj a écrit en mémoire du regretté Ryuichi Sakamoto. Tout d’abord, malgré l’omniprésence du piano, je trouve que sa musique se cale plus dans l’univers de Lebowski que dans celui du maestro japonais. Quelques clins d’œil peut-être, mais c’est tout. Ici aussi, la mise en images est de toute beauté et renforce la musique (à moins que ce ne soit l’inverse) de façon magistrale. Les passages aux synthés du début sont d’une extrême brillance et les changements d’atmosphère aussi beaux que perturbants. Je peux vous assurer qu’à l’écoute de ce morceau, je me suis senti à la fois figé, secoué et profondément ému. Ce voyage au pays des rêves finit en symphonie des étoiles en compagnie de Sakamoto lui-même, dirigeant un orchestre céleste où le violon de Katarzyna Dziubak se transforme en véritable source de plaisir. Sur la fin, le graphisme remplace les images d’origine de Sakamoto par celles de Luczaj et nous envoie une onde de chagrin pour cet artiste disparu. À présent, je ne peux m’empêcher de penser que ce morceau et cet EP s’arrêtent trop tôt. Quelques mesures de plus n’auraient pas gâché la fête (si l’on peut dire) et aussitôt, le questionnement devient inévitable. Pourquoi Lebowski n’a t’il pas poursuivi l’aventure plus loin ? Pourquoi stopper tout cela en si bon chemin ?

Lebowski Pretending Life Band 2

Avec les deux titres de Pretending Life, Lebowski nous offre un sacré bon moment de musique. 17 minutes de grande jubilation, mais qui se révèlent, à l’arrivée, particulièrement frustrantes. Au moment où j’écris ces lignes, je ne connais pas encore les intentions du groupe ni même ce que l’avenir lui réserve. Par contre, ce que je peux dire, c’est que cet EP est carrément un cran au-dessus de tout ce qu’il a pu produire jusque-là. S’en est-il rendu compte ? Et l’envie de le proposer à la terre entière, n’a-t-elle pas été la plus forte ? L’impatience et l’urgence sont devenues des phénomènes de société profondément discutables, mais si c’est le cas pour Pretending Life, je veux bien passer l’éponge.

https://lebowski2.bandcamp.com/album/pretending-life-wav-24-bit

 

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