Quidam – Sny Aniolow/Angels’ Dreams
Quidam
Rock Serwis
En 1996, le groupe polonais Quidam va créer l’événement en publiant un premier album éponyme de toute beauté, petit chef d’œuvre de rock progressif romantique aussi lyrique que délicat, où flûtes et violoncelle viennent dialoguer subtilement avec les claviers et les guitares mélodiques de l’excellent Maciek Meller. Et au dessus ce ce brio instrumental, survole la voix puissante et féérique de la splendide Emila Derkowska, qui restera l’inoubliable chanteuse du groupe le temps de trois albums, avant que Bartek Kossowicz (oui, c’est un garçon !) ne vienne prendre le relais en 2005 sur « SurREvival », nouveau départ pour un Quidam qui ne retrouvera jamais vraiment tout à fait l’excellence de son premier essai. Le groupe aura néanmoins contribué à la frénésie créative de cette seconde moitié des années 90, principalement influencé par l’âge d’or de Genesis, la période néo-prog de Marillion, mais surtout par la musique de Camel, pour sa délicatesse symphonique, son emphase émotionnelle et l’extrême sensibilité de son leader, le guitariste et chanteur Andy Latimer. Si l’on devait immédiatement se référer à une autre formation de la même famille en découvrant ce premier opus de Quidam, la première référence qui nous viendrait à l’esprit serait indéniablement Camel, pour toutes les raisons évoquées ci-avant.
Après ce premier coup de maître, autant dire que « Sny Aniolow » était attendu de pied ferme par les nombreux fans qui avaient succombé aux nombreux charmes de son prédécesseur, à commencer par son extraordinaire vocaliste. Pour ma part, je fais partie des quelques rares chanceux qui ont pu acquérir cette nouvelle galette fraîchement pressée à l’occasion d’un mémorable concert de Quidam organisé au Théâtre Dunois, petite salle de spectacle conviviale, pour ne pas dire intime, qui fut autrefois le temple parisien du rock progressif, grâce au dévouement et à la passion de Christian Aupetit et de son association Prog La Vie (on leur doit tout de même les toutes premières prestations scéniques en France de Spock’s Beard, The Flower Lings, Porcupine Tree, Anekdoten, Ars Nova, Pär Lindh Project et j’en passe). Mais alors, quid de ce « Sny Aniolow », dont seulement un ou deux titres avaient été joués par le groupe ce fameux soir ? Et bien malheureusement, avec ce second album, les polonais de Quidam n’avaient certes pas signé le disque que tout le monde attendait. En effet, délaissant quelque-peu leur style néo-progressif solidement enrichi au symphonisme camelien, ce nouvel essai ne tenait pas toutes ses promesses, en prenant une direction bien plus pop, moins ambitieuse en terme de composition et d’arrangements, mais aussi avec une inspiration moindre.
En effet, les neuf titres du disque sont dans l’ensemble bien moins aboutis que les premières tentatives de Quidam, qui font mouche encore aujourd’hui auprès de ses supporters. De cette collection de titres aux relents sucrés mais sans passion ni jubilation, on retiendra tout de même le très symphonique et quelque-peu tourmenté « Pod Powieka » (est-ce un hasard s’il s’agit du titre le plus long ?), avec la voix toujours magnifique d’Emila Derkowska et la flûte virevoltante et omniprésente de Jacek Zasada, le notable remplaçant de la très belle (décidément !) Ewa Smarzynska. Le jeune instrumentiste réalise un travail tout à fait à la hauteur sur l’ensemble du disque, même sur les morceaux les plus indigents, à commencer par « Moje Anioly » (« Angels Of Mine » dans le CD en version anglaise, publié peu de temps après), à considérer comme le hit-single de « Sny Aniolow ». La terre polonaise nous avait pourtant habitué à bien mieux en ces glorieuses années de résurrection créative, où les albums de Collage, RSC ou encore Abraxas rivalisaient d’atouts de qualités.
Après la surprise de « Quidam » premier du nom, « Sny Aniolow » décevait cruellement, et ce n’est malheureusement pas le temps qui s’est écoulé depuis qui aura rendu l’œuvre meilleure, un peu comme une modeste bouteille de vin oubliée au fond d’une cave, que l’on exhumerait aujourd’hui pour une dégustation qui en libérerait quelques saveurs inespérées. Pour un nouveau grand cru de Quidam, il faudra attendre 2007 et la publication du très fréquentable « Alone Together », mais sans la touche féminine qui faisait tout le charme de Quidam. A celles et ceux qui souhaiteraient découvrir la période Emila définitivement révolue, je ne saurais que leur conseiller d’acquérir l’inoubliable premier album du même nom, ainsi que le non moins exceptionnel « Live In Mexico ’99 » au son juste parfait, tous deux réédités depuis 2006 en version double CD sur le label Rock-Serwis, et agrémentés de nombreux bonus, en audio pour le premier, et en vidéo pour le second.
Philippe Vallin (6/10)
http://www.quidam.pl/