La Coscienza Di Zeno – Sensitivà
La Coscienza Di Zeno
Fading Records/Altrock Productions
Si vous ne les connaissez pas encore, nul doute que les musiciens de La Coscienza Di Zeno occuperont très bientôt une place de choix dans votre discothèque progressive. Ces jeunes éphèbes comptent en effet à leur actif pas moins de trois enregistrements parfaitement maîtrisés sur la forme et le fond. Publiés respectivement en 2010, 2011 et 2012, « La Coscienza Di Zeno », « Decameron » et « Lovecraft » ont immédiatement emporté l’adhésion de l’auditeur grâce à leur savant mélange de rock éclectique et sophistiqué et de musique symphonique profondément inspirée par les grands maîtres à rêver italiens des seventies. Pour leur quatrième album, Alessio Calandriello (chant), Davide Serpico (guitares électriques, classiques et acoustiques), Luca Scherani (piano, claviers analogiques, mellotron, accordéon et bouzouki), Stefano Agnini (Solina, Syntorchestra et claviers analogiques), Gabriele Guidi Colombi (basse) et Andrea Orlando (batterie et percussions) ont décidé de passer à la vitesse supérieure. Ils se sont ainsi enfermés, plusieurs mois durant, en studio dans la région de Gênes, en compagnie d’une violoniste (Sylvia Trabucco) et d’une violoncelliste (Melissa Del Lucchese) omniprésentes, pour y donner naissance à sept pièces riches en contrastes et en émotions.
Sobrement baptisé « Sensitivà », ce millésime 2013 épilogue avec sensibilité sur le monde du rêve. Premier acte de cet opus fascinant, « La Citta Di Dite » nous régale, durant près de sept minutes, d’envolées magistrales de piano classique avant de nous convier à une odyssée improbable sur les traces de Le Orme et PFM mais aussi du early-Marillion (les soli de moog à la Mark Kelly, la guitare rotheryenne en diable) ! Mélange aussi étonnant que détonant, porté par le chant poignant d’Alessio Calandriello qui nous ouvre les portes d’un rêve éveillé… La suite éponyme qui lui succède est bouleversante : parties vocales somptueuses répondant avec emphase à des nappes de synthétiseurs symphoniques à souhait et à une guitare acoustique délicate et raffinée.
Ponctuée de nombreux moments de bravoure (son break central jazzy de toute beauté, sur lequel les claviers de Luca Scherani nous en mettent plein les oreilles), « Sensitivà » flotte dans un décor de mélancolie, peuplé d’ombres et de lueurs envoutantes, avant de céder sa place à l’art-rock de « Tenue » (on pense au Nosound de « Afterthoughts »). L’introduction de « Chiusa 1915 » renvoie aux fastes de Maxophone ou de La Reale Accademia Di Musica, avant de synthétiser à merveille le grand talent du combo : climats captivants, sens mélodique imparable et épilogue dominé par un mellotron tiré à quatre épingles. Après le somme toute quelconque « Tensegrita », la formation redresse immédiatement le tir avec le clair-obscur « Pauvre Misere », aux breaks savamment (de)structurés, à la six-cordes crimsonienne, au violoncelle recueilli et au chant de braise.
La Coscienza Di Zeno met un terme à son voyage au bout de la nuit avec le grandiose « La Temeranza ». Cet epic éblouissant pioche dans une multitude de styles différents (envolées pastorales à la Anthony Philips, folklore local bucolique, progressif vivifiant et même free-jazz à la Area !) et s’accoquine avec la sensibilité à fleur de peau du méconnu H2O (sans conteste possible le meilleur groupe rital des années 90s, ex-æquo avec Eris Pluvia), avant de se conclure en apothéose sur une longue et bouleversante coda merveilleusement emphatique.
Peuplée d’une foule d’ambiances qui campent peu à peu le décor d’une nuit s’achevant dans la rumeur d’une ville qui s’éveille, « Sensitivà » constitue, à l’arrivée des courses, une œuvre incontournable, même si elle n’atteint certes pas les sommets « himalayesques » de « Not A Good Sign« . Du grand Art quand même !
Bertrand Pourcheron (8,5/10)
http://coscienzazenoeng.altervista.org/