Kieran Hebden/Steve Reid/Mats Gustafsson – Live At The South Bank

Live At The South Bank
Kieran Hebden/Steve Reid/Mats Gustafsson
Smalltown Superjazz

Kieran Hebden live

Ça, c’est l’exemple typique du disque que l’on découvre toujours trop tard. C’est vrai, un an il m’a fallu pour me pencher dessus (en même temps, avec les sorties de Gustafsson !). Ce qui est assez rageant, d’autant plus quand l’album est effectivement et réellement bon. Le genre de galette à refaire son barème de classement de fin d’année. Mais bon, revenons-en à nos moutons, « Live At The South Bank » n’est pas qu’un copieux disque de free-jazz contemporain (au sens large), c’est aussi un hommage, simple et beau, à Steve Reid, qui a rejoint le paradis des batteurs un an avant sortie officielle de la galette. N’oublions pas que ce dernier a tâté des baguettes avec des noms aussi prestigieux que Miles Davis, Sun Ra, James Brown ou encore Quincy Jones, excusez du peu. Alors que la fin de sa vie fut marquée par la collaboration avec Kieran Hebden (alias Four Tet), petit chef électronique touche-à-tout, je préfère retenir ce concert enregistré à Londres avec la présence d’un troisième larron (roulement de tambours), le saxophoniste le plus punk de sa génération (lancer de cotillons) : Mats Gustafsson. Avec ces trois pointures, ce n’est que du bonheur pour les esgourdes.

Bien sûr, Gustafsson fait ressortir sauvagerie et furie bruitiste avec son instrument forgé en enfer, cela va de soi, mais Hebden emboîte le pas, se lâche comme une pierre au milieu d’une avalanche, ses interventions étant assez gratinées bien que toujours porteuses d’un climat mélodique réconfortant. Steve Reid, quant à lui, eh bien… il dessine, des motifs, des visages. Il sculpte sur sa batterie et se passe des notes, des similis formes surgissent pour tout de suite disparaître. Un jeu de charleston devient un moment de magie pure sans prestidigitation à la mords-moi-le-noeud. C’est tactile, c’est beau, variable, ça change la température ambiante. Son jeu parait simple, sans esbroufe ni démonstration. Il accompagne tout en forgeant. Son rythme pulsatif inspire Hebden et ses bricolages électroniques, tandis que Gustafsson énergise l’ensemble telle une prise terre qui fournit de l’électricité à un immeuble de six étages, bien que son jeu sente moins la scie égoïne par rapport à ses travaux les plus furibards.

Et la p’tite touche plaisir estampillée, c’est l’instant live, cette conjugaison d’échanges, de laisser-aller, de rêveries, ce grain de folie et d’expérimentation. Ce cachet faisant de cette réunion, petite par son effectif, un grand rassemblement salvateur. Notons aussi la pertinence du label de sortir l’objet dans un digipack double CD, évitant ainsi l’indigestion qu’on pouvait craindre. C’est fin, racé, percutant. Steve Reid, si tu nous regardes, certains font le maximum pour ne pas t’oublier. Le jazz se fout du temps et des frontières ! Et dire que j’ai failli passer à côté…

Jérémy Urbain (8/10)

http://matsgus.com/

http://www.steve-reid.com/

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