José Gonzalez – Vestiges & Claws
José Gonzalez
Peacefrog
3eme album du suédois José Gonzalez, « Vestiges & Claws » présente une folk au son brut mais aux arrangements classieux. José Gonzalez n’est peut-être pas un inconnu pour vous si vous aimez ce style de musique, et si vous connaissez son groupe, Junip. Il a aussi composé la BO du très fréquentable film « La Vie Rêvée de Walter Mitty » de Ben Stiller, où l’on entendait des morceaux de Junip, de ses propres albums solos et des inédits. Contrairement à un Damien Rice qui fait passer les émotions par son chant un brin théâtralisé et par des cordes cinématographiques, José Gonzalez ne compte que sur ses mélodies pour accrocher l’auditeur. On peut penser que sa musique est un peu froide, il n’en est rien, surtout sur cet opus, qui varie ses atmosphères, avec un jeu de guitare qui ramène à un son « africain ». En effet, on a constamment l’impression d’écouter un album venant du Sénégal, tant les percussions et les sonorités de guitare nous y invitent. Et c’est d’ailleurs inédit pour lui, ses deux précédents solos n’étaient remplis que de sa guitare acoustique.
José Gonzalez à la voix chaude et douce d’un vieux folkeux des années 70. Il vous embarque dans ses questions philosophiques, politiques ou sociales, à l’aide de mélodies intemporelles et souvent contemplatives, et de son jeu de guitare percussif, invitant à se perdre dans ses réflexions et dans ses rythmes hypnotisants. Un voyage très plaisant si l’on s’y laisse glisser. Dès les premières notes de « With The Ink Of A Ghost », on est emporté par la beauté de la mélancolie qui se dégage de ces accords magiques. José Gonzales a étendu son jeu et ne reste pas sur la même ligne durant tout le morceau, preuve d’une liberté musicale qu’il s’est accordé, et les 5 minutes du titre enchantent. « Let It Carry You » nous fait changer de continent avec ses rythmiques de guitare africaine et des percussions brésiliennes, son interlude planant nous renvoie dans les années 70, un titre qui montre les possibilités envoûtantes de Gonzalez.
« Stories We Build, Stories We Tell » reste en Afrique rythmiquement, mais convoque quelques fantômes de folk américaine. Jonathan Wilson pourrait se l’approprier. « The Forest », avec sa flûte et son atmosphère calme et sereine, cache un message sur la nature, à écouter les yeux fermés pour s’évader. « Leaf Off – The Cave » est un appel à sortir des ténèbres et rejoindre la lumière. Rythmes tribaux, ambiance amazonienne, son brut, communion réussie. « Every Age » avance doucement et aurait pu figurer sur ses deux solos précédent, du coup, il ne s’intègre pas vraiment au tout. Les 6 minutes de « What Will », par contre, retrouvent l’unité musicale du disque pour un titre crescendo, où Gonzalez aurait pu se laisser aller à des éclats de voix. Ce n’est pas son style, et sa manière d’imprimer une urgence à son chant est originale.
« Vissel » est un magnifique instrumental serein, on s’imagine dériver dans une forêt ou sur une rivière. « Afterglow » reprend ses marques et se veut peut-être la plus world folk de l’album, percussions en avant, en nous disant que tout va disparaître un jour… On rentre à la maison avec « Open Book », petite balade folk à la Simon & Garfunkel, petit délice en dessert, après un voyage bien rempli.
José Gonzalez est arrivé à un petit miracle folk aux accents world très prononcés qui lui vont comme un gant. L’album sort des sentiers battus tout en gardant une marque de fabrique indéniable. Il lui aura fallu 8 ans avant de sortir ce « Vestiges & Claws », on ne peut qu’espérer un temps moindre avant une nouvelle fournée intimiste qui parle de nous, du monde dans lequel on vit et qui pose des questions pertinentes sur nos modes de vie.
Fred Natuzzi (9/10)
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