John Vorus – Transmuting Current
John Vorus
Ambient Distillery
John Vorus est un jeune et talentueux musicien américain, malheureusement complètement méconnu en France, un peu à l’image du style musical « ethnoambient » qu’il a lui-même commencé à explorer dans le courant des années 90, sous l’influence de ses compatriotes Steve Roach et Robert Rich. Ce long processus de maturation artistique se traduit enfin aujourd’hui par la réalisation d’un 1er album brillant en tout point, intitulé « Transmuting current ». En effet, John Vorus est avant tout un joueur accompli de didgeridoo (la fameuse trompe traditionnelle aborigène), qui s’est longuement produit avec son seul instrument en Europe et aux Etats-Unis, à l’occasion de concerts ou de sessions d’enregistrement pour divers projets collectifs.
John fait donc ses débuts avec ce remarquable premier album dans l’univers passionnant de l’ethnoambient (ou « Tribal-ambient »), un genre musical à mille lieues des béatitudes planantes du « New-age », souvent très esthétique, et qui conjugue allègrement sonorités électroniques et acoustiques pour une immersion totale dans de vastes paysages intérieurs. L’actuel chef de file de ce mouvement prolifique et hyper créatif n’est autre que le californien Steve Roach, véritable institution du genre, géniteur d’une multitude de projets collaboratifs et d’albums solo dont certains feront date dans l’histoire des musiques électroniques. On peut situer ce genre musical né aux USA comme un prolongement de l’âge d’or des expérimentations cosmiques issues des années 70, avec l’émergence en Europe des pionniers conceptuels que sont Klaus Schulze, Tangerine Dream, Terry Riley, Brian Eno et quelques autres créateurs géniaux de mondes sonores inédits. Ce n’est pas un hasard si on retrouve Steve Roach crédité sur « Transmuting current » en tant que producteur et musicien. Le mixage et la (co)production seront donc signés par le maître dans son fameux « Timeroom studio » de Tucson en Arizona, où il aura fallu à notre méticuleux duo cinq jours non stop d’un travail marathonien pour aboutir au résultat sonore souhaité, et qui, je vous l’assure, vaut largement le détour et les efforts !
Un peu à la manière de Steve qui vit de manière « reculée » dans les vastes étendues arides du désert de Sonora en Arizona, John Vorus a choisi quant à lui de s’établir dans les paysages montagneux et grandioses de la Caroline du Nord, soit un autre contexte idéal pour ce genre d’approche et de méditation artistique. John associe la musique à la « vision » et la texture sonore à celle d’une image ou d’une couleur. Il conçoit ainsi le façonnage du son comme un art pictural que chacun peut matérialiser dans son propre esprit. Il résulte de ses créations une musique totalement organique et dénuée de support mélodique, qui laisse ainsi à chacun la liberté de vivre l’expérience et l’écoute à sa manière. « Transmuting current » se présente comme un long mix continue d’atmosphères électroacoustiques crées à partir de nappes synthétiques sous éther, de sonorités naturelles et de rythmes hypnotiques générés par des machines, percussions diverses, et bien sûr, par le son riche, caverneux, ancestral et délicieusement étrange du didgeridoo australien. L’ambiance générale de ce disque étonnant est plutôt nocturne, sombre, profonde, mais jamais oppressante. Elle nous plonge dans une atmosphère ancestrale, primitive, souvent humide, pour ne pas dire « aquatique ». Pour apprécier pleinement le travail accompli sur les nuances et les ambiances sonores, je vous recommande l’usage d’un casque, à faible volume : effets trippants garantis !
Enfin, pour couronner le tout, l’objet est présenté dans un très classieux digipack avec slipcase cartonné, aussi beau à regarder que passionnant à écouter (notre musicien a aussi très bon goût en matière de graphisme, en témoigne son site web magnifique designé par Kevin Swope ). Plonger dans ce premier album de John Vorus est une expérience onirique aussi intense qu’insolite, qui de plus, si vous y êtes sensibles, vous ouvrira à de bien belles découvertes musicales. Car si le genre n’a plus rien à prouver outre atlantique, il à fait école aussi en Europe, où la scène « ambient » est aujourd’hui bien vivante, portée par ne nombreux et talentueux artistes tels qu’Alio Die, Vidna Obmana, Asmorod, Boris Lelong, Matthew Florianz, Max Corbacho ou encore Bruno Sanfilippo.
« Transmuting current » sera peut-être votre premier ticket offert pour un voyage onirique non stop à travers un monde sensoriel on ne peut plus évocateur et globalement mystérieux, qui vous le constaterez par vous même, se renouvelle à chaque écoute. Pour ma part, vivement le prochain opus, John !