Hiver Pool – Douce Addiction
Label Verte
2016
Hiver Pool – Douce Addiction
« L’hiver approche… », est-il scandé dans la série Game Of Thrones. Et par le temps écossais doucereux qui règne parfois en Haute-Loire, on croirait bien devoir passer de la fiction à la réalité… Pendant ce temps, bien au chaud dans l’agréable maison vigneronne qui abrite leur studio, Delphine Fargier et Martial Semonsut, s’activent langoureusement à la préparation de leur premier album. Tranquillement, méticuleusement, entre le studio « La Vallée » et le studio « Kerwax », situé en Bretagne, ils concoctent leur écrin sous la houlette de Christophe Chavanon (connu pour ses productions de Lou Doillon, Rover, Thomas Fersen…). Hiver Pool, vous l’aurez compris, navigue un peu entre deux eaux : celle de la piscine que Gainsbourg avait offerte à Adjani, mais aussi celle des rives de la Mersey… Et l’on comprend vite, rien qu’en voyant leur nom où sont leurs racines, prises entre le flot musical venu d’outre-Manche, et la taquinerie espiègle et gouleyante du Gainsbarre !
En attendant de fignoler, les pieds quasiment pris dans des charentaises, leur premier album attendu pour 2017, les Hiver Pool ont produit un premier EP cinq titres, résolument confidentiel. Confidentiel parce qu’il sert surtout à démarcher les salles de concert, préparer des résidences, fourbir leurs armes entre Auvergne et Bretagne. Eh oui, Delphine et Martial – avec les compagnons de route glanés depuis le début de l’aventure – prennent leur temps. Dans un joli coin de campagne altiligérienne, entre voyages studieux en Bretagne chez Kerwax, travail sur d’autres projets au studio de Martial (La Vallée), éducation des enfants (les leurs et ceux des autres) et balades avec le chien Jude (devenu mon ami : Hey Jude, c’est Henri !), Hiver Pool peaufine, réfléchit, répète, fourbit un album dans lequel on sent bien que le duo de tourtereaux joue gros, sans douter pour autant de la direction qui se dessine…
Alors, Douce Addiction, ce premier EP alangui, Hiver Pool pose son atmosphère. Outre les références déjà évoquées, il y a aussi du Dominique A chez eux. Cette sorte de musique qui s’introduit avec une « quiétude insolente » comme le chante Delphine sur « Extases », rythmée par une basse qui sonne comme sur les premiers albums des Wings de qui vous savez… Ou comme sur « Poète Lakota », ce titre enregistré à 432 Hz en lieu et place du 440 imposé par les nazis, respirant les grands espaces des Indiens lakotas, vous savez ces indigènes sécessionnistes du Dakota du Sud… « Il faut se réveiller », nous invitent doucement Martial et Delphine, sur un air dont la basse encore appelle les loups du Macca (mais y a-t-il vraiment des Indiens sur la lune, Paul ?).
Et puis, vient le titre le plus pop, le plus prenant, le plus ressemblant de qui sont les Hiver Pool, j’ai nommé « Personne Ne Doit Savoir ». Bien entendu, ce titre sonne comme une évidence (c’est bien là le cachet des chansons pop, non ?), mais encore il joue sur un de ces paradoxes dont Gainsbourg était friand : crier au monde son amour tout en le voilant sous des mots pudiques, légers, mais néanmoins provocants (« Je t’aime, moi non plus », chantait les uns, « Tu es mon plus beau problème (…) Tu es mon obsession pathogène » rétorquent les autres)… Hiver Pool pose ses mots l’air de rien, sur une musique savamment dosée et finement mixée. C’est encore le cas sur « Eden » à l’ambiance un peu plus cold wave (une tendance partagée sur d’autres titres qu’ils interprètent sur scène). Douce Addiction fonctionne à l’économie (un peu comme sur les albums de leurs amis de Mickey 3D) en saupoudrant les mélodies de ce qu’il faut d’instrumentation pour faire valoir les ambiances et les textes, ce qui est encore le cas sur le dernier titre, « Cowboys », digne d’une Bardot flamboyante filmée par un Sergio Leone sous psychotrope.
Douce Addiction porte bien son titre. Il pénètre sous votre peau sans crier gare, s’installant comme chez lui, sans fomenter de révolution ni vous laisser indifférent. Tout juste l’alliance subtile de pensées mélodiques et de ritournelles volubiles. Dans un monde de bruits et de sarcasmes, Hiver Pool pose un regard détaché, un brin désabusé, un tantinet décalé… Quelle que soit la saison, qu’il paraît doux de ne rien faire au bord de cette piscine-là.
Henri Vaugrand
http://www.hiverpool.fr/