Gorguts – Colored Sands
Gorguts
Season Of Mist
Je pensais que j’en avais fini avec le death. Franchement… Loin, entre souvenirs et vertes années chevelues. Et puis, Portal m’atomise le cortex dans les limbes insondables des Grands Anciens. Déjà. Maintenant, est-ce j’attendais réellement le nouveau Gorguts ? Pas vraiment. Comme toutes les pièces phares, « Obscura » (1998) était dément, avant-gardiste, profond, dissonant. Une pièce somme, un chef-d’œuvre quoi. Tellement fort, tellement génial que je ne l’écoutais jamais. D’ailleurs, j’ai fini par refourguer le disque. « Colored Sands », j’ai du me décider, braver la bête en somme, et je n’en suis pas encore revenu. Gorguts est toujours un monstre de technique, ces gars sont des piliers du manche et, objectivement, ils font peur. Gorguts est toujours étrange, insaisissable, plus abstrait encore. Est-ce qu’on retient des titres en particulier ? Oui et non. Oui, car on remarque les passages aériens, les lignes claires, le vent sur les ruines brumeuses, l’atmosphère spectrale. Non, car le débit est tel, avec vitesse, brutalité, technicité, intensité, qu’on se retrouve littéralement aspiré. Un enchevêtrement de dédales, il est facile de s’y perdre, et c’est ce qui arrive de toute façon. Portal serre avec des tentacules gluantes, il suffoque. Gorguts, lui, c’est la dissonance, la corne de brume chargée et liquide. Une liqueur qu’on vient de déterrer, fraîche, stable, unique. Oui, « Colored Sands », quelque-part est singulier. Il revient plus souvent, plus agréable, il assomme mais maintient éveillé. Son expérimentation en devient illusoire. Pourquoi compter plans, breaks et autres riffs ? Tout ça, ça se change, ça mute en des paysages de montagnes, un brouillard mystique, ça se dessine, ça laisse voir. Mais pourquoi ce trop long interlude ? Cet enregistrement classique sorti tout droit d’une scène cinématographique ? Je n’ai pas envie de reprendre mon souffle pourtant. Non, je veux encaisser cette bourrasque d’énergie, pas de pause, pas celle-là. Le défaut du disque, celui qu’on écoute une, ou deux, fois avant de passer directement à la suite. Pourtant, quel final ! Quelle détermination, la synergie parfaite. Finalement, je l’attendais si peu ce « Colored Sands » que j’ai gobé sa fureur tout comme sa démence. À l’instar de Portal ou Chaos Echoes, Gorguts dérive sur les rives du death et en repousse les frontières, « Colored Sands », lui, est impénétrable, et férocement viscéral. Franchement, je crois que le death n’en a pas encore fini avec moi…
Jérémy Urbain (8,5/10)