Esthesis – Raising Hands
Autoproduction
2019
Rudzik
Esthesis – Raising Hands
Putain, six ans ! Le début de cette chronique ne donne clairement pas dans l’esthétisme contrairement au groupe au nom judicieusement choisi, formé par Aurélien Goude. Mais c’est qu’il aura fallut tout un sextennat pour qu’Esthesis lève le doigt, ou plutôt les deux mains, pour être en mesure de nous dire « Hey, on a sorti notre EP, Raising Hands ».
Esthesis est avant toute chose le projet d’Aurélien (claviers, vocaux, lap steel), lui le musicien mais aussi le compositeur, l’ingé son (dans son propre home studio de Toulouse) et même le graphiste auteur d’une jaquette artistiquement réussie. Fort heureusement, l’EP l’est aussi. Il n’y a guère que les textes qu’il a rédigés plus collectivement. Cependant, musicalement, et bien que les claviers soient très présents, Aurélien ne tire pas totalement la couverture à lui.
Esthesis, c’est donc aussi quatre zikos qui jouent du rock progressif non démonstratif et très influencé par le défunt Porcupine Tree. Paradoxalement, ce ne sont peut-être pas les derniers albums de ce groupe mythique qui ont le plus imprégné Raising Hands de leur ambiance devenue plus résolument métallique mais plutôt celui qui était lui-même le plus inspiré par le grand Floyd à savoir le double LP The Sky Moves Sideways. Ainsi dès « Raising Hands Part 1 et Part 2 », on se retrouve plongé dans le même genre d’univers psychédélique et légèrement oriental.
Aurélien Goude assume complètement cette référence à Porcupine Tree en habillant constamment son chant façon Steven Wilson, que cela soit dans les tonalités mais aussi dans les effets de voix. Les rythmiques de claviers et les nappes participent beaucoup à créer une ambiance aérienne mais quelques touches d’orgue Hammond les perturbent parfois avec bonheur. Les claviers ne sont toutefois pas outranciers laissant la place à quelques riffs bien sentis assurés par David Delavoipière et surtout à quelques soli de derrière les fagots comme celui qui survient brusquement après le moment d’accalmie de « Raising Hands Part 2 ». Le groupe privilégie clairement les ambiances à la performance technique et il atteint son objectif, même si j’aurais aimé un peu plus de richesse dans le jeu de batterie de Yann Pousset.
Les cinq plages de l’EP sont toutes très différentes. Le cœur de Raising Hands fait la part belle au groove avec un « Sleepers » presqu’aussi entraînant que la seconde partie du « Sleepers » de Soup puis, « Hunger » avec son faux air de samba progressive et un tantinet inquiétante lors duquel, la batterie est plus à son avantage. Sur ces deux titres, la basse de Charles Thumloup sait se montrer totalement indispensable. On note que la seconde partie de « Hunger » est construite sur une rythmique apparentée à celle de « The Sound Of Muzak » (Ah Porcupine Tree, quand tu nous tiens !) lors de laquelle, les claviers d’Aurélien font feu de tout bois.
C’est un « Silent Call » d’une beauté apaisée, traînant sa langueur sur plus de neuf minutes, qui clôture magiquement l’album. Raising Hands mérite amplement le « high five » que suscite ses compositions admirablement ciselées par Esthesis, du travail d’esthète quoi !
Un peu à l’instar d’un anasazi, un autre fleuron du rock progressif français, avec Tool, Esthesis est parfaitement calé dans les roues de son influence principale qu’est Porcupine Tree mais c’est tellement bien fait qu’on n’y trouvera pas grand chose à redire. Raising Hands m’apparaît plutôt devoir être considéré comme étant un hommage de qualité à l’arbre à porc-épic disparu, une sorte d’offrande à ce totem païen épineux.
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