Eric Holm – Andøya

Andøya
Eric Holm
2014
Subtext

Eric Holm Andoya

Pendant que des étudiants aux beaux-arts prennent en photo grand angle les équipements des CRS dans un noir & blanc de toute classe, d’autres mettent en scène la captation auditive de la chaudière centrale déficiente. Pourquoi j’écris cette phrase complètement stupide et à l’intérêt plus que discutable ? Parce qu’ici, nous affleurons à la frontière de la démarche artistique et sonore. Et celui dont il est question, Eric Holm, est un nouveau dans ce vaste univers de ronronnement introspectif. Américain exilé à Londres, Eric possède un encéphalogramme qui a des idées aussi précises qu’un caprice alcoolisé. Armé d’un microphone (dont je n’ose imaginer le prix au micro-circuit), ce dernier capte et enregistre les sons des poteaux télégraphiques et autres lignes à hautes tensions d’une zone militaire en Norvège, l’île d’Andøya (ma prochaine destination de trek) afin de te les restituer dans un arc narratif ébouriffant. Sculpter l’aléatoire et l’énergétique pour en donner une forme mais aussi une couleur, le virtuel actualisé, doublé et assisté.

« Andøya » est manipulation, rien d’autre, un travail de montage d’une précision moléculaire dans ces salles obscures qui donnent du sens à ce qui n’est que courant et information électrique continu. Un souffle réverbéré dans un tube de cuivre prenant vie, grandissant, possédant une pulsation de vie se répercutant à l’envie. Recherchant à tout prix l’équilibre, Holm tisse des textures abyssales, alarmantes, bouillonnantes et inédites. On s’approche d’un Pan Sonic, le côté punk en moins, ou d’un Thomas Köner, le côté « sale » en plus. Ces pulsations, véritables coups de butoir percussifs, comme si l’enclume de l’oreille interne pointait son indépendance, façonnent un tempo incessant et aride.

Eric Holm

En six titres, l’Américain dresse une cartographie quasi-cinématographique : plans aériens érodés, panoramiques saturés, fable ralentie dans un même mouvement électro-statique, « Andøya » est tout cela en même temps que sa propre solarisation émotionnelle. Quelque chose de difficilement descriptible dès qu’on évite l’écueil (poilant) du frigo en fin de vie couplé à une pédale de réverbe. Matière et profondeur, délicatesse de superposition et d’arrangement, on touche à l’impalpable, le pli, l’interstice, un temps volé et arrangé.

Tel Thomas Ankersmit (vous ne connaissez pas ? Jetez vous sur « Live In Utrecht ») refusant la facilité d’un logiciel qui te chie du son comme je renvoie au fondement mon cassoulet, ayant l’idée de créer une œuvre courte (même pas 40 minutes) ou l’auditeur n’est pas volé, où sa pensée reste libre dans ces flux concrets, Eric Holm signe la partition (d’orfèvre), du vide et de la luxuriance, aussi angoissante qu’aux proportions colossales. Prêtez oreille aux sons abandonnés, ils ont une histoire…

Ps : Profondeur texturale accrue par l’acquisition chaleureuse du vinyle (sauf s’il est déjà sold out, c’est que c’est limité ces petits macarons !)

Jéré Mignon

http://www.subtextrecordings.net/

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5 commentaires

  • Dany Larrivée

    Cher collègue, je n’ai pas encore écouté cet album que ta critique m’en donne le goût. Ça me fait penser à l’album ‘Delirium cordia’ de Fantômas avec un soupçon très Nine Inch Nails dans la démarche, avec un esprit islandais qui me fait penser à Björk (la délicatesse en moins). Finalement, pendant que je terminais de lire
    tes lignes, j’ai commencé l’écoute de cet album exploratoire, et je dois dire que ça donne le goût de me ruine en achetant un micro de prise de son et de faire du sampling (avec guitares et distorsion en extra). Du bon boulot, cet article est du tonnerre!

    Dann

    • Jérém

      Cher Dany,
      Merci pour ton commentaire. Je t’avoue que je n’avais pas du tout penser à Fantômas mais le rapprochement est intéressant dans cette volonté de créer un monde sensitif qui s’étale dans un chaos agencé (bien que plus foutraque sur « Delirium Corda », Fantômas quoi !!).
      Je pense plus au travaux de Peter Mannerfelt ou de Klara Lewis qui, pour le coup, sont assez proches de Holm : Fields recordings, pulsations, montages ébouriffants et cette même saveur hypnotique qui te colle à la peau.

      Attention mon ami, si tu veux un TRES bon microphone, dis au revoir à tes prochaines vacances 😉

  • Fabrice B

    Y’a t’il moyen de trouver cet album….introuvable? 😉

    • Jérém

      Cher Fabrice,
      À l’heure où j’écris ces lignes l’album est épuisé sur le site du label. Il ne reste plus qu’à tenter ta chance sur des listes de distributions. Avec un peu de chance, tu pourras trouver ton bonheur.
      Bon courage dans ta quête 😉

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