Einar Solberg – 16

16
Einar Solberg
Inside Out Music
2023
Bruno Barrier

Einar Solberg – 16

EINAR SOLBERG - 16

Cela fait déjà un moment qu’on avait compris qu’Einar Solberg, le vocaliste de Leprous, n’était pas qu’un simple chanteur de metal, et au fil du temps, il a su faire preuve d’une grande ouverture musicale et d’une aptitude à se renouveler. Ses prestations solo (piano, chant) tout en délicatesse ainsi que les deux derniers opus du groupe sont très représentatifs de cette évolution. C’est donc avec une certaine impatience que j’attendais son premier album solo. Pour ce projet, le norvégien s’est entouré de valeurs sûres, à commencer par l’excellent violoncelliste Raphael Weinroth-Browne dont la collaboration avec Leprous était déjà une franche réussite, puis Ben Levin de Bent Knee, Magnus Børmark de Gåte, Ihsahn ou encore Asger Mygind de Vola et a favorisé la co-composition. Notons aussi que c’est Adam Noble (Placebo, Biffy Clyro, Nothing But Thieves, Leprous…) qui s’est chargé du mixage.

16, le titre de cet album, évoque une période particulièrement marquante de la vie d’Einar Solbeg allant de sa seizième à sa dix-huitième année, période charnière durant laquelle il aura goûté à l’âpreté et à la noirceur que peut revêtir l’existence, à la solitude, à la souffrance. Cependant, le chanteur s’arrête aussi sur des moments qui ont marqué sa carrière tels que sa rencontre avec les membres de Leprous et nous entraîne dans une sorte de rétrospective personnelle mélancolique, émotionnelle, sombre et lumineuse à la fois.

Einar Solberg - 16 band1

« 16 » est aussi le titre du morceau d’ouverture de l’album. Composé par Raphael Weinroth-Browne, c’est un petit bijou de délicatesse et de douceur et on y retrouve avec grand plaisir tous les talents de compositeur et toute la virtuosité du violoncelliste. On comprend tout de suite qu’Einar Solberg a décidé de prendre son temps, de laisser les silences et les respirations rythmer son discours et il se livre avec brio à cet exercice de funambule. Le morceau est marqué par une longue exposition du thème très aérienne et caressante qui vient se poser puis se mêler aux nappes subtiles de violoncelle avant de gagner, toujours lentement, en intensité. Les deux musiciens multiplient les lignes mélodiques parfaitement harmonisées et tout en légèreté. On se sent soulevé, transporté et embarqué pour un vol soumis aux inspirations et aux aspirations du souffle de la voix et des caresses de l’archet. Un pur délice. Pour « Remember me », on garde tout d’abord le côté aérien, les respirations puis on monte en puissance progressivement avec, au passage, quelques parties de batterie déstabilisantes (qui ne sont pas sans rappeler les breaks venus d’ailleurs de Baard Kolstad) avant que le ciel ne vienne s’obscurcir et prenne une couleur très rock et sombre qui donne l’occasion à Einar Solberg de laisser éclater une sorte de rage mélancolique glaçante. L’enchaînement avec « Beautiful Life » pourrait résumer à lui seul l’éclectisme de l’album passant sans cesse de l’ombre à la lumière. Le morceau plus pop, mais tout aussi puissant nous permet là aussi de profiter des qualités vocales du norvégien et de superbes envolées lyriques. L’expérimental « Where All the Twigs Broke » écrit avec sa sœur Heidi Solberg Tveitan, membre de Star of Ash, nous emmène encore dans une autre direction et prouve, si cela était nécessaire, que peu importe la complexité des compositions, Einar solberg est capable de placer sa voix et ses lignes mélodiques très inspirées avec une sorte de facilité rendant toujours l’ensemble harmonieux.
« Metacognitive » voit le retour apprécié de Raphael Weinroth-Browne et fait redescendre le rythme cardiaque tout en nous maintenant sous tension, le leitmotiv «  Get Me Out Of Here » nous accompagnant du début à la fin de la chanson. Einar n’a pas fini de nous surprendre et on peut dire qu’avec « Home » il sort totalement de sa zone de confort. Le résultat est assez déroutant, mais plutôt réussi et le passage rappé de Ben Levin est aussi inattendu qu’efficace et percutant. Il en est de même pour « Blue Light » et son ambiance feutrée, presque soul ou « Grotto » alternant calme et tempête. Une seule écoute de ce disque ne suffira pas, c’est certain ! Les directions et les atmosphères sont multiples et je me suis demandé si l’ensemble ne manquait pas de cohésion bien que finalement j’aime beaucoup cette diversité musicale. Du coup, j’ai un peu la sensation de suivre Einar Solberg dans les méandres de ses expérimentations musicales et de ses névroses. Le résultat ne plaira pas à tout le monde, pourtant j’aime qu’un artiste prenne des risques et partage ses recherches musicales et émotionnelles. Et le voyage n’est pas terminé ! Nouvelle collaboration, cette fois avec Ihsahn, pour « Splitting the Soul ». Ce n’est pas une première, car les deux hommes avaient déjà travaillé ensemble sur « Thorn » et «  Contaminate Me » de Leprous. Donc, sans surprise, on est dans le rock avec des accents metal bien affirmés. Une bonne grosse claque savoureuse et très énergisante. Science du relief oblige, « Over the Top » vient calmer les esprits avec son piano mélancolique et son refrain qui nous fait encore une fois profiter de la puissance caressante de la voix du chanteur. L’album se termine avec l’épique « The Glass Is Empty », sorte de synthèse de onze minutes écrite avec Tóti Guðnason. Ce morceau est un long voyage à lui tout seul à travers des ambiances très différentes se succédant, s’entremêlant avec subtilité. L’ensemble est riche, très riche même ! Et tellement fluide ! On est aspiré et transporté d’un monde à l’autre sans jamais lâcher le fil, entre délicatesse et puissance, entre clarté et obscurité, au gré des émotions et des inspirations de Monsieur Solberg.

Einar Solberg - 16 band2
Celui-ci ne se contente pas d’entrouvrir des portes. Il entre, analyse l’environnement, se fond dans le décor et finit par nous livrer sa propre vision des différents univers qu’il explore. Son empreinte vocale est évidemment très forte, mais avec 16 il démontre un peu plus l’étendue de ses talents d’artiste prêt à s’aventurer sur n’importe quel terrain. Accompagné de musiciens de grand talent et servi par une production parfaite, il nous livre un premier album solo très réussi et très prometteur quant à la suite de ses projets.

https://einarsolberg.com/

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