Edgar Froese – Aqua

Aqua
Edgar Froese
1974
Virgin

Edgar-Froese-Aqua

On a souvent fait à « Aqua » ce mauvais procès de n’être qu’un album fait à la va-vite juste destiné à rapporter plein de sous pour financer l’évolution de Tangerine Dream. Le pire de cette assertion est qu’elle n’est pas entièrement fausse. Pas entièrement vraie non plus, donc. Mais cela fait-il pour autant d' »Aqua », premier album solo d’Edgar Froese, une oeuvre bâclée, médiocre et au final sans intérêt ? Je l’affirme d’entrée : non, non et non ! Et je m’en vais vous expliquer pourquoi. Mais revenons d’abord sur l’époque et le contexte qui a donné lieu à la création de cet album. Nous sommes à fin de 1973. Tangerine Dream, le groupe fondé par Edgar Froese, sa chose, son bébé musical, commence à être connu. Je dis cela ainsi, de manière pompeuse et insistante, pour bien faire comprendre le rapport d’attachement complètement fusionnel d’Edgar Froese par rapport à Tangerine Dream. Bref, Edgar ferait n’importe quoi pour que son TD soit plus haut, plus fort, plus beau. Or en cette fin d’année 1973, Tangerine Dream est à la croisée des chemins. « Atem » fait sensation à la radio, sur les ondes anglaises, et l’album se vend très bien. Pourtant Tangerine Dream n’a toujours pas les moyens de ses ambitions. Ok, deux de ses membres possèdent des VCS3 de chez EMS. D’excellents synthés en eux-mêmes mais qui sont loin d’être suffisants face aux rêves grandioses d’Edgar Froese. Qui lui-même possède un Mellotron. Très joli son, le mellotron, et entièrement polyphonique par dessus le marché, mais ce n’est pas un synthé. Difficile donc de faire de la musique réellement électronique avec ça.

Christopher Franke connaît la solution à ce problème. Il l’a vue, a déjà joué dessus, enfin il a essayé de faire quelque chose avec. C’est un Moog modulaire 3P additionné de 2 séquenceurs. Un énorme synthé qui traîne dans les studios Hansa de Berlin. Personne ne sait s’en servir. Le truc fonctionne avec des câbles qu’on met ici et là, mais il faut avoir la technique, sinon on n’obtient rien, nada, niente. Franke se fait fort de faire de la musique avec. Mais pour ça il faudrait l’acheter. Avec quel argent ? Et le problème est que ce genre d’engin réclame des monceaux de billets. Il va falloir cogiter, se mettre en ordre de bataille et agir. Une première partie de la stratégie a consisté à signer chez Virgin, qui leur a offert un contrat incluant la sortie de cinq albums avec l’avance sur recette qui va avec. Cela fait beaucoup, beaucoup d’argent. Assez pour que Froese puisse offrir à Franke le Moog modulaire de ses rêves.

Edgar Froese

Mais Froese entend doubler son compte en banque afin d’être sûr de pouvoir, définitivement, offrir tout, tout le temps, à Tangerine Dream. D’où l’idée de signer lui-même chez Virgin, et d’obtenir ainsi encore plus d’avance sur recette. Et ça a marché, l’argent a coulé à gros bouillons. Et dès lors « Phaedra » a pu étonner la planète entière avec ses séquences de gros Moog, lançant ainsi l’Age d’Or de Tangerine Dream et révolutionnant dans le même temps et pour toujours la musique électronique. Mais cela fait-il pour autant d' »Aqua » un album à écouter avec un air compassé et peiné ? Que nenni les amis ! Et je dirais même : au contraire ! Car Edgar Froese a eu beaucoup d’ambitions pour son premier opus en solitaire. Tellement même qu’il a fait d' »Aqua » un album assez unique en son genre. A cause de cette seconde face où il a utilisé un procédé d’enregistrement stéréo tout à fait étonnant basé sur des micros placés dans les oreilles d’une tête en polystyrène élevée à hauteur d’homme. De cette manière, les micros captent les bruits de la même manière que les oreilles humaines. L’impression d’être plongé au milieu de l’environnement sonore est saisissante. Mais seulement si on écoute au casque, pas sur des enceintes, sinon ça ne marche pas.

« NGC 891 » et « Upland » sont donc à écouter en priorité au casque pour bien se rendre compte à quel point Edgar Froese a voulu que son premier opus soit d’une splendeur sans nom et pas la médiocrité que certains prétendent. D’autant que « NGC 891″ possède à lui seul deux caractéristiques qui rendent ce morceau très sympathique. Il y d’abord la vision qu’on peut imaginer assez cocasse d’Edgar Froese tendant par sa fenêtre une tête en polystyrène bardée de micros pour enregistrer de son mieux un gros avion de ligne décollant de l’aéroport de Berlin, à peu de distance de son appartement. Et il y a ensuite les séquences de gros Moog parcourant le morceau. Vu le contexte décrit plus haut, il est bien possible que ces séquences-là soient les premières que Christopher Franke ait jamais enregistrées pour un album. Et c’était en plus pour son pote Froese qui lui avait offert sur un plateau d’argent le Moog modulaire de ses rêves. Séquence émotion comme dirait l’autre. Et n’est pas tout, bien sûr. Rien qu' »Aqua », le morceau, est un vaste et merveilleux collage sonore d’une délicate splendeur, un travail de haute volée et réalisé sans aucun magnéto multipiste – un exploit considérable, donc – dans la lignée d’un Bernard Parmegiani ou d’un Luc Ferrari, le top quoi.

Je m’arrête là, ma démonstration est nette, claire et sans appel. Non, « Aqua » n’est pas un album électronique de troisième zone, bien au contraire. Il faut même de nombreuses écoutes pour en tirer toute la quintessence. Mieux, c’est même l’album émouvant d’un vieux routier de la musique électronique s’essayant pour la première fois à navigation en solitaire et dès lors prêt à se mettre à nu sans possibilité de se cacher derrière les autres. L’exercice, on le sait, n’est jamais simple. Mais ici il est pleinement réussi. « Aqua » est un très grand album de musique électronique, à ranger aux côtés de « Phaedra », puisque les deux albums ont été enregistrés dans la même période de temps, l’un en Allemagne, « Aqua », et l’autre en Angleterre, « Phaedra ».

Frédéric Gerchambeau

http://www.edgarfroese.com/

[responsive_vid]

Un commentaire

  • goguelat michel

    EDGAR FROESE est rentré dans le panthéon des plus grand musicien son géni n’avait pas de limite il a bercé mes années 70 avec EPSILON ( Super album ) aqua ,stutman ,pinnacle ainsi Tangerine Dream RICOCHET stratosfear
    rubycon tangram encore avec ( Bauman , Chris franck )
    une partie de ma vie musicale est morte
    EDGAR FROESE je te remercie pour tout c’est moment de bonheur musicale
    ( TOUT C’EST MOMENT SE PERDERONS DANS L’OUBLI COMME LES LARMES DANS LA PLUIE ) Blade Runner
    MICHEL GOGUELAT

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *

Ce site utilise Akismet pour réduire les indésirables. En savoir plus sur comment les données de vos commentaires sont utilisées.