Devin Townsend – Empath

Empath
Devin Townsend
Inside Out
2019
Fred Natuzzi

Devin Townsend – Empath

Devin Townsend Empath

Devin Townsend nous avait habitué à ses projets de fou, du genre Ziltoïd et ses aventures extra-terrestres complètement décalées et rigolotes. Il nous avait également pondu des œuvres inclassables qui relèvent du génie ou du mec qui se laisse aller dans sa folie extravagante, comme Ki ou Terria. Finalement, les albums sortis sous le nom de Devin Townsend Project (aujourd’hui dissout) sont plutôt des œuvres bien cadrées, même si la puissance sonore de certaines est quand même bien conséquente. Avec Empath, Devin Townsend signe sous son propre nom. C’est dire si le mec revendique à 100 % ce qu’il y a dedans. Et qu’est-ce qu’il y a dedans ? Une nouvelle folie sonique, un délire qui n’a pas de limites. Je rapprocherais Empath d’une œuvre filmique de Terrence Malick. On ne sait jamais où l’on va, ni comment on y va. Et de temps en temps, on se prend à se demander pourquoi. Pourquoi Devin Townsend est-il parti dans de gros délires expérimentaux, au risque de perdre son auditeur ? Il ne faut donc pas commencer par cet album si vous êtes nouveau à vous aventurer dans l’univers de ce fou génial. Le canadien a pris le parti d’aller au bout de sa démarche. L’album possède de très beaux moments mélodiques comme Devin sait si bien les faire, et encore une fois, il captive, avec sa voix hors du commun et ses décharges sonores bien senties. Néanmoins, il pêche par excès de conceptualisme. Comme Terrence Malick. Non pas que l’on s’ennuie, mais on reste stupéfait devant les choix qu’il a fait. Au point que, lorsqu’on écoute les 10 titres bonus, on se dit qu’au moins la moitié de ces « démos » auraient pu figurer telles quelles dans l’album sans qu’on y trouve quoi que ce soit à redire. Et sans mentir, on y prend quasiment plus de plaisir.

Devin Townsend Empath Band 1

Alors est-ce que cet album est bon ou mauvais ? A vous d’en juger. Ce que je peux en dire, c’est qu’il provoque autant la fascination que… la sidération. Empath part dans tous les sens et convoque tous les sons que Townsend a pu produire à un moment ou à un autre dans sa carrière, sous quelque forme que ce soit. C’est donc un joyeux foutoir sonique. « Castaway » qui ouvre l’opus surprend avec une chorale qui prend l’allure de comédie musicale ou pire de chant de noël, avant que la voix de Devin n’emporte tout sur « Genesis » et que l’ampleur sonore commence à se déchaîner, avant un passage qui laisse quand même bien dubitatif. La couleur est annoncée, Empath ne sera pas comme les autres albums, ce qui est toujours un plus, sauf que dans ce cas-là, bah… ce n’est pas si convaincant que cela. Et surtout sur la durée. Impressionnant par contre, oui c’est sûr.

« Spirits Will Collide » est sans doute un des plus mauvais titres écrits par Townsend tant la mélodie est simpliste et l’utilisation de la chorale horripilante. « Evermore » est le premier morceau à retenir vraiment l’attention. C’est un kaléidoscope de sons, un mini opéra en lui-même, un truc de ouf. « Sprite » et son début à la « il était une fois » retrouve un Devin aérien avec une voix douce comme jamais et une mélodie brillamment construite sur une texture électro mais traitée comme du progressif. Énorme de subtilité. « Hear Me », par contre, est du très lourd avec un Devin hurlant de toute ses forces. Saluons la performance des batteurs de ce disque, tous engagés pour faire ce qu’il savent faire de mieux. Ici c’est Samus Paulicelli qui s’y colle et autant dire que le gars a dû prendre des jours de RTT après cette session de folie qui peut rappeler l’énorme son de Strapping Young Lad. Seule la voix d’Anneke Van Giersbergen vient apporter un peu de réconfort sur ce morceau. Grand moment.

Devin Townsend Empath Band 2

On repart sur du quasi Disney avec « Why ? » qui montre une voix claire et haute comme rarement Devin a chanté. Convaincant ? Quand on commence à entendre des castagnettes, on se dit que l’opérette n’est pas loin…alors c’est marrant mais bon, passer d’un extrême à un autre, c’est assez déstabilisant. Surtout que la mélodie est encore une fois superbe et la deuxième partie du titre nous emporte assez loin. Ne pas avoir peur du ridicule et s’en sortir avec les honneurs ? Oui, Devin peut le faire. Un morceau incroyable… « Borderlands » dure 11 minutes et commence gentiment, à la Wings, avant de foncer dans le délire. On attend donc que ça passe, même si certains moments retiennent l’attention. A ce stade, le disque est déjà épuisant, la suite va nous achever. « Requiem » est une transition lyrique et orchestrale (John Williams n’est pas loin) avant les 23 minutes pharaoniques de « Singularity ». Un « Singularity » qui commence avec un riff de guitare que n’aurait pas renié Prince par exemple. D’ailleurs, c’est peut-être Steve Vai qui s’en occupe… La guitare acoustique qui prend le relai est une pure merveille. Et puis, la suite est un tourbillon musical. Indescriptible. Une synthèse de tout ce qui précède. A la fois époustouflant et épuisant. On ne sait plus où on est. Perdu dans les limbes de la création mystique du cerveau de Devin, nous errons. Puis vient la fin salvatrice et libératrice, comme quand la lumière se rallume après un film hypnotisant.

Avec Empath, Devin Townsend est allé très loin dans la folie créatrice qui l’anime. Au point de bouleverser les codes, les transcender et faire un album ne ressemblant à aucun autre. Pour retrouver le Devin « classique » (mais avec certaines particularités du premier cd), plongez-vous dans le cd bonus, il vaut vraiment le coup. Quelle sera la suite d’Empath, personne ne le sait. Par contre, Empath en live, ça va être quelque chose…

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