Deathspell Omega – The Synarchy Of Molten Bones
Debemur Morti
2016
Toujours seuls en leur royaume qu’ils ont eux-mêmes érigé et sans véritable égal, les obscurs inconnus formant Deathspell Omega sortent un mini-album. Voilà, voilà. Déjà, rien que d’écrire ça, il me faut plusieurs secondes de silence… Allons-nous laisser un ange passer ? Il passe. Passons.
Créature hybride et polymorphe, cette entité entretient autant le mystère qu’une sorte de fantasme constitué d’intensité dissonante, d’atmosphères déchirées et d’une violence qui fait tomber les anges du Ciel sur une technicité sortie de l’infra-monde. Car dans Deathspell Omega l’humain s’efface, il n’est qu’un vague écho, un parasite, face à une déferlante frénétique et des théorèmes un poil compliqués. The Synarchy of Molten Bones est une mise en apnée, une vague sensation d’expérience extra-corporelle. Quitter son corps et naviguer au milieu des nuages noirs et des éclairs défensifs venant « d’au-dessus ». Autant dire que cette nouvelle sortie ne laisse que peu de répit tant elle se révèle aussi compacte qu’intransigeante. Des breaks innombrables, aux accords discordants en passant par cette batterie tentaculaire, aux changements de rythmes permanents et cette basse s’aventurant dans des effluves d’un jazz d’outre-tombe mal dessaoulé, tout revient à ce manifeste d’un état d’esprit particulier : une expérience totale dans un semblant de chaos d’une ordonnance millimétrée mais d’une frénésie renversante, voire aberrante. Toujours portée par cette voix raclée d’une glotte au stade terminale, au final assez « neutre » mais mortifère, impactant instamment quant à l’aspect sépulcral de l’ensemble. Effet garanti. L’ambiance est là, lugubre, la technicité, elle, est imparable, surhumaine, effrayante…
On se laisse engloutir dans les bouillonnements et autres déchaînements incessants jusqu’au décharnement le plus total et organique. Tel l’effet d’une lame dépeçant, découpant et lacérant chaque particule de chair, cherchant au plus profond des fibres les tourments de l’âme. Et ça laisse des séquelles… Aussi je serai magnanime. Le black metal délivré par Deathspell Omega a gardé son caractère imprévisible, jusqu’au-boutiste, explosant les repères pour en tisser d’autres plus complexes et retors, entre accalmies dérangeantes et furie stroboscopique. Compliqué, voire difficile d’approche pour les non-initiés, The Synarchy of Molten Bones est pourtant la continuité logique des précédents travaux du groupe français (mais au chanteur finlandais), une muraille, sans entrée ni issue, une atmosphère spécifique et sensorielle et une violence qui semble s’accroître jusqu’à l’asphyxie.
Alors que le diamant de ma platine gratte, à nouveau, le vinyle dudit objet, un seul mot me vient à l’esprit : unique.
Un ange est tombé. Voilà.
Jéré Mignon